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Pourquoi les Brésiliens sont-ils descendus dans la rue ?

Le Vif

La soudaineté de la mobilisation populaire qui a fait descendre 250 000 Brésiliens dans les rues, lundi, pose un grand nombre de questions. Dont celle-ci : assiste-t-on au début d’un « printemps brésilien »?

Alors que la Coupe des confédérations de football bat son plein jusqu’à la fin du mois, les manifestations de rue, qui ont soudainement éclaté lundi, ont pris tout le monde par surprise: le gouvernement, les maires des grandes villes où elles se déroulent -principalement Rio et São Paulo mais également Belo Horizonte, Brasilia, Salvador de Bahia, Porto Alegre, Vitoria, Curitiba, Maceio, Fortaleza, Belém-, la police et tous les commentateurs. A Rio de Janeiro -100 000 manifestants-, le mouvement a dégénéré en affrontement avec les forces de l’ordre.

Déclenché par une mobilisation sur Facebook et les réseaux sociaux pour protester contre l’augmentation des transports en commun à São Paulo vendredi dernier, le mouvement s’est répandu comme une trainée de poudre. Inédite par sa soudaineté, la mobilisation populaire s’inscrit déjà dans les annales comme l’une des plus importantes depuis le retour de la démocratie en 1985.

Contester le « miracle économique »?

La journée de lundi pose un nombre considérable de questions à l’image du vaste éventail des revendications protéiformes exprimé par les manifestants. Ces derniers réclament davantage d’investissement dans les secteurs de la santé et de l’éducation ; ils veulent des transports publics moins chers, exigent la fin de la corruption -qui est endémique- ainsi que le blocage de la réforme constitutionnelle qui prévoit de retirer des capacités d’enquête au ministère public. A cela s’ajoutent des revendications locales.

Les manifestations interviennent alors que le « miracle économique » brésilien n’a pas apporté les fruits espérés. Si les exportations de matières premières -minerais, hydrocarbures, produits agricoles- ont tiré la croissance pendant une décennie, celle-ci s’est établie à seulement +1,2% en 2012. Un chiffre très insuffisant pour faire face aux défis du Brésil.

A un an du Mondial de football, l’inauguration, cette année, de magnifiques stades et équipement sportifs à travers le pays, ne parvient pas à masquer le retard criant en matière d’infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires qui pénalise la croissance brésilienne. Au surplus, un grand nombre d’appels d’offres sont entachés d’affaires de corruption et de scandales dont la multiplication exaspère chaque jour un peu plus la classe moyenne.

Vers la négociation?

La mobilisation, qui s’oppose à toute récupération politique, reflète la vivacité de la société civile, traditionnellement active dans ce pays de 200 millions d’habitants. C’est d’ailleurs cette dernière qui -par des manifestations populaires, des luttes syndicales et un activisme politique ardent- a fait plier le régime militaire et obtenu, au début des années 1980, l’organisation d’élections libres. A l’époque, les manifestants se nommaient Fernando Henrique Cardoso ou Lula, tous deux devenus par la suite présidents de la République.

L’un et l’autre ont d’ailleurs pris la parole dès le début des manifestations. Le premier -qui fut sociologue- pour déclarer que « les gouvernants du pays doivent comprendre le pourquoi de ces événements »; le second -qui fut syndicaliste- pour affirmer qu' »il n’existe pas de problème qui n’ait de solution ». « La seule certitude est que le mouvement social et les revendications ne sont pas affaires de police mais quelque chose à régler autour d’une table de négociation ».

La présidente Dilma Rousseff qui, comme ses deux prédécesseurs, est une personnalité de gauche, tente également de calmer le jeu afin d’éviter que les manifestations ne dégénèrent entre affrontement avec la police: « Les manifestations pacifiques sont légitimes et sont le propre de la démocratie ». Les prochains jours diront jusqu’où les Brésiliens sont prêts à aller.

Par Axel Gyldén

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