Christine Laurent

Non au sauve-qui-peut

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

DES RÉUNIONS QUI S’EMPILENT, DES COUPS QUI SE donnent, des coups reçus, quelques sorties de route, des étincelles, des bras de fer, du chantage, des portes qui claquent…

Pas simple « la semaine cruciale pour notre bien-être » annoncée par Yves Leterme dans un récent tweet. Pourquoi pas la semaine de la castagne ? De fait, les tensions entre les six négociateurs sont palpables, quand elles ne sont pas carrément affichées sur la place publique. Finie l’euphorie, voici venu le temps des dures réalités. Les caisses sont vides, la croissance est en panne, le système monétaire européen vacille, l’horizon semble bien désenchanté et il faut trouver pas moins de 10 milliards d’économies pour la seule année 2012. Comment concilier austérité libérale et volontarisme étatique ? Sauver les acquis sociaux tout en donnant les impulsions indispensables à nos entreprises pour créer de la richesse ? Une alchimie qui demande de l’imagination, du doigté, de la lucidité et une bonne dose de pragmatisme. Tous devront lâcher du lest, on le sait bien. Jusqu’où aller trop loin, sans risquer de déplaire à l’électorat de chacun ?

« Un nouveau gouvernement est à portée de main », affirmait samedi dernier Elio Di Rupo à Nina, le supplément hebdomadaire du Laatste Nieuws. Qui s’en plaindrait ? Mais avec quel programme ? S’inscrira-t-il vraiment dans la désormais incontournable règle d’or des budgets maîtrisés ? Car les marchés guettent. Si l’accord est jugé de qualité, la menace d’une dégradation s’éloigne. Si, en revanche, c’est du pipeau bricolé par des branquignols, gare à la dégringolade ! La Belgique, l’un des pays les plus endettés de la zone euro, ne peut pas se permettre le moindre écart. C’est un pack solide pour faire face aux tempêtes qu’elle devra produire. Pour éviter le tête-à-queue dans le brouillard, elle doit convaincre.

Les agences de notation, certes, mais aussi et surtout les citoyens. Qui craignent pour leur portefeuille. Même si nous avons intégré depuis belle lurette que nous devrons nous serrer la ceinture. Tous logés à la même enseigne ? Pas sûr. Or la crise économique a remis au premier plan le principe d’égalité. On pense aux plus démunis, bien sûr, mais que dire des classes moyennes ? Employés, cadres, artisans, fonctionnaires, commerçants… pas assez bien payés pour être riches et trop qualifiés pour appartenir aux classes populaires. Laminés par la crise, oppressés fiscalement. La paupérisation les guette, quand elle ne les a pas carrément rattrapés. Dans un contexte global où les riches ne cessent de s’enrichir et les pauvres de s’appauvrir, ils sont tirés inévitablement vers le bas. Leur pouvoir d’achat s’étiole. Et la Belgique du milieu ne fait pas exception.

PS, MR, CDH, SP.A, Open VLD et CD&V ne pourront pas se calfeutrer derrière des non-décisions. Ni adopter des mesurettes qui sentent à plein nez le sauve-qui-peut. Pas de construction baroque, encore moins de rafistolage d’un système en bout de souffle. L’équation est complexe, mais il faudra répartir les sacrifices avec pertinence et dans un esprit d’équité. C’est collectivement que nous devons sortir de la mouise et pas au détriment de l’un ou de l’autre. Dans ce contexte, toutes les voix devront être non seulement entendues, mais aussi intégrées. La quadrature du cercle.

Christine Laurent

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