Christine Laurent

Un pédalage fiévreux

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

SCEPTICISME ? LASSITUDE ? INDIFFÉRENCE ? ILS N’EN pensent pas grand-chose, les Belges de leur gouvernement. Bof, ni bon ni mauvais.

Le degré zéro de l’illusion, le seuil minimum de l’emballement politique, selon le dernier sondage RTBF/ La Libre Belgique (13 février 2012). Des citoyens déçus par leurs élites ? A la prudence de Sioux ? Le résultat de trop de crises, de trop de dérapages, de trop de promesses non tenues depuis des années ? De fait, les premiers pas de Di Rupo Ier ne sont guère rassurants. Depuis deux mois, les couacs se multiplient, c’est la cacophonie. Ainsi, ce budget 2012 établi sur la base d’une croissance de 0,8 %, alors que, selon le Bureau du Plan, elle atteindra à peine 0,1 %. Un excès d’optimisme, sans doute, mais qui coûte cher : une facture de 2,5 milliards à trouver pour le début du mois de mars et qui vient s’ajouter aux 11 milliards d’économies déjà engrangées pour bloquer le déficit de notre dette à 2,8 % du PIB, comme le Premier ministre s’y est engagé. Une paille ! Et que dire encore du bonus de 500 millions attendu de la réforme des pensions et qui a mystérieusement fondu en deux mois pour atteindre à peine les 60 millions ? Là on se pince. Tout comme on s’interroge sur l’étrange « cafouillage » lié à l’absence de concertation sociale et qui a conduit tout droit à la grève du 30 janvier dernier. Une « erreur de jeunesse », prétendent certains, une erreur d’autant plus surprenante que plusieurs ministres socialistes et sociaux-chrétiens de Di Rupo Ier sont au pouvoir depuis une éternité… C’est comme s’ils avaient subitement oublié les codes qui régissent la vie politique belge. Tous amnésiques ? On peine à le croire.

Alors, du vent, ce gouvernement ? Nos décideurs pataugent-ils lamentablement ? Toujours en pédalage fiévreux, le nez sur le guidon, comptent-ils poursuivre dans un activisme de plus en plus brouillon ? En bisbille avec les chiffres, retrouveront-ils enfin la raison pour nous sortir de l’ornière et ce malgré une conjoncture calamiteuse ? Alors qu’ils ont à peine décapé la rouille du déficit abyssal de notre pays, sauront-ils, enfin, s’engager dans des mesures équitables qui tiennent la route et ne s’effondrent pas au premier coup de grisou conjoncturel ? Certes, le tour de table de cette fin de mois de février s’annonce serré, tant le gouvernement papillon fait vraiment le grand écart entre sa gauche et sa droite. Autant de discussions à flux tendu, d’autant plus que les sondages ne sont pas favorables pour les partis de la coalition. Un recul inévitable qui sanctionne généralement ceux qui osent s’engager dans des dispositions budgétaires impopulaires. Mais Di Rupo Ier a-t-il vraiment le choix ?

Le redressement exige le sacrifice de tous pendant que les dépenses publiques plombent les comptes. Des efforts doivent être réalisés, nous le savons bien, mais les citoyens veulent qu’ils soient partagés, sans distinction de classe ou de fortune. Aujourd’hui encore, notre avenir reste indéchiffrable. Nous ne pouvons nous contenter d’une gouvernance politique improvisée. Il faut relancer la machine, engager de vraies réformes, viser juste. Ni rigueur absolue, ni laxisme. La très délicate quadrature du cercle qui demande bien du talent. Mais restons optimistes, croisons les doigts !

CHRISTINE LAURENT

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