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Birmanie: Obama entame une visite historique

Premier président américain à se rendre en Birmanie, Barack Obama a rencontré ce lundi le président birman, ainsi que l’opposante Aung San Suu Kyi. Récompensant le pays pour ces récentes réformes, il a néanmoins appelé à la fin des violences communautaires.

Barack Obama est devenu le premier président américain en exercice à poser le pied en Birmanie lundi, accueilli par une foule en liesse célébrant sa « légende » dans un pays emporté dans un tourbillon de réformes politiques profondes depuis un an et demi.

Washington récompense par sa visite historique les efforts du régime de Naypyidaw, en particulier l’élection de l’opposante Aung San Suu Kyi au parlement, la libération de centaines de prisonniers politiques et les négociations avec les groupes rebelles des minorités ethniques.

Visite historique

Obama, attendu en fin de journée au Cambodge pour un sommet asiatique, s’est entretenu avec le président Thein Sein, crédité de ce profond mouvement de réformes depuis la dissolution de la junte en mars 2011. « Thein Sein tire déjà de ce voyage un bénéfice très significatif sur le plan intérieur », a estimé Maël Raynaud, analyste politique. « Obama fait de lui un président intouchable, de moins en moins susceptible d’être renversé par l’aile dure ».

Les Etats-Unis ont ainsi levé la quasi des sanctions économiques contre la junte posées à partir de la fin des années 1990. Après avoir, dès 2009, voulu adjoindre aux sanctions un dialogue avec les militaires, l’Américain veut également « s’attribuer le mérite d’une partie des changements », analyse Romain Caillaud, directeur du bureau birman de la société de conseil Vriens and Partners.
Le président Obama a ensuite été reçu au domicile de Suu Kyi. Les deux lauréats du prix Nobel de la paix (1991 et 2009) s’étaient déjà rencontrés brièvement en septembre, à Washington.
« Le moment le plus difficile dans une transition est quand le succès est en vue. Nous devons alors faire très attention de ne pas être trompés par le mirage du succès », a déclaré celle que ses admirateurs appellent la « Dame ».

Obama a choisi une Asie à forte croissance pour son premier voyage depuis sa réélection. Il découvre à Rangoun une ancienne capitale bouillonnante, affaiblie par 50 ans de gestion militaire et avide d’accueillir les investisseurs étrangers.

« Pas d’excuses pour les violences »

Le président américain Barack Obama a lancé un appel solennel à la fin des violences communautaires dans l’ouest de la Birmanie, estimant qu’il n’y avait « pas d’excuse » pour la violence contre les civils.
« Pendant trop longtemps, le peuple de ce pays, y compris l’ethnie rakhine, a fait face à une pauvreté écrasante et à la persécution. Mais il n’y a pas d’excuse pour la violence contre les innocents », a déclaré le président dans un discours à l’université de Rangoun.
Deux vagues de violences opposant bouddhistes de l’ethnie rakhine et musulmans, en juin et en octobre, ont fait au moins 180 morts. Plus de 110 000 personnes ont été déplacées, en grande majorité des Rohingyas, considérés par l’ONU comme une des minorités les plus persécutées de la planète.

Les 800 000 qui vivent dans l’ouest birman ont été persécutés pendant des décennies sous l’ancienne junte et suscitent toujours au sein de la population birmane un ostracisme qui confine au racisme.
« Les Rohingyas portent avec eux la même dignité que vous et moi », a estimé le président Obama. « La réconciliation nationale prendra du temps mais pour notre humanité commune et l’avenir de ce pays, il est temps de cesser les incitations et la violence », a-t-il ajouté en saluant « les engagements du gouvernement à régler ces questions de justice, de responsabilité, d’accès humanitaire et de citoyenneté.
La Birmanie doit « se servir de la diversité comme une force, non une faiblesse », devait déclarer à cet égard le président Obama. « Certains principes sont universels -le droit des peuples à vivre sans la crainte que leur famille pourrait être blessée ou leur maison brûlée, simplement ce qu’ils sont ou pour d’où ils viennent ».

Le président birman prêt à s’engager

Le président Thein Sein a affirmé ce week-end que son pays devait mettre fin à ces violences sous peine de « perdre la face sur la scène mondiale ». Dans un courrier envoyé au patron des Nations unies Ban Ki-moon, il a promis qu’il était prêt à régler les dimensions politiques du contentieux, depuis le relogement des populations déplacées jusqu’à l’octroi de la citoyenneté à certains Rohingyas.
Quant au cas brûlant des prisonniers politiques, le chef de l’Etat birman a promis de mettre en place d’ici la fin de l’année un mécanisme pour examiner tous les cas. Des militants de l’opposition ont par ailleurs annoncé dans la matinée que 44 d’entre eux avaient été libérés.

LeVif.be avec L’Express

Aung San Suu Kyi, icône de la démocratie au nom imprononçable La chef de l’opposition birmane Aung San Suu Kyi a l’habitude de voir son nom écorché, y compris par ses admirateurs à l’étranger. Mais elle n’en attendait sans doute pas tant de Barack Obama, en visite historique, qui n’a eu de cesse de buter sur son patronyme. La lauréate du prix Nobel de la paix est connue dans le monde entier, son visage est familier de beaucoup, mais peu prononcent convenablement son nom. Beaucoup l’appellent notamment ‘Ang San Sou Ki’, alors qu’il faut lui préférer ‘Ang San Sou Tchi’. Obama, lui, ne sera guère parvenu à conserver la bonne prononciation. Entre la conférence de presse de Bangkok dimanche soir, où le président a buté entre le « San » et le « Suu », et ses quelques mots au domicile de l’opposante lundi, où il a remplacé le « San » par un « Yan » malencontreux, la députée a avalé bien des couleuvres. Et pendant son discours de l’université, le président a alterné le bon, le moins bon et le franchement moyen. En revanche, Barack Obama a fait assaut d’amabilité en acceptant d’appeler le pays « Myanmar » et non « Burma » dans une conversation avec Thein Sein, suivant ainsi la dénomination officielle du pays, renommé il y a une vingtaine d’années par la junte. Les militaires estimaient à l’époque que l’ancien nom en anglais « Burma », outre sa connotation coloniale, favorisait la majorité ethnique « birmane » ou « bamar », aux dépens des nombreuses minorités ethniques du pays. Mais le changement a fait l’objet depuis d’un combat politique, l’opposition se refusant à s’y plier. Il y a un an, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton en visite officielle avait préféré parler pudiquement de « ce pays ».

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