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Pourquoi les policiers américains blancs qui tuent des Noirs ne vont presque jamais en prison ?

Le Vif

Aux États-Unis, la violence a franchi un nouveau cap. Cinq policiers ont été tués lors d’une manifestation anti-raciste après le meurtre de deux Noirs par des policiers. Le débat sur la brutalité policière et une justice à deux vitesses est relancé.

Le président des États-Unis Barack Obama a réagi suite au décès des deux hommes noirs. Le pays a vécu « trop de fois des tragédies comme celle-ci », a déploré le président américain. Obama a défendu des propositions de réformes faites l’an dernier par la Maison-Blanche, affirmant qu’il était temps de les appliquer. « Si quelque chose de bon peut ressortir de ces tragédies, mon espoir est que les communautés à travers le pays se penchent dessus et disent: « Comment appliquer ces recommandations » ? » « Il y a des juridictions qui ont adopté ces recommandations. Il y en a beaucoup d’autres qui ne l’ont pas fait », a regretté M. Obama.

Cinq fois plus de jeunes noirs tués par la police

Aux États unis, un jeune Noir a cinq fois plus de risque qu’un Blanc d’être abattu par la police. Selon FranceTV, qui site les chiffre du Guardian, les hommes noirs de 15 à 34 ans ne constituent que 2 % de la population américaine. Pourtant, ils représentent 15 % des personnes tuées par balle par la police en 2015. Selon le Guardian, cinq fois plus de jeunes Noirs (1 134 décès) ont été tués par la police l’année dernière que de jeunes Blancs.

Le quotidien affirme également qu’un jeune Afro-américain décédé sur 65 a été tué par la police. Cette violence touche également les plus jeunes. On se souvient de ce jeune garçon de douze ans tué par la police dans un parc alors qu’il jouait avec un pistolet en plastique. De plus, 25 % des Noirs tués n’étaient pas armés, comparés au 17 % de Blancs.

La plupart des policiers relaxés

Ce qui renforce la colère des populations, c’est que les policiers blancs sont rarement incriminés pour avoir abusé de l’usage de leur arme contre un Noir. Aux États-Unis, la justice repose la plupart du temps sur des cas de Jurisprudence qui sont favorables aux policiers blancs, rappelle FranceTV.

Le Guardian a dressé la liste des personnes tuées par la police en 2015 et 2016, une base de données très fournie qui détaille chaque mort et les circonstances de celles-ci. Dans la grande majorité des cas, les policiers s’en sortent sans peine de prison.

Pour qu’un policier soit inquiété après avoir tué un Noir, il faut de sérieuses accusations à son encontre. C’est d’ailleurs le cas de Michael Slager qui attend son procès en prison. Il est accusé d’avoir tué un cariste de 50 ans d’une balle dans le dos, puis d’avoir déposé son taser à côté du corps pour faire croire que celui-ci lui avait pris et ainsi justifier qu’il se soit senti menacé. Une vidéo contredit sa version des faits.

Mais dans beaucoup d’autres cas, pour lesquels des policiers auraient probablement été inquiétés chez nous, aucune menace ne pèse sur les représentants des forces de l’ordre. Darren Wilson, le meurtrier de Micheal Brown n’a même pas été inculpé.

Pourquoi ? D’abord parce que le recours à la légitime défense est beaucoup plus large que chez nous. Dans certains Etats, il suffit à un policier de pouvoir justifier qu’il se sentait menacé, peu importe la nature de cette menace et si elle était réelle ou pas, pour justifier d’avoir ouvert le feu sur une personne et de l’avoir tuée.

En Floride, cette loi a même été renforcée par une autre en 2005 par le gouverneur Jeb Bush. La loi « Stand Your Ground » stipule que les gens armés n’ont pas à tenter de fuir un affrontement avant d’utiliser leur arme et d’invoquer la légitime défense. Depuis, 17 États américains ont adopté des lois semblables, affirme La Presse.

Ensuite, la justice américaine repose en grande partie sur la Jurisprudence qui est généralement favorable à la police. France TV prend l’exemple d’un jugement rendu par la Cour Suprême dans l’affaire « Plumhoff versus Rickard », il y a quelques mois. Deux personnes avaient été abattues par la police après une course-poursuite. La Cour Suprême a jugé qu’il ne s’agissait pas d’un recours excessif de la force : « Si tirer sur un suspect est justifié pour mettre un terme à une grave menace à l’ordre public, alors les policiers ne sont pas obligés d’arrêter de tirer tant que la menace n’a pas disparu », avait écrit la Cour.

Ce texte a été utilisé pour compléter un autre jugement datant de 1989, qui avait affirmé que la pertinence de l’utilisation de la force par les agents devait « être jugée du point de vue d’un policier présent sur la scène », plutôt qu’à froid par les enquêteurs.

Autrement dit, le témoignage du policier et de son ressenti lors d’une intervention va énormément compter dans la balance lors du jugement. Cette décision a d’ailleurs également été prise comme référence lors de la décision de ne pas poursuivre Darren Wilson pour avoir tué Micheal Brown, 18 ans.

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