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Égypte: Nouvelles violences après un bain de sang sans précédent

Les violences ont repris jeudi en Egypte avec l’incendie d’un bâtiment et la mort de neuf policiers et militaires, au lendemain d’un bain de sang unanimement condamné à l’étranger, notamment par le président américain Barack Obama qui a annulé des exercices militaires communs.

Aussitôt après cette déclaration qui ne va toutefois pas jusqu’à l’interruption de l’aide substantielle de Washington à son grand allié arabe, le pouvoir égyptien mis en place par l’armée a annoncé avoir autorisé la police à tirer à balles réelles sur les manifestants attaquant bien publics ou forces de l’ordre.

Bien loin de l’apaisement, cette annonce fait craindre de nouvelles violences sanglantes au lendemain de la journée la plus meurtrière de l’histoire récente de l’Egypte, avec 578 morts, dont plus de 300 dans l’assaut de la police et de l’armée au Caire contre les partisans du président déchu Mohamed Morsi.

A l’issue de cette opération qui a provoqué des violences ailleurs dans le pays, le gouvernement a salué la « très grande retenue » de la police.

Mais après une attaque jeudi contre le siège de la province de Guizeh dans la banlieue du Caire et la mort de neuf policiers et militaires, attribuées à des « islamistes », le ministère de l’Intérieur a annoncé publiquement sa décision d’autoriser ses hommes à utiliser des balles réelles contre quiconque s’en prendrait à des bâtiments officiels ou les forces de l’ordre.

S’adressant pour la première fois en des termes si durs à l’Egypte, M. Obama a condamné la violence et annoncé l’annulation de prochaines manoeuvres militaires conjointes, mais il s’est gardé d’évoquer l’aide d’1,5 milliard de dollars versée chaque année, en grande partie à la toute-puissante armée égyptienne, qui contrôle désormais les autorités de transition. Il a néanmoins estimé que le pays se trouvait sur une « voie dangereuse ».

Malgré le violent assaut contre les camps pro-Morsi, les Frères musulmans, l’influente confrérie du président destitué dont la plupart des dirigeants sont arrêtés, ont appelé à de nouvelles manifestations.

Mais à l’entrée du couvre-feu instauré depuis la veille et pour un mois, à partir de 19H00 (17H00 GMT), aucun défilé n’avait eu lieu au Caire mais des manifestants sont descendus dans la rue à Alexandrie (nord) et à Beni Soueif au sud du Caire.

Le couvre-feu est entré en vigueur au Caire et dans la moitié du pays où l’état d’urgence a été aussi rétabli pour un mois, alors que la levée de cette dernière mesure avait été un des acquis de la révolte populaire de 2011 ayant conduit à la chute du régime de Hosni Moubarak.

Après la dispersion des camps dans le sang, des images aériennes filmées de nuit ont montré le village de tentes des pro-Morsi en feu sur la place Rabaa al-Adawiya, occupée depuis plus d’un mois par des milliers de manifestants dont des femmes et des enfants.

Plus de 200 cadavres dans des linceuls blancs étaient alignés jeudi au sol dans la mosquée voisine d’al-Imane tandis que des

volontaires tentaient d’établir la liste des noms des victimes.

Selon le chef des services d’urgence égyptiens, plus de 200

personnes ont péri sur la seule place Rabaa al-Adawiya. Les Frères musulmans, eux, évoquent 2.200 morts et plus de 10.000 blessés.

Des dizaines de personnes, le visage couvert pour se protéger des

odeurs, venaient identifier leurs proches. Parmi eux, une femme a

affirmé à l’AFP se recueillir sur la dépouille de sa fille. Une autre a

hurlé en découvrant un corps calciné sous un linceul.

Plusieurs figures égyptiennes se sont désolidarisées de

l’intervention des forces de l’ordre et du bain de sang qu’elle a déclenché, notamment le vice-président Mohamed ElBaradei, prix Nobel de la paix, qui a démissionné et le grand imam d’al-Azhar, la plus haute autorité de l’islam sunnite.

La presse égyptienne, en revanche, largement acquise à l’armée,

saluait, à l’image du quotidien gouvernemental Al-Akhbar, « La fin du

cauchemar Frères musulmans ».

La communauté internationale, qui avait tenté une médiation pour

éviter cette issue dramatique, a condamné les violences. Navi Pillay, Haut commissaire de l’ONU en charge des droits de l’Homme, a réclamé une enquête sur l’assaut des forces égyptiennes. Le président français François Hollande, qui a saisi l’ONU, a appelé à tout mettre « en oeuvre pour éviter la guerre civile ». Paris et Berlin ont convoqué les ambassadeurs égyptiens, tandis que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé le Conseil de sécurité à se réunir après ce « massacre ».

Le pape François a appelé à prier « pour la réconciliation » dans le pays où plusieurs églises ont été attaquées mercredi. La Chine s’est dite « très préoccupée » et Moscou a recommandé à ses ressortissants de s’abstenir de voyager en Egypte.

Le pouvoir avait sommé maintes fois les manifestants pro-Morsi de

se disperser sous peine de le faire par la force, mais ceux-là ont

refusé, disant vouloir rester sur place jusqu’au rétablissement de M. Morsi dans ses fonctions.

Avant l’assaut, les heurts en marge de manifestations pro et

anti-Morsi et les attaques contre les forces de sécurité dans le Sinaï ont fait plus de 300 morts depuis fin juin.

Le nouvel homme fort du pays, le chef de l’armée le général Abdel

Fattah el-Sissi, avait invoqué les millions de manifestants pour

destituer le 3 juillet M. Morsi, accusé d’avoir accaparé le pouvoir et

d’avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

Les pro-Morsi dénoncent un coup d’Etat contre le premier président

démocratiquement élu du pays et refusent de participer au processus de transition.

Belga

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