© Debby Termonia pour Le Vif/L'Express

Voici comment faire fortune en dix ans

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Faire fortune en dix ans. C’est l’improbable défi relevé par le Namurois Frank van Rycke. En Flandre. Voici ses recettes.

Toute la singularité du personnage de Frank van Rycke, 44 ans, se retrouve dans un regard bleu déterminé, empreint de malice et de curiosité. Durant des années, ce Namurois de parents flamands s’est attelé à scruter les comportements et les expressions des clients fortunés qu’il côtoyait dans le monde de la finance. Histoire d’extraire l’essence de leur succès pour appliquer la formule au quotidien.

Il s’était fixé pour objectif de faire fortune en dix ans. « J’ai voulu me soustraire à cette course folle qui fait que nous travaillons pendant la plus belle partie de notre vie. » A travers une carrière en Flandre et au Luxembourg, il a réussi son pari. Fort d’un premier succès d’édition au nord du pays (In 10 jaar binnen, 25 000 exemplaires vendus), le désormais millionnaire publie aujourd’hui sur le marché francophone : Faire fortune en 10 ans dépeint ses réussites (l’immobilier, la gestion d’un patrimoine…) comme ses échecs relatifs (la Bourse) pour en tirer les grandes leçons. Les bénéfices générés par l’ouvrage seront dédiés à des associations oeuvrant pour les enfants défavorisés.

Bannissant l’usage du « vous » dans un sens comme dans l’autre, Frank van Rycke se plaît à faire basculer l’interview qu’il accorde en primeur au Vif/L’Express dans le cadre raffiné du Royal Snail Hotel à Namur. « Comme on va parler de moi, il est logique que tu me parles d’abord de toi », sourit-il d’emblée. Rien d’étonnant : son livre est une boîte à outils basée sur les rencontres et anecdotes qui lui ont permis d’adapter les règles du jeu en sa faveur. Toute expérience supplémentaire nourrit ce parcours initiatique perpétuel.

Séduit par la business culture à la flamande, Frank van Rycke, véritable Yes Man esquivant les généralités, en dévoile indirectement quelques facettes et autant de qualités primordiales à ses yeux : la confiance, la rigueur et un sens aigu des priorités.

Le Vif/L’Express : D’où vient le déclic qui vous a incité à « faire fortune en dix ans » ?

Frank van Rycke : Ceux qui me connaissent diront que j’ai une grande soif de liberté, un grand besoin de pouvoir faire ce que je veux. Cette perspective a été une énorme source de motivation. Le premier déclic est venu après ma rhéto, lorsque je suis parti un an aux Etats-Unis. Ce qui m’a frappé, ce sont les grandes divergences culturelles vis-à-vis de ce que l’on considère comme étant normal ou non dans la société. Le deuxième déclic vient du cercle familial : une bonne partie de ma famille habite en Flandre. Mon père, notamment, est capable de tout faire. Il m’a incité à penser que quand on veut quelque chose, une multitude de moyens nous permettent d’arriver là où on le souhaite. Concernant le volet financier, j’ai eu la chance de travailler au Luxembourg pour des employeurs dont la clientèle, majoritairement flamande, était assez fortunée. J’ai appris à les observer, à regarder comment ils se comportaient au téléphone, vis-à-vis de leur personnel et de moi-même, pour les imiter le moment venu. En suivant cette méthode, j’ai réussi à me constituer un patrimoine qui me permet d’être ici aujourd’hui, plutôt qu’au travail.

Vous avez bâti une grande partie de ce succès professionnel et personnel en évoluant très tôt en Flandre. Quelles en ont été les premières leçons ?

Après mon voyage aux Etats-Unis, j’ai choisi de faire mes études de droit à Leuven. Intuitivement, j’avais l’impression de mettre la barre plus haut. Avec le recul, je pense que cela a bien été le cas. En Flandre, le fait d’avoir réussi financièrement ou d’avoir du succès, à l’image de l’intérêt porté aux « Bekende Vlamingen », les Flamands célèbres, est réellement apprécié et mis en valeur. Mais sans aucune prétention : la plupart d’entre eux appliquent l’adage « pour vivre heureux, vivons cachés ». La Wallonie, elle, valorise assez peu ses talents. Or, elle n’en manque pas !

Les conseils de votre livre semblent s’inspirer en partie de cette business culture flamande. Est-ce l’un des points d’ancrage de votre réussite ?

Evidemment ! S’immerger dans une autre culture fait découvrir la manière avec laquelle les autres s’y prennent. Avec une conviction fondamentale derrière : ce que l’autre peut faire, je peux le faire aussi. Si tu vis dans une culture qui te stimule à construire quelque chose, à atteindre un vrai résultat, cela aura un impact sur toi-même tout en te poussant automatiquement à vouloir en faire encore plus.

Et c’est davantage le cas en Flandre ?

Je pense, même s’il convient d’ajouter la nuance qui sied. Derrière la manière d’aborder le succès financier, on retrouve aussi les traits de personnalité. La Flandre n’a pas l’apanage de l’esprit d’entreprise. En revanche, une divergence culturelle se joue principalement dans les réactions des uns et des autres. Si quelqu’un fait part de ses réussites en Wallonie, beaucoup se diront : mais pour qui se prend-il ? L’entrepreneur flamand, lui, pensera plutôt : je peux le faire aussi, je peux même faire mieux. C’est aussi ce qui ressort des remarques des lecteurs de l’édition néerlandophone. Beaucoup m’ont confirmé que le livre, dans sa façon d’aborder la création d’un patrimoine, représente un courant bien présent en Flandre.

Vous avez côtoyé de nombreux entrepreneurs fortunés du nord du pays. Quelle est d’après vous la principale clé du succès financier à la flamande ?

La rigueur, même si là encore, évitons de parler en noir et blanc. A mon sens, la logique latine s’oppose ici à la logique germanique. Si je reçois une importante demande d’offre à 21 heures, mon côté latin me suggérera de passer du temps avec ma famille. Tandis que mon côté germanique me conseillera plutôt d’établir l’offre sans attendre. Car le fait de réagir à une demande dans les quatre heures qui suivent augmente de presque 50 % mes chances de décrocher le contrat. Le Flamand compte beaucoup sur lui-même. Le degré d’autonomie prôné au nord du pays traduit aussi cette ambition de vouloir assumer un avenir sans dépendre des autres. Parce que la Flandre est persuadée d’en être capable.

Tout au long de votre ouvrage, vous prônez un certain opportunisme, notamment à travers un talent de négociateur dans la vie de tous les jours…

Il faut être opportuniste, mais dans le bon sens du terme. Les entrepreneurs flamands que je connais sont fiers de leurs réussites, mais ils n’en feront pas étalage. Entre l’arrogance et la conviction, la ligne est très fine. Mais je ne décèle pas d’arrogance dans la business culture flamande.

Il s’agit donc de décoder les règles du jeu de chaque business culture pour les tourner à son propre avantage.

Exactement, merci de le dire. Ça résume bien la logique que j’essaie de présenter au lecteur. Sans faire de la politique, je suis convaincu que le fait de s’ouvrir à la Flandre peut être bénéfique pour l’entrepreneur wallon, et vice versa. Tout est une question d’échange et de découverte. Aujourd’hui, je peux affirmer qu’au minimum 80 % de ma manière d’agir et de ma vision des choses est issue de ce que les autres m’ont appris.

Faire fortune en 10 ans, comment s’y prendre, par Frank van Rycke, Ed. AuRêka SA, 212 p.

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