Pierre Havaux

Peumans, Janus au plat pays

Pierre Havaux Journaliste au Vif

« Ôter ce français que je ne saurais voir dans mon institution ! » Le président du Parlement flamand est épinglé pour une sombre histoire de censure linguistique. C’est le même qui se dit le N-VA le plus entiché des Wallons et de leur tolérance proverbiale. Peumans, Janus au plat pays: une vraie histoire belge.

À l’entendre, il transformerait bien en flamand tout ce qu’il touche, voit, lit. : « Une nouvelle édition du film « The Godfather » est sortie, on pourrait parfaitement traduire le titre en néerlandais par « Kris Peeters ».

Désopilant, ce Jan Peumans. Ce jour-là, c’était il y a un bon mois, le président de séance sentait le besoin de dérider l’atmosphère studieuse de la commission parlementaire flamande de la Mobilité. À l’ordre du jour, un joli casse-tête : comment veiller au respect de la loi flamande qui prohibe toute pub non rédigée en néerlandais sur les bus de la société flamande de transports en commun De Lijn ?

La bonne blague du N-VA Jan Peumans tombait à pic. Et dans l’assistance, ministre et députés ont effectivement bien ri.
C’était de l’humour, bien sûr. C’est nettement moins le cas avec cette sombre histoire de français censuré par le même Jan Peumans. Bref résumé de l’intrigue : le président du Parlement flamand aurait fait pression sur l’organisateur d’une expo au sein de son institution pour que soit supprimé, sur les invitations et dans le catalogue, un phylactère en français d’un dessin des Cités obscures, oeuvre des bédéistes franco-belges Benoît Peeters et François Schuiten.
Levée de boucliers, accusation d’atteinte à l’intégrité artistique de l’illustrateur, riposte de Peumans qui tente de tirer son épingle du jeu. Le clou de la poussée d’adrénaline est décerné au président des FDF Olivier Maingain : l’acte de Peumans « confine à la barbarie tout autant qu’à l’idiotie. » Rien que ça.

Mais l’essentiel est venu du porte-parole du Parlement flamand : « nous ne pouvions tout de même pas laisser un texte en français au parlement flamand. » Pas plus qu’on ne peut supporter une pub’ en français, en anglais ou en chinois sur les flancs des transports publics flamands. Ou tolérer des enseignes de restos en langue étrangère sur le sol flamand.

Le piquant dans cette dernière affaire qui ne fera pas que du bien au label « made in Vlaanderen » dans le monde, c’est le profil de son acteur principal.

Il fallait bien que ça arrive à Jan Peumans. Lui, le plus wallingant de la planète N-VA, l’homme qui rêverait de se réincarner en Wallon, qui dit raffoler de cette « culture wallonne plus tolérante que la flamande. » Lui, le président du Parlement flamand qui clamait encore récemment être « l’ambassadeur de Wallonie dans mon parti », sous le regard enamouré de son alter-ego wallon, l’Ecolo Patrick Dupriez.

Cet homme qui aime tant les Wallons ne peut avoir qu’un bon fond… Quoique José Happart ait de gros doutes : « le triste sieur Jan Peumans a défilé dans les Fourons sous les bannières extrémistes du VMO, du Voorpost et autre Were Di », avait rappelé le plus célèbre hérisson du sud du pays, sous le coup de la colère.

Ce jour de 2010, le sang de José H. n’avait fait qu’un tour, en découvrant les responsables politiques wallons se confondre avec empressement en excuses à l’adresse de Jan Peumans. Pour une prétendue raclée que lui aurait infligée un militant de l’Action fouronnaise lors d’une escapade à Visé.

Ça va pas, dans la tête de Jan Peumans ? Si, très bien. Être le meilleur ami des Wallons, même s’ils parlent français, ne lui interdit nullement de penser en flamand, raisonner en flamand, sévir en flamand. Et trier en flamand.

Juin 2010, le président du Parlement flamand accueille ainsi dans ses lieux l’illustre Herman Van Rompuy (CD&V), alors nouveau président du Conseil européen. Jan Peumans ne trouve pas de mots assez forts pour dire et répéter toute sa fierté et celle de ses coreligionnaires, que « le premier président du Conseil européen soit un Flamand. » Cet immense honneur ne doit rien au hasard : « c’est une récompense pour le rôle que tant de Flamands ont joué, et jouent encore, dans la construction européenne. Vous les connaissez tous : Wilfried Martens, Jean-Luc Dehaene, Hendrik Fayat, Karel Van Miert, Willy De Clercq, Guy Verhofstadt, Maurits Coppieters, et j’en oublie tant d’autres. » Sans doute d’autres Belges. De langue française ceux-là.

Pierre Havaux

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