Particratie : le mal belge

Le service de l’Etat est une noble tâche, sauf en Belgique. En France, l’administration est globalement respectée, malgré sa pesanteur. Elle trouve des défenseurs enflammés comme Roland Hureaux l’auteur de La Grande démolition-La France cassée par les réformes (Buchet-Chastel), un livre que les Belges devraient lire avec profit tant certains maux sont communs aux deux pays : manie des fusions institutionnelles, imitation servile du modèle managérial privé, culture du chiffre et de l’évaluation.

La vague réformatrice de la fonction publique a touché notre pays à la fin des années 2000, sous les gouvernements Verhofstadt I et II. Les mauvaises langues disent qu’il s’agissait de purger la haute administration des sociaux-chrétiens qui l’avaient peuplée trop longtemps.

En réalité, la réforme Copernic a hésité entre deux modèles : ni tout-à-fait neutre ni tout-à-fait dépolitisé. Résultat des courses : les partis ont encore tout à dire dans la nomination des grands commis de l’Etat mais ils s’arrangent pour y déposer un vernis d’objectivité, en organisant des sélections. Si elles sont techniquement plus exigeantes que par le passé, elles n’ont pas évacué le soupçon du privilège du Prince. Aujourd’hui, Vincent van Quickenborne (Open VLD), ministre des Pensions, n’accepte pas la désignation de Jean-Marc Delporte, étiqueté PS, à la tête de l’Office national des pensions. Ce dernier a pourtant réussi les épreuves de sélection sous l’ancienne législature, mais il ne présenterait pas toutes les garanties de loyauté pour mener une réforme ambitieuse, devine-t-on dans le chef du ministre. Une chercheuse de l’ULB, Marie Göransson, a comparé le système politico-administratif de pays tels le Danemark, les Pays-Bas et la Suisse, qui ont des points communs avec la Belgique : complexité institutionnelle, gouvernement de coalition, recherche du consensus. Mauvaise nouvelle : aucun ne connaît l’ « institution » belge des cabinets ministériels pléthoriques, interventionnistes et clientélistes. Les membres de l’exécutif s’appuient sur l’administration et sur de hauts fonctionnaires qui, malgré d’éventuelles différences de sensibilité politique, rendent le service avec compétence et loyauté. Chez nous, entre « topmanagers » et entourages ministériels, c’est méfiance, crise de nerfs et compagnie.

L’enquête publiée dans Le Vif/L’Express de cette semaine le démontre de façon éclatante.

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