Nadine Morano © AFP

Nadine Morano perd son investiture aux élections régionales après sa déclaration polémique

Le Vif

Elle était l’un des plus ardents soutiens de l’ancien président Nicolas Sarkozy: la dernière saillie de Nadine Morano sur la France, pays de « race blanche », embarrasse le chef de la droite au moment où il tente de concurrencer l’extrême droite sur ses thèmes favoris de l’immigration et de l’identité nationale.

« A force de courir après le Front national », le parti d’extrême droite de Marine Le Pen, « c’est la plus stupide qui s’est fait prendre », a ironisé jeudi sur la radio RTL le président socialiste de l’Assemblée nationale Claude Bartolone.

Le « cas Morano » est pain béni pour les socialistes au pouvoir, empêtrés dans l’absence de résultats face au chômage et menacés de subir une lourde défaite à des élections régionales en décembre.

Le Premier ministre Manuel Valls a dénoncé « une course effrayante, une surenchère à l’extrême droite ». « Quand on parle du ‘danger’ de ‘millions’ de migrants, quand on veut trier en fonction de la religion (…), on fracture le pays », a-t-il déclaré mercredi devant les députés.

Ces propos visaient implicitement M. Sarkozy qui avait évoqué début septembre le risque d’une « désintégration de la société française » lié à une politique migratoire jugée trop libérale, et qui avait comparé en juin l’afflux de migrants à une « fuite d’eau ».

Nicolas Sarkozy a attendu quatre jours pour demander mercredi soir le retrait de l’investiture de son ancienne ministre par son parti Les Républicains aux élections régionales.

« Que tous ceux qui cherchent par leurs déclarations à s’assurer une publicité qui nuit à la crédibilité des Républicains comprennent que cela ne peut pas rester sans conséquence », a souligné la direction du parti dans un communiqué.

Entre-temps les modérés de cette formation avaient plaidé en interne pour une exclusion de Nadine Morano, qui n’en est pas à son premier faux pas politique. En juin 2012, elle avait estimé que Marine Le Pen avait « beaucoup de talent ». Elle s’était aussi défendue d’être raciste car sa meilleure amie était « tchadienne, et donc plus noire qu’une arabe ».

« Un pays judéo-chrétien (…) de race blanche, qui accueille des personnes étrangères »

C’est d’ailleurs pour ses déclarations à l’emporte-pièce susceptibles de « faire le buzz » que Nadine Morano, aujourd’hui simple députée européenne, est fréquemment invitée sur les plateaux de télévision.

Samedi soir, lors d’une émission mêlant débat et divertissement appelée « On n’est pas couchés » sur la chaîne publique France 2, où était discutée la question des demandeurs d’asile en Europe, elle a défini la France comme « un pays judéo-chrétien (…) de race blanche, qui accueille des personnes étrangères ».

Réitérant ce même propos polémique, Nadine Morano, qui participait à Moscou à un forum parlementaire sur la sécurité internationale y a estimé que la France est « un pays de race blanche avec des noirs, comme le Congo est un pays de race noire avec des blancs ».

Des affirmations contraires à la fois à la réalité – la France est un vieux pays d’immigration et compte plusieurs territoires non européens – et à la conception républicaine de la Nation fondée sur la citoyenneté quelle que soit l’origine ou la religion, mais qui rencontrent un certain écho dans une partie de la population.

« J’ai envie que la France reste la France et je n’ai pas envie que la France devienne musulmane », a-t-elle poursuivi. La crainte d’une « islamisation » de la France, exprimée par des essayistes à succès comme Eric Zemmour (Le suicide français) ou par le médiatique maire de Béziers(sud) Robert Ménard, proche du FN, a eu son expression la plus éclatante avec la publication en janvier d’un roman de Michel Houellebecq, « Soumission », qui imagine le pays dirigé par un président islamiste.

Nadine Morano, 51 ans, issue d’un milieu modeste de Lorraine (nord-est), entrée en politique dès ses années d’étude, a longtemps été l’un des plus fervents soutiens de Nicolas Sarkozy. Celui-ci l’a remerciée en la nommant sous sa présidence à plusieurs postes ministériels (famille, formation professionnelle).

Critiquée jusque dans son parti pour ses positions outrancières, battue aux élections législatives de 2012, elle jouit cependant d’une certaine popularité à la base du parti Les Républicains. Elle a été écartée de l’organigramme de cette formation mais envisage de se présenter à la présidentielle de 2017. Quant à Nicolas Sarkozy, « ce n’est même pas la peine qu’il songe à se présenter à la présidentielle, je le dézinguerai », a-t-elle promis à l’hebdomadaire le Point.

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