Donald Tusk, Justin Trudeau et Jean-Claude Juncker © Belga

L’UE et le Canada ont signé le CETA, Trudeau « content » qu’il y ait eu de vifs débats

L’Union européenne et le Canada ont officiellement signé dimanche à Bruxelles leur accord de libre-échange (CETA), une signature retardée de trois jours par de vifs désaccords internes entre le gouvernement fédéral belge et les entités fédérées.

Le CETA, qui supprimera 99% des droits de douane entre l’UE et Ottawa, entrera en application provisoire et partielle une fois ratifié par le Parlement européen et celui du Canada, dans les prochains mois. Il devra ensuite être approuvé par l’ensemble des Parlements nationaux et régionaux de l’UE pour devenir définitif.

Trudeau « tout à fait content » que le CETA ait suscité de vifs débats

Le Premier ministre canadien Justin Trudeau s’est dit dimanche « tout à fait content » que l’accord commercial entre l’UE et le Canada (CETA) ait suscité de vifs débats en Wallonie, au point de retarder de trois jours sa signature officielle, car c’est le propre de la démocratie d’être confronté à des défis, a-t-il commenté après la cérémonie de signature.

M. Trudeau était interrogé sur l’attitude de la Wallonie, qui a refusé avec les autres entités francophones de Belgique, de déléguer son pouvoir de signature au gouvernement fédéral tant que ses objections et préoccupations à propos du CETA n’étaient pas rencontrées.

« Je suis en faveur de la démocratie et les défis que nous avons, en tant que chefs d’Etat ou de gouvernement, c’est de mettre de l’avant les meilleures propositions pour aider nos citoyens et bâtir un monde meilleur, c’est notre responsabilité », a-t-il commenté. « Ce qui fait partie intégrante de ces défis, c’est d’avoir des voix en opposition qui nous demandent à tout moment de justifier que la décision qu’on est en train de prendre, c’est la bonne. C’est essentiel, dans une démocratie, d’avoir une multiplicité de voix qui vont partager leurs préoccupations. »

Le report de trois jours du sommet n’est qu’une péripétie sans conséquences, a assuré le Premier ministre canadien. « Effectivement, on avait planifié de signer cet accord il y a trois jours, on le signe aujourd’hui à la place, ça ne fait pas une énorme différence dans l’impact économique que ça va avoir pendant des décennies de manière positive sur tous nos citoyens. Et le fait qu’on ait pu écouter des préoccupations, adresser ces préoccupations (y répondre, ndlr), et démontrer que ça se fait dans le respect de la démocratie et des différentes perspectives, je suis tout à fait content qu’on arrive ici ayant eu des défis ».

Justin Trudeau a assuré que l’application provisoire du traité (dans la partie qui concerne les compétences exclusives de l’UE) serait « le travail pédagogique le plus efficace » pour convaincre la population que le CETA est bénéfique pour la classe moyenne. « La croissance économique doit être ressentie par tout le monde, et pas uniquement par les plus riches », a-t-il dit.

Juncker: « Je ne suis pas venu à Bruxelles pour tuer les normes »

Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, s’est offusqué des accusations disant que le CETA détruirait les normes sociales. « Je suis vexé qu’on ait pu penser qu’on sacrifierait les travailleurs », a-t-il commenté. « J’ai été pendant 17 ans ministre du Travail, je ne suis pas venu à Bruxelles pour tuer les normes » qui encadrent le droit des travailleurs.

Assurant avoir beaucoup écouté et entendu les différents acteurs, M. Juncker a également appelé « ceux qui sont dans la rue » à « aussi écouter et entendre de temps à autre » la position de la Commission, alors qu’une action de protestation s’est tenue dimanche matin devant le Juste Lipse où se tenait le sommet.

Tusk « fier d’avoir signé »

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, s’est quant à lui dit « fier d’avoir signé » le traité commercial avec le Canada après avoir « surmonté différents obstacles ». Il a salué « le dévouement » de nombreux acteurs, dont la ministre canadienne du Commerce, Chrystia Freeland, et la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, toutes deux présentes en salle de presse. « Je remercie aussi les collègues européens: (le Premier ministre belge) Charles Michel, Jean-Claude Juncker, … »

« Ce CETA a montré que les faits et les chiffres ne se suffisent pas à eux-mêmes », a reconnu M. Tusk. « La controverse autour du CETA a démontré que notre première priorité est de donner aux gens de l’information honnête et convaincante à propos des effets réels du libre-échange. »

Le traité a été signé peu avant 14h00 par M. Trudeau, venu tout spécialement d’Ottawa, et les présidents du Conseil européen Donald Tusk, de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et du Conseil de l’UE, le Premier ministre slovaque Robert Fico.

« Bien joué », « on a pu réussir »

« Quelle patience ! », avait lancé le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, au Premier ministre canadien Justin Trudeau à son arrivée peu après midi au Justus Lipsus, le siège du Conseil de l’UE.

« Bien joué, bien joué », avait déclaré le Premier ministre canadien Justin Trudeau au président du Conseil européen Donald Tusk qui l’accueillait dimanche midi au sommet UE-Canada destiné principalement à signer le traité commercial entre l’UE et le Canada (CETA).

« Les choses difficiles sont difficiles, mais on a pu réussir », a-t-il ensuite dit au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Les trois hommes se sont donné l’accolade dès la sortie de voiture du Premier ministre canadien. Le Premier ministre canadien n’a pas fait de déclarations à la presse, se réservant pour la conférence de presse finale.

« Tout est bien qui finit bien », avait résumé M. Juncker devant la presse peu auparavant. Le dossier du CETA avait connu quelques rebondissements quand les entités francophones belges ont refusé de déléguer le pouvoir de signature au gouvernement fédéral tant que certaines de leurs préoccupations et objections n’étaient pas rencontrées.

Le sommet, initialement prévu jeudi, avait dû être reporté, et reprogrammé à dimanche, pour permettre aux négociations intra-belges de se terminer, et aux différents parlements francophones de donner leur feu vert aux accords obtenus.

« La substance du traité n’a aucunement changé »

« Par rapport à ce qui avait été convenu, il n’y a pas eu de changement, il y a des interprétations conjointes entre les Européens et les Canadiens, mais la substance du traité n’a aucunement changé », a-t-il poursuivi.

« Je dois remercier Paul Magnette, le ministre-président de la Wallonie, car son engagement était décisif », a nuancé le président du Parlement européen, Martin Schulz. « Le gouvernement fédéral et le gouvernement wallon ont trouvé un accord intra-belge qui nous a aidés ».

Le président du Parlement européen a qualifié l’accord de « CETA amélioré » car il apporte des clarifications sur des questions qui se posaient « en Belgique, mais aussi ailleurs ».

« J’espère qu’on a clarifié certaines choses, qu’on a souligné quelques importances dans le traité, peut-être calmé certaines inquiétudes aussi », a commenté la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, à son arrivée au Juste Lipse, à Bruxelles, où se tient le sommet. « Je pense que la crédibilité de l’UE, elle est rétablie. »

Mme Malmström a aussi plaidé pour que le libre-échange et les traités qui l’encadre soient mieux expliqués aux citoyens. « Les responsables dans les Etats membres doivent s’engager, tôt dans le processus, avec leurs citoyens pour expliquer les choses et écouter les inquiétudes, les amener à la table des négociations et s’assurer qu’il y a encore plus de transparence », a-t-elle estimé.

« C’est un très bon jour pour l’Europe », a souligné la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères Federica Mogherini, qui a rappelé que le CETA ne serait pas le seul accord signé avec le Canada ce dimanche. Les deux parties doivent en effet signer un accord politique qui approfondit leur coopération en matière de politique étrangère.

Retards

Le début de la rencontre entre les présidents de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et du Conseil européen Donald Tusk et le Premier ministre canadien Justin Trudeau a dû être repoussé à midi, en raison de problèmes techniques à l’avion du Canadien.

La raison principale de ce sommet entre l’UE et le Canada est la signature officielle de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Canada (CETA). Le dossier a connu des rebondissements ces dernières semaines, quand les entités francophones belges ont refusé, mi-octobre, de déléguer le pouvoir de signature au gouvernement fédéral tant que certaines de leurs craintes ne trouvaient pas de réponses satisfaisantes.

S’en sont suivies des négociations marathon, d’abord en présence de la ministre canadienne du Commerce Chrystia Freeland, puis en intra-belge, avec l’appui du négociateur en chef de la Commission européenne et des services du Conseil européen.

La décision de repousser le sommet de jeudi a été prise en toute dernière minute, mercredi en fin de soirée, et celle de le reprogrammer dimanche a immédiatement suivi la confirmation, par le gouvernement fédéral, qu’il avait bien reçu la délégation de signature de toutes les entités fédérées.

Les dirigeants canadien et européens doivent aussi aborder la situation en Syrie et en Ukraine et évoquer la crise des réfugiés.

Manifestation devant le siège du Conseil

Une centaine d’activistes manifestaient devant le siège du Conseil de l’Union européenne à Bruxelles contre la signature du CETA. Selon la police, 16 personnes qui tentaient de rentrer dans le bâtiment Juste Lipse ont été interpellées.

« L’objectif de notre sit-in est de perturber la signature de l’accord de libre-échange avec le Canada en s’invitant autour de la table afin de porter la voix de tous les citoyens, européens et canadiens, opposés au CETA, dont l’avis est bafoué par la Commission européenne. Ce traité est unilatéral, voulu et négocié pour les multinationales. Même sous sa forme amendée, il ne comporte aucun mécanisme de sanction à l’encontre des multinationales, qui n’ont donc que des droits et aucun devoir », a indiqué Camille, porte-parole du collectif ‘CETAssis pieds sous-terre’ à l’origine de l’action et qui, pour sa part, évalue le nombre de participants à 150.

« La population civile ne veut pas du CETA qui n’a jamais figuré dans aucun programme politique. L’organisation en 48 heures de sommet UE-Canada pour signer le traité amendé sans même revenir vers la société civile, montre à quel point l’UE veut en forcer à tout prix la signature et enterre la démocratie. Pour notre part, il est hors de question que le CETA serve de socle de base à la négociation d’autre traités », a-t-il conclu.

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