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« Marine Le Pen n’a aucune chance de devenir présidente »

Entretien avec le Français Vincent Laborderie, politologue à l’UCL.  » En Marche, c’est un peu de CDH, de MR et de DéFI « , déclare-t-il. Selon lui, le PS français est mort.

Emmanuel Macron président, l’affaire est pliée selon vous ?

Oui. Il y aurait eu un vrai match si Marine Le Pen avait fini à la première place avec 8 ou 10 points d’avance. Comme elle n’est que deuxième, et qu’elle fait un très mauvais score, elle n’a aucune chance de devenir présidente.

Aurait-on joué à se faire peur ?

Les écarts ne sont pas énormes, et les extrêmes cumulent tout de même 40%. Je ne mets pas Mélenchon et Le Pen sur le même pied, mais ce sont des programmes de rupture, notamment par rapport à l’Union européenne.

Une majorité de Français a donc choisi la voie de la modération ?

Oui, mais en dynamitant aussi le système politique. Le Parti socialiste français est mort. Benoît Hamon était sans doute le dernier candidat du PS à une élection présidentielle. C’est la fin du système gauche/droite et il faudra attendre la fin des législatives pour voir comment les partis se recomposeront et la place que tiendront les Républicains, le FN, En Marche et ce qui restera de la gauche.

Le clivage gauche/droite pourrait-il disparaître ?

Hamon et Fillon sont passés par les primaires de gauche et de droite, qu’ils ont tous les deux gagnée, mais en ne s’adressant qu’à leurs électeurs, sans chercher à élargir leur assise. Arrivés devant l’ensemble des Français, aucun des deux ne parvient au second tour… Symptomatique ! Or en France, c’était le seul clivage. Il va se reconstituer, mais d’autres vont s’y ajouter comme le clivage ouvert/fermé par rapport à mondialisation et à l’Europe, et qui oppose Macron et Le Pen. C’est ce même clivage qu’on a vu à l’occasion du Brexit ou de l’élection de Trump.

Macron « dépasse les idéologies », comme vous l’avez écrit, mais il reste le représentant d’un système qui se perpétue, fidèle au capital… D’autres parlent d’une continuation de Hollande, dont il a été le ministre de l’Economie.

Non, ce n’est pas la continuation de Hollande. Le programme de Macron est très clair, il emprunte à la droite et à la gauche, c’est une compilation des livres blancs et des rapports rédigés depuis des années, en particulier par des gens de gauche réformistes, mais qui n’ont jamais été mis en oeuvre. En ce sens, c’est une rupture par rapport à Hollande. C’est vrai qu’il ne remet pas en cause le capitalisme et qu’on parle de son passage dans une banque d’affaires. Mais il n’a que 39 ans et il a passé plus de temps dans les cabinets ministériels que dans les banques. Il bénéficie aussi d’un réseau de gens compétents.

A quoi pourriez-vous comparer En Marche en Belgique ?

En Marche, c’est un peu de CDH, de MR et de DéFI. Le CDH car il dépasse le clivage gauche/droite, le MR car il est libéral – même si En Marche est libéral de gauche ou centriste -, et DéFI pour les réformes socio-économiques qu’il préconise. Mais je ne vois rien du PS belge dans ce mouvement. Il m’évoque plutôt l’ancien ministre SP.A Frank Vandenbroucke, un social-démocrate qui penche vers le centre, à la limite libéral de gauche.

Après les Pays-Bas, la France signerait-elle un nouvel échec de ceux qui veulent rétablir les frontières ?

La vague populiste s’est arrêtée à la Manche. Les populistes ne peuvent gagner que par surprise, a déclaré le Britannique Nick Clegg (jusqu’il a peu leader du parti libéral-démocrate). Le Brexit n’était pas censé gagner et donc les modérés sont restés chez eux. En France et aux Pays-Bas, les électeurs centristes se sont mobilisés pour faire barrage, alors qu’on craignait une abstention importante. Un des grands vainqueurs de l’élection aux Pays-Bas est d’ailleurs le parti D66 qui a cinquante ans d’âge, mais qui est très proche des idées d’En Marche.

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