Angela Merkel et Recep Tayyip Erdogan. © Reuters

Colère allemande après les accusations de « nazisme » d’Erdogan

Le Vif

« Inacceptable »: Berlin a réagi avec colère lundi aux accusations de « pratiques nazies » du président turc, les deux pays multipliant les passes d’armes après l’interdiction de meetings électoraux pro-Erdogan en Allemagne.

Cette flambée de tensions politiques vient détériorer des relations déjà difficiles: la Turquie a très mal pris les critiques allemandes des derniers mois sur le respect de liberté d’expression et des droits de l’opposition après les purges déclenchées à la suite du putsch raté de juillet.

« Il n’y a aucune raison que (le pouvoir turc) nous fasse la leçon, des reproches », a lâché à la télévision publique allemande Peter Altmeier, le chef de la chancellerie fédérale et à ce titre l’un des collaborateurs les plus proches d’Angela Merkel.

Dénonçant les propos « absolument inacceptables » du président Recep Tayyip Erdogan, qui a qualifié de « pratiques nazies » les interdictions en Allemagne de meetings électoraux en faveur du oui au référendum sur l’extension de ses pouvoirs, M. Altmeier a assuré que le gouvernement allemand allait « très clairement » exprimer son mécontentement à Ankara.

Craintes allemandes

L’homme fort de la Turquie avait aussi martelé qu’il se tenait prêt à faire campagne sur le territoire allemand, et que si les autorités l’en empêchaient il mettrait « le monde sens dessus dessous ».

Cette déclaration a de quoi inquiéter l’Allemagne qui abrite la plus grande diaspora turque au monde, avec quelque trois millions de personnes qui conservent souvent un lien fort avec leur pays d’origine.

Berlin a en effet appelé ces derniers mois cette communauté à ne pas importer les conflits qui agitent la Turquie, entre partisans et détracteurs de M. Erdogan d’une part, et Turcs et Kurdes d’autre part.

Pour les forces politiques turques, celle-ci est importante car elle représente un réservoir de voix non-négligeable. Traditionnellement, les quelque 1,4 million d’électeurs turcs vivant en Allemagne constituent un électorat plutôt pro-Erdogan.

Le conflit germano-turc actuel a été déclenché en fin de semaine dernière par la décision de plusieurs mairies allemandes d’interdire des meetings électoraux auxquels des ministres turcs devaient participer, invoquant généralement des difficultés logistiques.

Malgré les dénégations du gouvernement allemand qui souligné que les autorisations de rassemblement relevait de la compétence des seules municipalités, les responsables turcs ont accusé Berlin d’oeuvrer contre l’extension des pouvoirs du président turc.

Escalade des tensions

Ce dossier est loin d’être la seule source de tensions entre Ankara et Berlin. Elles s’étaient déjà aggravées après l’incarcération la semaine dernière du correspondant germano-turc du quotidien Die Welt en Turquie, Deniz Yücel, accusé de « propagande terroriste ».

Ankara reproche de son côté régulièrement à l’Allemagne d’héberger des « terroristes », que ce soient des sympathisants du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), classé organisation « terroriste » par Ankara, Bruxelles et Washington, ou des putschistes présumés.

Berlin a enregistré ces derniers mois des milliers de demandes d’asile de ressortissants turcs, notamment de dizaines de diplomates et militaires.

La Turquie a aussi très mal vécu l’année dernière le vote par les députés allemands d’une résolution sur le « génocide arménien » ainsi que la diffusion à la télévision allemande d’un poème satirique à caractère sexuel sur le président turc.

Pourtant, avant la sortie tonitruante de M. Erdogan, ces deux partenaires historiques au sein de l’Otan semblaient avoir fait un pas vers l’apaisement après un entretien téléphonique samedi entre Angela Merkel et le Premier ministre turc Binali Yildirim, que celui-ci avait qualifié de « productif ».

Une rencontre entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays doit également avoir lieu mercredi.

Et le chef de la diplomatie turque Mevlüt Cavusoglu a également prévu, selon les médias allemands, de se rendre mardi à Hambourg pour faire campagne pour le « oui » au référendum du 16 avril auprès de la communauté turque.

La Turquie reste un partenaire incontournable aux yeux de l’Allemagne, le rôle d’Ankara étant crucial, selon elle, pour ralentir l’afflux de demandeurs d’asile en Europe.

La chancelière allemande a ainsi été la cheville ouvrière de l’accord EU-Turquie de mars 2016 qui a permis de réduire drastiquement le nombre de passages vers l’Union européenne depuis les côtes turques.

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