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Greenpeace: retenus en Russie, ils espèrent pouvoir rentrer chez eux pour Noël

Titiller les moustaches de l’ours russe peut avoir des conséquences fâcheuses. C’est ce que méditent 30 militants de Greenpeace, bloqués en Russie après avoir passé deux mois en prison. Interview exclusive du capitaine, Peter Willcox.

L’Arctic Sunrise, bateau de l’ONG Greenpeace, avait été arraisonné fin septembre par les gardes-côtes russes en mer de Barents. Des militants avaient tenté de déployer une banderole sur une plate-forme de forage du géant russe Gazprom pour dénoncer les risques écologiques liés à l’extraction du pétrole dans l’Arctique. Les 30 membres de l’équipage du navire sous pavillon néerlandais, dont 26 étrangers, ont été détenus durant deux mois à Mourmansk, avant d’être libérés sous caution et assignés dans un hôtel de Saint-Pétersbourg. Inculpés dans un premier temps pour « piraterie », un délit passible de 15 ans de prison, ils se voient aujourd’hui accusés, en plus, de « hooliganisme ». Interview exclusive avec l’Américain Peter Willcox, capitaine du bateau, qui était déjà aux commandes du Rainbow Warrior, coulé par les services secrets français en Nouvelle-Zélande en 1985.

Le Vif/L’Express : Pensez-vous être de retour aux Etats-Unis avant Noël ?

Peter Willcox : Notre dernier collègue a été relâché sous caution le 28 novembre, les amis russes ont pu rentrer chez eux, mais nous sommes toujours bloqués ici dans notre hôtel à Saint-Pétersbourg. Nous n’avons encore aucune indication sur notre date de libération. On espère avant Noël, évidemment. Cela dit, nous pouvons circuler librement dans cette ville qui est magnifique. Cela fait du bien après tout ce temps passé en prison. Mais ce bonheur commence déjà à s’évanouir. On ne pense plus qu’à rentrer à la maison.

Estimez-vous n’avoir rien fait d’illégal ?

On n’a sans doute pas respecté certaines règles administratives, mais rien qui puisse être assimilé à de la piraterie. Le navire est toujours resté dans les eaux internationales. La preuve, j’ai appuyé sur le bouton de secours quand on a été abordé par les gardes-côtes russes. Notre localisation a aussitôt été fournie à l’Organisation maritime internationale. Les Russes savent très bien où nous étions, ce n’est même plus une matière à débat. C’est pourquoi ils nous accusent aujourd’hui de « hooliganisme ».

Vous deviez vous douter que les autorités russes allaient réagir de façon musclée, non ?

Je tiens à dire ici que ce n’était pas une action dirigée contre la Russie, mais contre la politique menée par Gazprom. Nous l’avons menée en faveur de la population russe et des générations à venir. Notre action menée l’an dernier était d’ailleurs plus dure. De toute façon, abandonner nos opérations contre Gazprom, mais aussi contre Shell ou Exxon n’est une option pour personne d’entre nous ici.

« Si c’était à refaire, je resterais à New York », avez-vous déclaré en octobre. Vous confirmez ?

Quand j’ai déclaré cela, j’étais encore en prison et, croyez-moi, ce n’était pas amusant à vivre. 23 heures par jour en cellule, sans pouvoir communiquer avec nos camarades… Donc aujourd’hui je vous dis oui, je referais une telle opération, car elle a été utile pour conscientiser les populations sur les dangers écologiques dans l’Arctique, mais je serais davantage prudent. Ce sont des situations qui sont pénibles, pas tant pour moi que pour ma famille.

A 60 ans, vous êtes prêt à reprendre la barre d’un bateau de Greenpeace ?

Oui, sûrement. J’ai deux enfants et je suis très inquiet pour leur avenir. Cela fait 32 ans que je milite pour Greenpeace et je suis prêt à rempiler pour dix ans de plus. Avec pour ligne de conduite de rester non-violent et de ne pas porter atteinte à la propriété d’autrui.

Propos recueillis par François Janne d’Othé

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