Le président serbe, Tomislav Nikolic. © BELGAIMAGE

La Serbie à la croisée des chemins entre l’Europe ou Moscou

L’extrême droite serbe renaissante entend gâcher le plébiscite annoncé du Premier ministre Aleksandar Vucic lors des législatives dimanche, et appelle à tourner le dos à l’Union européenne pour une alliance avec le grand frère russe.

La liste de l’ultra-nationaliste Vojislav Seselj, 61 ans, héraut assumé de la « Grande Serbie », devrait passer les 5% fatidiques pour revenir au Parlement après deux élections blanches pour l’extrême droite (2012 et 2014).

Récemment acquitté par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), M. Seselj s’est employé à transformer le scrutin en « référendum (…) entre la Fédération de Russie et l’Union européenne ». « Nous ne voulons pas entrer dans l’Union européenne! Tous les ennemis traditionnels de la Serbie y sont », a lâché le tribun à Belgrade.

« A aucun moment je ne ferai le moindre compromis avec ceux qui ramènent la Serbie vers le passé », réplique M. Vucic (SNS, centre-droit), qui dirige depuis 2014 un gouvernement de coalition pro-européen.

Ancien collaborateur de Slobodan Milosevic, ex-protégé de M. Seselj, ce converti au réformisme et au réalisme libéral met en garde ceux qui voudraient faire « de la Serbie le lépreux de l’Europe, Etat paria dans la région et dans le monde, en lui faisant quitter le chemin de l’Europe ».

Ultra-favori face à une opposition atomisée, Aleksandar Vucic a convoqué ces élections pour poursuivre ses discussions avec Bruxelles, entamées en décembre deux ans après l’officialisation de la candidature à l’UE.

La majorité des quelque sept millions d’électeurs devrait lui offrir ce mandat: selon les sondages, son Parti progressiste (SNS) remporterait environ la moitié des suffrages, loin devant les socialistes du SPS (centre-gauche), les Démocrates (DS, centre-gauche) et un regroupement centriste-libéral autour de l’ex-président Boris Tadic.

Les deux listes d’extrême droite, les Radicaux de M. Seselj et les souverainistes de DSS-Dveri, sont créditées ensemble de 10 à 15%. Dans un contexte de chômage proche de 20%, de baisse des retraites, de hausse des impôts, ce camp « anti-européen » entend prendre date. « Le 24 avril sera-t-il le jour de la victoire ou bien faudra-t-il attendre deux ans? », s’interroge M. Seselj.

La corde slavophile de l’ultra-nationaliste plaît. Selon une étude récente publiée par l’hebdomadaire indépendant Vreme, deux Serbes sur trois sont favorables à une alliance avec Moscou (67,2%), quand la moitié (50,9%) souhaite une adhésion à l’UE. Dans la Knez Mihailova, artère commerçante de Belgrade, les T-shirts et les mugs à la gloire de Vladimir Poutine sont offerts au chaland.

Malgré une présence économique réelle, comme en atteste le contrôle du groupe russe Gazprom sur la compagnie pétrolière NIS, l’UE est le premier partenaire de la Serbie. Mais Moscou a installé « l’image d’un partenaire fiable, de long terme, sur lequel la Serbie peut compter », résume sur son blog de la London School of Economics (LSE) le géopolitologue Jaroslaw Wisniewski.

La Russie récolte le fruit de positions populaires: opposition à l’admission à l’Unesco du Kosovo, dont Belgrade rejette l’indépendance, veto à une résolution de l’ONU qualifiant de génocide le massacre de Srebrenica.

Selon Jaroslaw Wisnieski, « il y a d’un côté l’image d’une Russie qui fait preuve de respect pendant que l’Ouest est plus enclin à formuler des exigences et à inciter à des réformes impopulaires ». Avec pour seule perspective une adhésion hypothétique, après 2020.

Dans ce contexte, M. Vucic joue les équilibristes, discutant avec l’UE tout en affichant son attachement à « la relation amicale traditionnelle » avec la Russie, comme lors d’une visite à Moscou en octobre 2015. En février, armées serbe et russe ont mené des exercices conjoints.

Mais aux yeux du politologue Tibor Jona, la classe politique serbe utilise surtout ce débat UE-Russie pour dissimuler l’essentiel. « Personne ne nous dit comment arrêter l’exode de nos médecins, comment bâtir un système éducatif qui fonctionne. C’est ce qui définit l’Europe. L’Europe, ce n’est pas une vingtaine de députés à Bruxelles, c’est savoir si on peut offrir un bon système de santé à nos citoyens ».

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