Gérald Papy

Brexit : un fiasco européen

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

En renonçant à l’Union européenne, une majorité de Britanniques signe la mort d’une certaine idée de l’Europe. Pour encore espérer exister, elle devra se réinventer.

La décision d’une majorité de Britanniques de quitter l’Union est un séisme pour l’Europe. Au moment où la Chine se profile définitivement comme une superpuissance, où la Russie renoue avec des rêves d’empire et où les Etats-Unis, sous Trump ou sous Clinton, relancent leur ambition hégémonique, l’Europe se délite et, pour la première fois dans l’histoire de sa construction, est forcée à une marche arrière.

Le Brexit est sans appel. Contrairement à l’accueil réservé aux rejets du Traité de Maastricht par la France et les Pays-Bas il y a quelques années, la décision de la majorité des Britanniques s’impose à l’Europe. Impossible d’y voir, même intellectuellement, une manipulation par rapport à la question posée et à l’enjeu. C’est bien l’idée d’une union de l’Europe, de son fonctionnement et du déficit démocratique qu’elle a toléré ces dernières années que les partisans du Brexit ont sanctionnée. On peut déplorer que cette issue extrême, disproportionnée par rapport aux critiques légitimes de l’Union, ait été finalement choisie. Mais il n’en reste pas moins qu’un acte démocratique a été posé et qu’il faut le respecter. Le référendum du 23 juin scelle la mort d’une certaine Europe.

Peut-être que, comme l’histoire l’a démontré, l’obsession de souveraineté du Royaume-Uni était-elle incompatible en définitive avec un projet fédéraliste européen et que le retrait britannique clarifie le débat, il n’en reste pas moins que pour la construction européenne, c’est un échec cuisant. Le constat que cet idéal de coopération forgé après la Seconde Guerre mondiale n’est plus partagé par tous.

Les causes de ce fiasco sont indéniablement à trouver dans le fossé qui s’est progressivement creusé entre les cercles européens dirigeants et la population

Les causes de ce fiasco sont indéniablement à trouver dans la gestion brutale de la crise de la dette publique de certains pays, singulièrement la Grèce, dans le traitement longtemps chaotique de l’afflux de réfugiés et surtout, dans le fossé qui s’est progressivement creusé entre les cercles européens dirigeants et la population, rendant illisible puis suspecte aux yeux de certains cette politique communautaire européenne. On attend donc de l’Union un sursaut majeur. Le no britannique consacre sans doute l’émergence d’une Europe à deux vitesses. Mais la tentation de reproduction du modèle britannique n’est pas exclue non plus dans la tête de dirigeants de certains Etats-membres.

Hors les conséquences économiques, le référendum aura donc un impact majeur sur la crédibilité politique de l’Europe. Il affaiblira aussi la solidité du Royaume-Uni qui devra composer dans les prochaines semaines avec l’indépendantisme des Ecossais majoritairement pro-européens et la volonté de réunification avec la République d’Irlande des catholiques nord-irlandais. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de ce référendum de voir les partisans du Brexit le justifier par la quête d’indépendance et de souveraineté du Royaume-Uni et de finalement conduire à sa probable dislocation. Que l’Union européenne et le Royaume-Uni sortent en définitive perdants de l’aventure témoignent de l’ampleur du séisme auquel on a assisté ce 23 juin.

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