Henri Vieuxtemps 1820-1861 © Belga

Quand les Belges étaient les maîtres du violon

Le Vif

Dès ce lundi, et jusqu’ au 30 mai, le concours Reine Elisabeth remet son instrument fétiche à l’honneur. Le violon, longtemps spécialité belge. Vieuxtemps, de Beriot, Ysaÿe, Hauman, Massart, Thomson… Ces artistes wallons, Liégeois pour la plupart, ont assuré la célébrité de  » l’école belge de violon « . Dont le rayonnement fut international, dès l’indépendance de la Belgique et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Par Alain Findling

Avant l’indépendance, en 1830, les libertés et la culture belges ont subi une longue éclipse sous le joug des différentes puissances occupantes. Bâillonnés, étouffés, les artistes se sont tus ou dispersés. Avec la révolution, puis l’indépendance, peinture, littérature, art dramatique et musique refleurissent. C’est le violoniste et compositeur louvaniste Charles de Bériot qui donne l’impulsion essentielle à la création de l’école belge de violon. Son union avec la légendaire cantatrice Maria Malibran gonfle sa célébrité. Son talent est loué par Hector Berlioz, qui consacre par ailleurs le génie d’un Gantois qui fait sensation à Paris : Theodore Hauman, « de tous les violonistes d’Europe celui qui promet le plus ! » Issus de Gand et Bruxelles, Joseph Ghys et Alexandre-Joseph Montagney, dit Artot, ravissent, eux aussi, tout le continent.

Mais ce sont Liège et la Wallonie qui voient éclore et se succéder une extraordinaire génération de grands interprètes. Jamais une cité ni une région n’a vu naître ni n’hébergera un ensemble aussi important de brillants solistes violonistes ! Henri Vieuxtemps donc, mais aussi Lambert Massart, César Thomson, Martin-Pierre Marsick, Eugène Ysaÿe… Au point que l’histoire de l’école belge de violon s’en tient presque intégralement à une chronique liégeoise. Aucune logique, aucun élément structurel ne peut expliquer ce phénomène. « Il me semble que pour un concerto de violon, c’est tout à fait bien d’employer des airs wallons. C’est bien le moins qu’on puisse faire pour un pays qui fournit des violonistes à toute l’Europe », écrit le 7 juillet 1893 le violoniste romantique français Ernest Chausson à Ysaÿe, dédicataire de son concerto pour violon.

Verviers est associée à cette illustre page d’histoire de la musique wallonne. Après un concert à Amsterdam, en 1828, de Beriot est émerveillé par un Verviétois de 8 ans : Henri Vieuxtemps. Il a trouvé son successeur et le prend sous sa protection. L’année suivante, Paris leur fait un accueil triomphal. Ce qui suscite des tournées internationales. Le jeune prodige fait sensation à Vienne et en Allemagne, où il séduit et inspire Robert Schumann : « Du premier au dernier son qu’il tire de son instrument, Vieuxtemps vous retient comme un cercle magique tracé autour de vous et dont on ne connaît ni le début ni la fin… Son jeu est comme une fleur, en même temps parfumé et lumineux. » Les Belges sont à présent admirés et désignés comme indiscutablement supérieurs.

Cette extraordinaire primauté s’effiloche avec le temps. La présence au conservatoire de Paris de plusieurs maîtres belges et des artifices de classification musicologique en portent une part essentielle de responsabilité. En 1905, le violoniste musicologue Andrea Moser cite à plusieurs reprises « l’école franco-belge de violon » dans le 3e tome de L’Ecole du violon. L’expression est reprise par des magazines musicaux qui analysent l’ouvrage. Ces publications, alors très en vue, contribuent à répandre plus largement le concept. Progressivement, son utilisation se généralise hors de la Belgique où l’on n’évoque plus qu’épisodiquement « l’école belge de violon » et moins encore « l’école liégeoise ».

Les deux guerres mondiales sonnent le glas du rayonnement musical belge. La source ne se tarit pas complètement mais elle n’est plus miraculeuse. Mais juste avant la « Grande Guerre », la Belgique, alors encore au sommet de son rayonnement musical,s’était donnée une reine violoniste. En 1937, Elisabeth supervise ainsi en personne les préparatifs du premier concours international de violon qu’elle dédie à son ami Eugène Ysaÿe. Concours qui prendra son royal prénom en 1951. Et qui, depuis, fait office de gardien de la grande tradition violonistique belge.

L’intégralité du récit dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec aussi :

  • les enfants mythiques de l’école belge
  • concours Reine Elisabeth 2015 : la piste aux violons-étoiles

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