Christine Laurent

Travaux pratiques

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Ils sont forts tout de même, ces spin doctors du boulevard de l’Empereur ! Dans l’art de ciseler des formules creuses, ce sont des champions. Pour preuve, l’interview de rentrée du Premier ministre : une longue litanie millimétrée, cadrée, verrouillée, autant de pages de gazettes débordant de projets en peau de lapin, de considérations oiseuses.

Objectif : parler pour ne rien dire tout en occupant le terrain. De fait, rester dans le mou et dans le flou sur autant de colonnes force le respect. « Gouverner, c’est prévoir, aujourd’hui, gouverner, c’est se faire voir », notait le 25 août dernier, dans Le Monde, le psychanalyste Michel Schneider. Message reçu cinq sur cinq par les nouveaux communicants politiques. Un service minimum pour un coup d’éclat maximum. Hélas.

Se couler dans un vent dominant, gérer les affaires publiques au ras de l’opinion, surtout à la veille des élections, raboter les angles et les aspérités, rien ne nous a été épargné. L’Europe a la gueule de bois, les mauvais indicateurs économiques tombent en rafale, les faillites dans notre pays se multiplient, les perspectives semblent bien sombres, pas de problème, Elio Di Rupo est là avec ses petites potions magiques. Un véritable prestidigitateur avec ses déclarations généreuses, mais qui n’en font pas pour autant des solutions pertinentes, loin s’en faut. Mais reprenons : le gouvernement veut donc à la fois assainir le budget, tout en relançant la croissance. Air si usé qu’on ne l’entend même plus. A moins que le Premier ministre ne parie sur notre amnésie. Mais comment donc Di Rupo Ier compte-t-il s’y prendre pour doper notre économie, favoriser notre compétitivité, fouetter les investissements ? Largement dépendant de l’Europe, sans un sou vaillant et bientôt vidé d’une bonne partie de ses compétences, que peut encore le fédéral ? Où Di Rupo va-t-il donc chercher les précieux deniers ? Surtout quand on sait que le gouvernement n’a même pas osé arbitrer les grandes lignes du budget 2013 avant les élections communales. Courageux.

Mais c’est sur le chapitre sécuritaire qu’il nous a le plus bluffés. Non à l’impunité des délinquants ! La priorité des priorités. Ce sera la carotte et le bâton. Traduction : de la prévention ET de la prison. Là, on se pince. Aurait-on donc raté un épisode ? Le PS au gouvernement depuis tant d’années et qui avait systématiquement botté en touche sur ce dossier, a-t-il subitement été frappé par la foudre ? Pourquoi ce changement de cap ? Nous cacherait-on quelque chose ? La donne de la criminalité aurait-elle brusquement évolué ? Ou, plus prosaïquement, comme le laissent sous-entendre des esprits malintentionnés, l’ombre de Michelle Martin planerait-elle sur les nouvelles orientations musclées du parti ? Les mauvaises langues ! Qui soupçonne les socialistes et le MR qui se partagent là le même pré carré, de vouloir, à la veille du 14 octobre, surfer sur l’émotion et l’indignation populaires qui ont ébranlé le landerneau politique ces dernières semaines ? Ou alors les opérations viriles du ministre socialiste français de l’Intérieur, Manuel Valls, les feraient-elles fantasmer ?

Et pendant tout ce temps passé en verbiage et fausses annonces, le Belge, lui, travaille, épargne un maximum tant l’horizon lui paraît bien incertain, et tente, loin du bruit et de la fureur médiatico-politique de s’en sortir sans trop de dégâts. Mais avec, dans un petit coin de sa tête, cette question lancinante : quand donc Di Rupo Ier passera-t-il, enfin, aux travaux pratiques ?

Christine Laurent

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