© Reuters

Hongrie: camouflet législatif pour Orban et sa politique antimigrants

Le Vif

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a subi mardi un nouveau revers, après l’invalidation de son référendum, en échouant à faire inscrire dans la Constitution sa politique hostile aux migrants, cible d’une surenchère de l’extrême droite.

M. Orban a manqué de deux voix la majorité des deux tiers nécessaire pour faire passer ce texte rendant illégale, en droit hongrois, la relocalisation par l’UE de réfugiés en Hongrie.

Le rejet de l’amendement est un camouflet législatif inédit pour le Premier ministre souverainiste élu en 2010 et réélu en 2014, qui a fait adopter, selon les analystes, plus de 600 lois durant son mandat et une nouvelle constitution déjà amendée six fois.

Il s’était personnellement engagé dans cette révision constitutionnelle qui visait à prolonger le bras de fer engagé depuis plusieurs mois contre le plan européen de répartition de milliers de réfugiés dans l’UE.

Favorable sur le principe à la mesure, le parti d’extrême droite Jobbik avait conditionné son soutien à la suppression par le gouvernement d’un régime de permis de résidence accordé depuis 2013 aux riches investisseurs extra-européens, un « chantage » selon M. Orban qui a refusé.

Sérieux concurrent pour le parti Fidesz de M. Orban dans la perspective des prochaines législatives prévues en 2018, l’extrême droite hongroise avait trouvé dans ce vote une occasion inespérée de faire pression sur la majorité.

Le Jobbik estime que ces dérogations représentent une brèche en faveur de l’immigration ainsi qu’un danger potentiel pour la sécurité de l’Etat, puisque de « riches terroristes », selon ce parti, peuvent virtuellement en bénéficier.

Bien que présents dans l’hémicycle, les députés Jobbik, tout comme les socialistes, n’ont pas pris part au vote. Les élus du parti d’extrême droite ont brandi une banderole portant l’inscription: « Le traître, c’est celui qui laisse entrer les terroristes contre de l’argent », a pu lire un journaliste de l’AFP.

Le gouvernement accusait depuis plusieurs semaines l’extrême droite de sacrifier l’intérêt national –le vote de l’amendement– pour des motifs politiciens.

En octobre, un référendum invalidé

Depuis 2013, la Hongrie a émis plus de 10.000 obligations d’Etat, d’une valeur nominale de 300.000 euros, ouvrant droit à un permis de résidence et à la possibilité de voyager au sein de l’espace Schengen. La plupart d’entre elles ont été acquises par des Russes, des Chinois et ressortissants de pays du Moyen-Orient.

Au total, le projet de révision constitutionnelle a recueilli 131 voix, celles du Fidesz et de son petit partenaire chrétien-démocrate. La majorité qualifiée requise était de 133 voix.

L’initiative de cet amendement avait été prise par le Premier ministre dans la foulée de son référendum invalidé contre le mécanisme européen de répartition des réfugiés, début octobre.

Alors que cette consultation n’a pas atteint le quorum nécessaire pour avoir force légale — 50% des inscrits –, le Premier ministre y a vu un plébiscite pour sa politique antimigrants car le non aux réinstallations de réfugiés a recueilli 98,3% des voix exprimées.

Viktor Orban estimait légitime de graver le vote de ces 3,2 millions d’électeurs –sur 8,2 millions d’inscrits– dans la Constitution.

Le projet d’amendement constitutionnel prévoyait que « les populations étrangères ne peuvent pas être réinstallées en Hongrie » et que les ressortissants de pays tiers à l’UE ne peuvent vivre en Hongrie que sur la base de requêtes individuelles, examinées par les autorités.

Des analystes interrogés par l’AFP ont cependant estimé que l’amendement n’aurait « pas vraiment » eu « d’impact juridique » en droit hongrois et qu’il s’agissait avant tout d’un « instrument de politique intérieure, pour donner l’image d’un défi à Bruxelles ».

Le Premier ministre, qui depuis deux ans n’a cessé d’amplifier une campagne aux accents xénophobes contre l’immigration extra-européenne, refuse d’accueillir les 2.300 demandeurs d’asile qui lui sont dévolus dans le cadre du plan européen de répartition dans l’UE de 160.000 demandeurs d’asile adopté par les 28 il y a un an.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire