Peeters © Belga

Malaise à Zaventem : Peeters en remet une couche

Muriel Lefevre

Peeters a décidé de sauter des deux pieds dans un terrain miné. Il a, selon lui, trouvé une faille juridique qui permettrait de postposer l’application des normes de bruit sans marge de tolérance. Celles-ci devraient rentrer en vigueur d’ici deux semaines et signifieraient une hausse importante des amendes envers les compagnies aériennes. Les premiers soubresauts d’une nouvelle bombe communautaire ?

Le ministre de l’Economie et vice-Premier ministre, Kris Peeters (CD&V), vient d’envoyer un courrier à la ministre de l’Environnement bruxelloise Céline Fremault (CDH), au sujet de la prochaine application de la tolérance zéro en matière de normes de bruit pour les avions décollant de Zaventem ou y atterrissant. Kris Peeters y fait référence à une directive européenne qui exige que toute réglementation comprenant des spécifications techniques soit notifiée auprès de la Commission européenne, révèlent La Libre et les journaux de Mediahuis. Elle vaudrait, selon lui, pour l’arrêté bruit de 1999, qui détermine le bruit maximal que peut produire un avion lors de son passage, et pour l’arrêté bruxellois de 2002 qui définit les caractéristiques des instruments de mesure utilisés pour contrôler cet élément. Or la Région bruxelloise n’a pas notifié à l’Europe les spécifications techniques comprises dans ces textes selon lui. Le point de contact qui se charge de ces notifications dépend d’ailleurs du SPF Economie.

Ces éléments pourraient donc suspendre, une nouvelle fois, l’application de la décision régionale, de trois à six mois, si les arrêtés en question étaient déclarés inapplicables, estime Kris Peeters. Le cabinet Fremault a rétorqué dans une première réaction que « ces hypothèses sont bancales ». « Elles seront toutefois vérifiées ».

Une nouvelle péripétie dans un dossier pourri

« Le problème est beaucoup plus facile à résoudre qu’il y a 10 ans. Les avions sont plus silencieux et il y a moins de trafic. » C’est en tout cas ce que dit le dernier qui est parvenu à pacifier ce dossier maudit des routes de vol, Etienne Schouppe (CD&V). « Ce qui se passe en ce moment, ce n’est que du pur profilage politique » dit-il dans De Morgen.

Le dossier des vols au-dessus de Bruxelles a en effet tout de la bombe communautaire. Du même acabit que pouvait l’être BHV. « Pas moins d’une dizaine d’acteurs aux intérêts différents militent activement pour leur cause. Il y a plusieurs gouvernements régionaux sur lesquels le Fédéral n’a rien à dire et cela oppose les intérêts économiques comme la création d’emploi à la qualité de vie. Les quartiers résidentiels face à la ville et, bien sûr, les francophones contre les flamands » selon Etienne Schouppe. « La question est maintenant de savoir si l’on veut continuer avec ces petits jeux ou si l’on veut doubler les offres d’emplois d’ici 20 ans » dit-il encore dans De Morgen. « Des emplois qui pourraient venir combler une partie du haut taux de chômage que compte la capitale » dit-il encore. Même si aujourd’hui seul 3000 des 20.000 employés de Zaventem vivent à Bruxelles, l’offre devrait augmenter dans l’avenir entend-on du côté du gouvernement flamand.

Bref, comme le dit Bert Anciaux avec beaucoup de poésie, c’est un « dossier de merde ».

Pourtant les choses s’étaient un temps calmées lorsqu’Etienne Schouppe était parvenu à un compromis autour de la répartition des vols en 2008. On n’a hélas pas eu le temps de le bétonner dans la loi suite à la chute du gouvernement Leterme. Lorsque Wathelet remit le sujet sur le tapis peu avant les élections de 2014, en proposant de soulager la ville au détriment de périphérie, il va rouvrir la boîte de pandore. Mais aussi signer son arrêt de mort politique et sérieusement plomber le cdH. « Les positions braquées de la ministre Frémault en sont la conséquence directe » pour Schouppe. Au cdH, « ils en font désormais une question d’honneur, c’est le seul dossier qui peut les remettre en selle à Bruxelles . » Une accusation démentie par les intéressés qui ne se trouvent pas déraisonnables. « Nous demandons une concertation depuis plus de deux ans », soulignent-ils. Le gouvernement bruxellois veut surtout que le gouvernement fédéral prenne l’initiative et travaille à « une solution globale » (reprenant notamment la loi sur les routes aériennes, ndlr).

Mais cette loi seule ne réglera pas la situation, a réagi le ministre fédéral de la Mobilité François Bellot. « Les normes de bruit sont depuis des décennies une compétence régionale », avait-il souligné.

Toujours selon De Morgen, le MR n’a pas vraiment envie de s’atteler à la tâche. La consigne serait même de ne pas trop touiller dans ce pot puant. Même en interne le sujet est brûlant. Après tout, des bourgmestres de leurs factions ont porté plainte au Conseil d’État pour faire respecter des normes de bruit plus strictes. Le PS pourrait aussi en profiter pour faire passer Charles Michel comme le chien-chien de la N-VA. Le CD&V et l’Open VLD sont tout aussi frileux, puisque s’ils sont au parlement bruxellois, ils n’ont pas beaucoup à dire.

Une situation potentiellement explosive donc, mais néanmoins pas sans issues pour Schouppe : « Il est possible de trouver une solution, mais elle ne sera possible que si on écoute avec attention toutes les parties, en vérifiant que les plaintes sont justifiées et ne versant pas dans la provocation. Personne ne doit ramasser toute la crasse, mais tout le monde doit pouvoir admettre qu’un aéroport c’est bruyant. Et ensuite de tout bétonner dans une loi pour éviter qu’on en refasse un enjeu politique récurrent. » conclut-il dans De Morgen.

Tous les voyants au rouge

Selon les syndicats et les employeurs c’est un quitte ou double qui se joue pour Brussels Airport. Si les nouvelles normes sonores bruxelloises rentrent en vigueur d’ici deux semaines beaucoup d’entreprises risquent de partir.

Certains parlent même d’un risque de perdre 60.000 emplois. Un chiffre exagéré, mais qui démontre l’étendue du stress dit encore le quotidien flamand.

Du coup, ils sont de plus en plus à véritablement supplier pour qu’on trouve une solution politique. Certains bourgmestres du Brabant flamand ont déjà demandé au gouvernement flamand d’introduire un nouveau conflit d’intérêt et permettant ainsi de prolonger le délai de la mise en application de 60 jours. Ben Weys n’a pas souhaité pour l’instant accéder à leur demande. Peeters s’est montré moins timoré.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire