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France : guerre des chefs à l’UMP

Durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la rivalité entre Jean-François Copé et François Fillon a donné lieu à diverses scènes de ménage au sein de l’UMP. Retour sur cinq années de tension. Alors que la guerre semble ouvertement déclarée quelles sont les forces de ces deux prétendants à diriger la droite?

L’image d’unité affichée par l’UMP depuis la défaite de Nicolas Sarkozy a volé en éclats ce mercredi lorsque François Fillon a annoncé son intention de briguer la présidence de l’UMP. En pleine bataille législative, la droite va devoir gérer cette rivalité.

De quelles armes disposent-ils ?

Ancien Premier ministre, François Fillon dispose d’une carte non négligeable, celle d’avoir déjà été le chef de la majorité. En temps de crise, le poids des responsabilités qu’il a portées pendant 5 ans à Matignon pourra également jouer en sa faveur.

En face, Jean-François Copé n’est pas un « bleu ». S’il n’a jamais dirigé le gouvernement, il a eu sous le second quinquennat de Jacques Chirac différentes fonctions ministérielles – au Budget, notamment- qui lui confèrent une légitimité politique.
Ensuite, l’un et l’autre peuvent aussi compter sur le soutien de parlementaires acquis à leur cause. Jean-François Copé qui a dirigé le groupe UMP à l’Assemblée nationale entre 2007 et 2010 avant de passer le témoin à l’un de ses proches Christian Jacob, dispose d’une réelle popularité auprès de nombreux députés. Beaucoup ont loué son combat pour accroître le pouvoir du Parlement face à l’exécutif.

François Fillon n’est pas en reste. Attentif à sa majorité, il a été l’un des Premier ministres les plus appréciés au Palais Bourbon. Lorsque Nicolas Sarkozy a envisagé de nommer Jean-Louis Borloo à Matignon en novembre 2010, François Fillon a pu compter sur la loyauté des députés UMP pour le soutenir et plaider son maintien. Seul bémol: il dispose de peu de troupes en propre et celles-ci ne sont pas organisées.

En revanche, JFC dispose, avec le parti, d’un atout majeur. Secrétaire général de l’UMP depuis novembre 2010, il a intelligemment placé les siens. Il a aussi fait émerger une nouvelle génération (Valérie Rosso-Debord, Franck Riester, Sébastian Huyghe ou encore Michèle Tabarot, etc.) prête à le remercier en temps voulu.

Soucieux de ne se fâcher avec personne, Jean-François Copé a également accepté la création de mouvements au sein de l’UMP, gage, selon lui, de la pluralité des points de vue.
Enfin, depuis quelques semaines, les deux ennemis tentent chacun d’enrôler l’autre figure du mouvement qu’est Alain Juppé. Début mai, lors d’un meeting commun à Bordeaux, le trio avait fait assaut d’amabilités surjouées. L’ex-Premier ministre de Jacques Chirac a toutefois laissé entendre qu’en cas de danger pour le parti, il pourrait lui-même briguer la présidence de l’UMP.

Qui est le plus populaire ?

François Fillon se targue d’être plus populaire que Jean-François Copé dans l’opinion. Ce qui est vrai. En effet, 27% des Français le verraient bien à la tête de l’UMP contre 13% pour l’actuel secrétaire général, selon l’Ifop. Chez les sympathisants de droite, l’ancien Premier ministre est aussi plébiscité à 42% contre 29% pour son rival.

Cela dit, comme le fait très justement remarquer Jean-François Copé, ce ne sont pas les sympathisants qui votent mais les militants. Il sait son punch et son mordant très apprécié chez eux. Il ne s’inquiète donc guère d’être populaire au sein de l’opinion. « C’est normal, note-t-il d’ailleurs, je suis un repoussoir pour la gauche ».

Sans doute, minimise-t-il là la détestation qu’il suscite y compris dans son propre camp? Personne n’a autant d’ennemis que lui à l’UMP. Bertrand, NKM, Wauquiez, autant d’ex-ministres qui n’ont aucune envie de voir le député-maire de Meaux prendre le leadership à droite et qui pourraient donc soutenir François Fillon pour lui barrer la route.

Quelle est leur stratégie?

Selon l’adage politique, dans une telle situation, le premier qui tire est mort. Cependant, François Fillon ne semble s’en moquer. En déclenchant les hostilités en pleine bataille législatives, en annonçant sa future candidature à la tête de l’UMP, il court le risque de jouer les diviseurs de service, et ainsi de permettre à Jean-François Copé d’adopter la posture de rassembleur. Cette stratégie vise en réalité à remettre en cause le leadership de Jean-François Copé durant cette période de transition avant le prochain congrès, qui devrait se tenir en automne.
Car si le député-maire de Meaux a accepté l’idée d’une « direction collégiale » à l’UMP, il en reste le patron en ne démissionnant pas de son poste de secrétaire général. Ce qui agace sans doute François Fillon, relégué au simple rang de membre du bureau politique.
Jean-François Copé veut lui gagner du temps. Plus tard commencera la bataille pour la présidence de l’UMP, plus il aura le temps de s’installer en recours naturel en consolidant ses positions actuelles au sein du parti.

Qui a le plus de chance ?

Il est impossible de désigner un favori et un outsider. L’un et l’autre disposent de cartes maîtresses. En revanche, au soir du second tour des législatives, François Fillon, assuré d’être élu, pourrait prendre sur Jean-François Copé un avantage décisif.
La réélection du patron de l’UMP est loin d’être assurée. Dans sa circonscription de Meaux (Seine-et-Marne), Marine Le Pen a obtenu 22,7% au premier tour de la présidentielle et rêve de voir la vice-présidente du FN, Marie-Christine Arnautu, faire battre Copé au cours d’une triangulaire assassine. Comme en 1997. Jean-François Copé avait alors entamé une traversée du désert qui l’a profondément marqué.

Par Michel Veron, L’Express

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