Philippe Maystadt

Quel avenir pour l’État providence ?

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

« L’Etat providence est à la croisée des chemins. » Que de fois n’a-t-on pas entendu cet avertissement ! La banalité du propos n’enlève rien à la réalité du défi. Depuis les années 1990, une abondante littérature a été publiée sur la nécessité de réformer notre système de protection sociale. Quatre questions majeures s’en dégagent ; elles seront au centre du Congrès des économistes belges qui se tiendra à Charleroi le 21 novembre prochain.

La première question, la plus connue, est évidemment celle de la soutenabilité financière du système : les autorités publiques disposeront-elles à l’avenir de moyens suffisants pour faire face aux dépenses croissantes de pensions et de soins de santé ? Dans un scenario « à politique constante », la réponse est clairement négative. Pour relever ce défi, la Commission européenne a mis en avant trois axes stratégiques : le « préfinancement » via une réduction accélérée de la dette publique ; les réformes structurelles visant à accroître la productivité et l’emploi ; la réforme des systèmes de prestations, en particulier des pensions (relèvement des conditions d’âge et de carrière). Dans sa contribution au Congrès, le Bureau du Plan montre qu’aucune de ces trois stratégies, appliquée isolément et dans des limites socialement acceptables, ne parvient à garantir la soutenabilité et qu’il faudra donc les combiner, les appliquer simultanément mais dans une proportion et à un rythme qu’il reste à définir.

La deuxième question résulte du constat que l’Etat providence dans sa conception traditionnelle n’est pas en mesure de traiter adéquatement les « nouveaux risques sociaux » : le chômage de long terme se transmettant de génération en génération, la difficulté de combiner vie professionnelle et vie familiale, l’augmentation du nombre de familles monoparentales, l’inadéquation de familles à un revenu dans une société où le niveau de vie « normal » est déterminé par les familles à deux revenus… Comparés aux risques traditionnellement couverts par l’assurance-chômage ou l’assurance-maladie, ces « nouveaux risques » entrent plus difficilement dans une logique d’assurance. Par exemple, le risque de chômage de longue durée est hautement prévisible car les statistiques montrent une forte corrélation avec le niveau d’éducation. Il est donc difficile d’organiser une forme d’assurance contre un risque aussi prévisible et aussi concentré.

La troisième question se relie à la précédente : notre système de protection sociale ne parvient plus à réduire la pauvreté. Certes, la lutte contre la pauvreté n’était pas le but premier des fondateurs de la sécurité sociale mais on a pu pendant longtemps se réjouir de ce que la sécurité sociale permettait de réduire le taux de pauvreté. Les contributions pour le Congrès montrent que, si la capacité de la sécurité sociale à réduire la pauvreté reste bien présente, elle a néanmoins tendance à décliner.

La quatrième question est celle de l’investissement social : ne vaut-il pas mieux investir pour prévenir la réalisation des risques plutôt que d’intervenir après coup, lorsque le risque s’est matérialisé ? Cela justifie la place que le Congrès donnera aux politiques actives d’emploi et de formation.

L’avenir de l’Etat providence n’est pas tracé d’avance. Il se confond pour une large part avec celui de la vie démocratique car c’est à une véritable réinvention que nous sommes conviés, la réinvention des valeurs et des méthodes du progrès social.

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