© Reuters - David Mercado. Photo datant d'avril 2004.

La Bolivie baisse l’âge légal du travail des enfants à 10 ans

Stagiaire Le Vif

Un enfant de 10 ans pourra désormais travailler (par nécessité) légalement en Bolivie. Le Congrès et le Parlement ont approuvé une loi modifiant le code de l’enfant. L’Etat reconnaît la réalité de son économie informelle où beaucoup d’enfants y contribuent.

Ils sont cireurs de chaussures, porteurs de briques, vendeurs ambulants, ou encore mineurs de fond. À peine sorti de l’enfance, de nombreux boliviens travaillent de manière régulière, d’après l’Unicef.

La Bolivie s’apprête à autoriser le travail d’enfants dès l’âge de 10 ans. Après le Congrès, le Parlement a approuvé il y a quelques jours le nouveau code de l’enfant qui prévoit de baisser, dans certains cas, l’âge minimum légal en dessous des 14 ans requis pour travailler. Dans le cas où cela ne perturbe pas leur éducation et que les gains servent à aider leur famille.

« Exceptionnellement, les services de défense de l’enfance pourront autoriser les enfants et adolescents de 10 à 14 ans à travailler à leur compte et les adolescents de 12 à 14 ans à travailler pour une tierce personne, à la condition que cette activité ne nuise pas à leur droit à l’éducation et qu’elle ne soit pas dangereuse », indique le texte de loi, rapporté par Le Monde, au grand dam des nombreuses institutions opposées au travail des enfants.

Une responsable régionale au sein de l’Organisation internationale du travail des Nations unies, Carmen Moreno, a affirmé que la loi adoptée mercredi soir ferait de la Bolivie le premier pays à rendre légal le travail d’enfants dès 10 ans. La République qui a pourtant signé la Convention 138 des Nations unies en 1997, établissant l’âge minimal à 14 ans. Pour le moment, la Constitution bolivienne, promue par le président Morales en 2009, interdit le « travail forcé et l’exploitation des enfants, mais le travail rémunéré est possible à partir de 14 ans ».

Une loi comme cadre protecteur ou effet placebo ?

Le texte amendé autorisant le travail des enfants dès l’âge de 10 ans semble se poser comme un cadre légal à un phénomène existant et courant. Interrogé par nos soins, Aurélie Leroy, historienne, chargée d’étude au Centre Tricontinental (CETRI) de Louvain-La-Neuve et coordinatrice de l’ouvrage « Contre le travail des enfants ? », estime que « depuis l’arrivée de gouvernements socialistes en Amérique latine, on peut supposer qu’il y a un contexte favorable à écouter ces mouvements, tels les syndicats des enfants travailleurs, et donc de répondre à leur revendication. En Bolivie, c’est une manière concrète de prendre la réalité dans toute sa dimension. Ainsi, l’enfant devient comme acteur à part entière avec ses droits et non pas simplement en tant qu’objet d’attention ».

Ce nouveau code a été demandé par les délégués nationaux de l’Union des enfants et adolescents travailleurs de Bolivie (Unatsbo, sorte de syndicat, ndlr) pour coller au mieux aux conditions de vie et de travail de ces populations et ainsi se défendre de toute forme d’exploitation. « On peut noter le paradoxe suivant : l’Etat va permettre à ces enfants d’être protégés par la loi mais dans la sphère familiale, ils restent invisibles et donc difficile à protéger ? Ce n’est peut-être pas le bon outil. Dans un sens, il faut des gardes fou mais compléter par des mesures d’éducation et d’apprentissage », s’interroge Aurélie Leroy.

Le syndicat gagne du terrain depuis sa création et son implication n’est plus négligeable. « On peut reconnaître à ces syndicats de jouer un rôle de mouvement social au-delà de leur simple mission. Les membres ne sont pas les moins bien lotis, les enfants arrivent à aller en classe le matin puis travailler à l’extérieur l’après-midi », précise la chercheuse. L’éducation, la gratuité des soins médicaux et un salaire pour les enfants à la hauteur à celui des adultes font partie des revendications de l’Unatsbo.

Réda Bennani (St.)

Situation socioéconomique de la Bolivie Avec une population de 10 millions d’habitants, la Bolivie, était jusqu’à récemment, parmi les plus pauvres de la région, malgré une richesse des sous-sols. Le pays détient les deuxièmes réserves de gaz du sous-continent, derrière le Venezuela, les premières réserves de lithium du monde (35%), d’importantes ressources minières (fer, cuivre, étain…). Ces richesses permettent d’afficher un taux de croissance de 6,5% en 2013. En dépit de ces indicateurs favorables dont un taux d’alphabétisation qui atteint le seuil des 95 %, les disparités sont bien visibles. Les statistiques révèlent qu’un 1/5e de la population vit encore dans l’extrême pauvreté (avec moins de quatre dollars par jour), malgré quelques avancées dues à la politique de redistribution du président Morales. Il demeure que les principaux handicaps sont structurels : l’économie informelle représente 50% du PIB et 84% de l’emploi.

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