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Drame d’Hillsborough : la police mise en cause 27 ans après les faits

Après 27 ans de rebondissements, un jury a conclu mardi que les décès de 96 supporteurs de football morts après une bousculade dans le stade de Hillsborough en 1989 n’étaient pas accidentels, mettant en cause la police, qui a aussitôt présenté des « excuses sans réserve ».

Les jurés, réunis à Warrington, dans le nord de l’Angleterre, ont également exonéré les fans de Liverpool, qui rencontrait Nottingham Forest en demi-finale de la Coupe d’Angleterre ce jour-là, et pointé du doigt la construction de ce stade de Sheffield, et le fait qu’il ait été certifié conforme.

Dès l’annonce de la décision, les familles des victimes ont explosé de joie et d’émotion, entre pleurs, rires et chants. Plusieurs femmes brandissaient de grands portraits de jeunes victimes à la sortie du tribunal.

Se tenant par la main, les proches ont entonné « You’ll never walk alone », le chant des fans de Liverpool. D’autres agitaient des banderoles proclamant « Justice pour les 96 ».

« Je crois que nous avons réécrit une partie de l’histoire », s’est félicitée Margaret Aspinall, qui dirige le groupe de soutien aux familles d’Hillsborough et a perdu son fils James, âgé de 18 ans, dans le drame.

Le Premier ministre conservateur David Cameron a promptement salué une « justice attendue depuis trop longtemps ». Déjà en 2012, il avait présenté des excuses publiques pour l’invraisemblable suite d’atermoiements qui ont entouré les enquêtes autour du drame.

« Justice, enfin », a tweeté l’ancien capitaine de l’équipe de Liverpool, Jamie Carragher, tandis que le club a publié sur le réseau social une photo des victimes en évoquant un « jour historique ».

La police a « échoué »

Les jurés se sont montrés accablants pour la police et les officiers chargés de la sécurité du stade, estimant qu’il y avait eu des manquements dans l’organisation, et dénonçant en particulier une erreur dans la prise de décision, la fatidique ouverture d’une porte du stade qui avait entraîné la bousculade meurtrière.

« Je veux présenter des excuses sans réserve aux familles et à tous ceux affectés », a réagi le commissaire de la police de South Yorkshire, David Crompton, ajoutant que les forces de l’ordre acceptaient « sans équivoque » ces conclusions.

« Le 15 avril 1989, la police de South Yorkshire a catastrophiquement échoué à assurer le maintien de l’ordre », a-t-il reconnu. « C’était, et c’est toujours, le plus grand désastre de l’histoire sportive britannique. »

Ce jour-là, au cours de la demi-finale de la Coupe d’Angleterre entre Liverpool et Nottingham Forest dans le stade de Hillsborough, un mouvement de foule avait entraîné la mort de 94 personnes, compressées contre les grilles aux abords du terrain. Deux autres devaient décéder par la suite.

Alors que les supporters de Liverpool se pressaient devant les tourniquets, le coup d’envoi approchant, la sécurité avait fait ouvrir une porte conduisant à l’aile qui leur était réservée, pour alléger la pression. Mais les fans s’étaient rués sur une tribune déjà surpeuplée.

Le drame avait poussé les autorités à changer radicalement les normes de sécurité dans les stades anglais, avec uniquement des places assises, notamment.

Preuves manipulées

Et pendant 27 ans, la catastrophe a donné lieu à un invraisemblable feuilleton judiciaire.

L’attitude des supporteurs avait dans un premier temps été mise en cause, la police les accusant d’être arrivés « ivres et en retard ».

Mais il s’est ensuite avéré que la police avait manipulé des preuves pour se dédouaner.

En 2012, une décision établissant que la catastrophe était accidentelle avait été rejetée à la suite d’une campagne des familles, qui avaient réclamé une nouvelle enquête.

Le jury de Warrington s’était retiré le 6 avril pour délibérer, après avoir entendu plus de 800 témoins pendant deux ans, soit la procédure la plus longue jamais enregistrée au Royaume-Uni.

Cette procédure ne peut déboucher sur aucune sanction ni condamnation. Mais elle peut permettre l’ouverture d’une autre procédure pénale et d’un procès, sur la base des manquements et dysfonctionnements constatés par les jurés.

Le parquet de sa Majesté a ainsi immédiatement fait savoir qu’il allait « étudier formellement si l’accusation de crime peut être portée contre un individu ou une institution sur la base des preuves produites ».

Le feuilleton judiciaire ne fait que commencer.

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