© Belga

Que pense la presse flamande du coup de poker de Lutgen ?

Muriel Lefevre

Le « coup » de Lutgen a fait la une des journaux chez nos voisins flamands. Si les avis divergent sur la finalité du geste, l’affaire passionne.

L’annonce surprise, lundi midi, de Benoît Lutgen de la « rupture nécessaire et immédiate » avec le PS, a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Elle chamboule le jeu politique wallon et bruxellois. Si à l’heure d’écrire ces lignes, le tsunami n’a pas touché le fédéral, cela n’empêche pas ce matin la presse flamande d’en faire ses choux gras. Tous s’accordent à dire que le pari est intéressant, mais pour le moins risqué. Et dont nul n’ose prédire les conséquences. Florilège.

De Morgen se demande en une si le PS va survivre à ce coup. Il y a les arguments pour (une occasion de revenir aux sources et avec Magnette à sa tête de se repositionner dans les rangs de l’opposition pour mieux contrer le PTB) et les arguments contre (le PS n’a plus été dans l’opposition depuis les années 80 et le parti n’y est plus habitué).

Bart Eeckhout, le chef éditorialiste de ce même quotidien, se fend pour sa part d’un billet lyrique où il hésite sur les intentions réelles de Lutgen. « Est-il Caesar qui franchit le Rubicon pour bousculer l’ordre établi dans la politique wallonne ou Brutus qui a poignardé le Caesar Di Rupo dans le dos ? » Ou encore, dans une comparaison plus moderne, « est-il un Macron Wallon ou un Frank Underwood dans un House of Cards ardennais capable de sacrifier tout le monde pour survivre ? »

Même si, comme le fait encore remarquer Bart Eeckhout, pour devenir un Macron il faut oser être un Underwood. Après tout, Macron n’a-t-il pas lui aussi poignardé son ancien président dans le dos avant de triompher ? Pour l’éditorialiste, cette comparaison avec Macron n’est pas innocente puisque, du côté francophone, on est plus qu’en demande d’un « Macron Wallon ». Pour lui, la sortie de Lutgen est un acte pour survivre. Le PS et le cdH sont deux partis en mauvaise position et Lutgen a décidé de couper la corde qui le maintenait au-dessus du vide. Avec des conséquences qui pourraient être immenses. Soit un renouveau politique, néanmoins guère crédible de la part du cdH et du MR, soit le chaos.

Il se peut aussi que la Belgique francophone ait, enfin, un « update » au niveau de la gestion et de l’éthique politique comme la Flandre l’a vécu dans les années 90. Il est aussi possible qu’elle se dirige vers une sorte de guerre civile avec des moyens pacifiques. Mais, dit-il encore, si personne n’est à même de prédire ce qu’il va se passer, une chose est cependant certaine : ça va être passionnant conclut-il.

Dans De Standaard on parle d’un saut dans l’inconnu. De l’un des mouvements les plus risqués depuis le 22 décembre 1944. Jour où le général Anthony McAuliffe complètement assiégé répondit ‘ Nuts!’ lorsque les Allemands lui demandent de se rendre. Ici aussi on compare cela à la révolution macronienne qui vit la chute du PS français. Ou plutôt le saut dans le vide avant d’attendre l’intraitable sanction des électeurs.

Le geste montre à quel point le PS est devenu toxique

Pour l’éditorialiste du Standaard, ce genre de geste montre à quel point le PS est devenu toxique. Car il est risqué et personne ne sait si le liant « tous contre le PS » est suffisamment fort que pour faire tenir une coalition. D’autant plus que le temps qu’il reste au parti pour regagner des électeurs est dans l’espace-temps politique fort court. Surtout en sachant que les socialistes ont été fort prompts à dénoncer la « trahison » de Lutgen et de le présenter comme un complot contre le PS.

Ce qui, in fine, pourrait faire que la situation se retourne à leur avantage et revenir comme un boomerang vers Lutgen. Un petit passage dans l’opposition pourrait en effet se révéler salutaire dans ce climat où les scandales s’enchaînent précise le quotidien flamand. Pour l’éditorialiste du Standaard, la position du PS ne s’est pas affaiblie, au contraire. Si les autres partis francophones n’arrivent pas à former une nouvelle coalition, il pourra revenir de plus belle et pourquoi pas au fédéral. Car en politique comme ailleurs, ce qui ne tue pas rend plus fort. L’heure de la vérité ne sonnera qu’en 2019. D’ici là, il est encore trop tôt pour vendre la peau de l’ours.

Pour De Tijd, Lutgen a engendré un séisme politique, qui n’a en plus pas été causé par les électeurs. De quoi faire trembler les certitudes. Car si un changement politique est sain pour la démocratie, le quotidien espère tout de même qu’il a tâté un tant soit peu le terrain avant de se lancer. Car s’il n’arrive pas à reformer une coalition, il doit rester avec le PS. Ce qui dans les faits signifie une Bruxelles et Wallonie avec une absence totale de gouvernement.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire