Gérald Papy

« Les malheurs de la Coupe d’Afrique des nations »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Un attentat qui a fait dix-sept blessés au pied des pyramides de Gizeh le dimanche 19 mai contre un car de touristes sud-africains est venu rappeler que la poigne de fer du régime du maréchal Abdel Fattah al-Sissi ne prémunit pas entièrement l’Egypte contre ce que Le Caire, à l’image du pouvoir algérien à la fin des années de plomb, voudrait reléguer à du « terrorisme résiduel ».

La conjugaison de cette attaque à celle, quasi similaire, qui a coûté la vie à trois voyageurs viet- namiens et à leur guide le 28 décembre 2018, n’a assurément rien de comparable avec la vague de violences qui avait frappé le secteur touristique dans les années 1990. Elle ne permet pas davantage de croire l’Egypte complètement à l’abri du fléau.

L’identité des victimes du 19 mai aurait même tendance à faire craindre le contraire. L’Afrique du Sud participera, du 21 juin au 19 juillet prochains, à la Coupe d’Afrique des nations de football. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre le message envoyé aux autorités : les islamistes entendent bien, malgré la répression qui a suivi l’attentat (douze djihadistes présumés ont été tués le lundi 20 mai), perturber la compétition, dont une majorité d’Egyptiens se promettent de faire une fête si leur idole Mohamed Salah, le joueur vedette de Liverpool au sommet de son art, le veut bien…

Ironie de l’histoire dans la saga de l’organisation du championnat bisannuel des équipes nationales de football d’Afrique, l’Egypte n’a dû d’accueillir son édition 2019 qu’aux retards pris par les chantiers de l’organisateur désigné, le Cameroun, et à… l’insécurité qui règne dans le nord de ce pays du fait de la contagion régionale du terrorisme du groupe islamiste nigérian Boko Haram. Ces turbulences s’ajoutent aux péripéties qui ont émaillé quelques-unes des éditions récentes de la compétition : l’attaque de la délégation du Togo (trois morts) par des séparatistes de l’enclave de Cabinda lors du tournoi organisé en Angola en 2010, le transfert de la compétition en Afrique du Sud en 2013 en raison de la guerre de Libye ou le désistement forcé du Maroc au profit de la Guinée équatoriale en 2015 pour cause de psychose de la fièvre Ebola…

Si elle est le reflet des convulsions du continent, la Coupe d’Afrique des nations est aussi la vitrine de ses réussites. A l’aune des pays qui y participeront cette année, pour la première fois au nombre de 24, c’est l’Afrique de l’Ouest qui figurera logiquement le plus grand pôle de stabilité. Dix pays la représenteront. Et parmi les dix Etats africains les plus prospères, seuls deux n’y enverront pas de compétiteurs : l’Ethiopie, tigre économique qui privilégie sans doute l’athlétisme, et le Soudan, théâtre d’une révolte de la population couronnée pour l’instant de succès.

Il est vrai que la réussite en football, sport populaire, peut difficilement prétendre au rang d’indice de développement humain. Pour beaucoup de citoyens du continent, la Coupe représentera au mieux une parenthèse enchantée. Pour d’autres – pensons aux Algériens et même aux Egyptiens – elle pourrait pourtant être le ferment d’une fièvre nationaliste dont les débordements ne resteront peut-être pas sans conséquences sur le terrain politique.

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