Déploiement de force après les attentats de Marrakech, en 2011. © Reuters

Anti-terrorisme: le rôle crucial du Maroc

Lui-même sous la menace terroriste, le Maroc collabore avec d’autres pays visés par Daech. Le soir-même du 13 novembre, ses services ont prévenu les Français qu’Abdeslam rentrait en Belgique. Enquête de notre envoyée spéciale, Marie-Cécile Royen

87 % des Foreign Terrorist Fighters (FTF) belges sont d’origine marocaine. Si leur « marocanité » est fortement contestée au Maroc, ils représentent un trait d’union forcé entre les deux nations. La plupart sont issus des régions pauvres et très peuplées du Rif, qui fait directement face à l’Espagne. C’est là aussi que se recrutent la majorité des 1 500 FTF marocains. « L’Espagne et le Maroc ont poussé l’intégration de leurs enquêtes anti-terroristes jusqu’à coordonner des arrestations simultanées sur leurs territoires respectifs », glisse une source policière marocaine. Visiblement, le talon d’Achille belge reste le trafic d’armes et les faux papiers. « Mille fausses cartes d’identité belges circulent dans les milieux djihadistes, confirme un officier supérieur de la police fédérale, qui souligne, au passage, que 25 millions de Marocains disposent d’un passeport biométrique. « Le système sécuritaire marocain est remarquable, ramasse-t-il, mais il n’a pas les mêmes contraintes que les nôtres. » C’est dit.

« Les premiers départs de Marocains pour la Syrie ont été coordonnés grâce à des connexions européennes en Belgique, en France et au Royaume-Uni, dénonce l’un des interlocuteurs marocains. Nous avons besoin de nos amis belges, français et britanniques pour démanteler ces filières et anticiper les attentats. Bien avant Paris, nous avions tiré la sonnette d’alarme. Nous ne prétendons pas travailler mieux que les services belges mais, grâce à notre diaspora, les informations remontent plus facilement, parce que nous avons une capacité instinctive à interagir avec nos sources. » Et tant qu’à envoyer le paquet sans ruban, notre agent secret appuie là où ça fait mal : « En Belgique, soit par laxisme, soit par méconnaissance de la part des autorités, on a laissé se développer un radicalisme islamique qui repose sur une mauvaise interprétation des préceptes de la religion musulmane. On a alerté à plusieurs reprises, et les services belges aussi… Depuis les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, nous avons fermé toutes les mosquées clandestines. Tous les prêches du vendredi doivent être validés par le Conseil supérieur des oulémas et les appels à la haine sont bannis. Le Maroc est là pour aider les autorités belges à mettre en place une véritable politique de déradicalisation, en évitant de stigmatiser les populations musulmanes, ce qui en pousseraient d’autres, qui ne l’étaient pas, à se radicaliser. »

Les services marocains sont performants. Du côté belge, certains les comparent à la CIA et au Mossad, soulignant la sophistication de leurs labos et leur système d’espionnage des télécommunications (même s’ils courent le risque d’en être les victimes). Que les agences marocaines partagent aussi leurs infos avec les pays étrangers, en tête desquels les Etats-Unis, la France, la Belgique et l’Espagne, cela s’est vérifié dans des circonstances dramatiques. Le soir des attentats de Paris, le 13 novembre, les services de renseignements marocains? ont appris à leurs homologues français que les terroristes venaient de Belgique et que l’un d’eux, Salah Abdeslam, s’apprêtait à y retourner. Ils ont également aidé à la localisation d’Abdelhamid Abaaoud à Saint-Denis, avec ce conseil : « Suivez la cousine… » Arrêté en octobre à son retour suspect de Turquie et détenu à la prison de Salé, Yassine Abaaoud, frère du chef présumé de la « cellule de Paris » avait été interrogé, dès le lendemain des attentats.

>>> Retrouvez l’intégralité du reportage « Le Maroc, au coeur de la lutte anti-terrorisme », dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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