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Les services publics occupent 24 « experts du vécu », ayant connu la pauvreté

Le Vif

En 2004, les autorités belges avaient lancé le projet « Experts du vécu en matière de pauvreté et d’exclusion sociale ». Mardi, une journée de congrès y était consacrée à Bruxelles, l’occasion de faire le point et de poursuivre la réflexion.

L’initiative, qui consiste en l’engagement au sein d’administrations et d’institutions publiques d' »experts » ayant personnellement vécu la pauvreté, fait l’objet d’un vif intérêt européen, selon Julien Van Geertsom, président du SPP Intégration Sociale. 17 administrations belges emploient aujourd’hui un total de 24 experts du vécu, qui participent activement à améliorer l’accessibilité des services publics fédéraux pour les citoyens vulnérables.

« Face aux administrations, on se sent exclu », témoigne Samira Benayyad, évoquant les difficultés rencontrées par les personnes pauvres. Aujourd’hui experte du vécu au CAAMI (assurance maladie-invalidité), elle y occupe des fonctions d’accueil et de contact dans le but plus général d’adapter le fonctionnement de cette institution à un public fragilisé. « Ayant moi-même vécu la pauvreté, je me suis par exemple vite rendue compte que le manque de ‘confidentialité’ et d’intimité des entretiens était un problème aux yeux de ce public », explique-t-elle. Dans d’autres administrations (Selor, SPF Intérieur, SPF Economie, ONEM…), d’autres experts du vécu occupent différentes tâches: fonctions d’observation et de conseil, lancement de projets, rédaction d’études et de rapports… « Une offre d’emploi est à chaque fois établie », explique Julien Van Geertsom. « Nous la partageons ensuite avec les CPAS et des associations où des pauvres prennent la parole, pour que des candidats se présentent. Les personnes engagées sont réellement des ‘experts’, dont l’expertise est précisément leur expérience de la pauvreté ». Cette expérience, centrale, doit s’accompagner de compétences spécifiques, insistent toutefois Samira Benayyad et Olivier Van Goethem (expert du vécu du SPF Intérieur). « Nous avons tous deux suivis une formation générale pendant 3 ans. En-dehors du vécu et des compétences de base, il faut également être capable de prendre du recul, et une certaine force de caractère », raconte Olivier Van Goethem. « Certains collaborateurs à l’intérieur du service ne connaissent pas bien la fonction, et j’ai dû m’imposer ».

« Les 10 ans de notre administration (le SPP Intégration Sociale, ndlr) sont l’occasion idéale pour mieux faire connaître le projet, y compris au sein-même des administrations concernées », précise Julien Van Geertsom, qui évoque un futur élargissement de l’initiative dans le cadre du plan fédéral de lutte contre la pauvreté. « Le bilan est positif, ce qui ne veut absolument pas dire que c’est facile. » Il résume la fonction comme « un trait d’union entre deux mondes », le monde des administrations étant celui des classes moyennes, tandis que le monde de la pauvreté apparaît hautement spécifique. « Entre les deux s’est installé un triple fossé de connaissances, de compétences et de sentiments, alors que notre société devient de plus en plus complexe », indique-t-il. Il compare la situation de la personne pauvre face aux administrations à l’idée de lâcher un occidental dans le métro de Moscou. De nombreuses personnes en difficulté sont illettrées et ne connaissent simplement pas les aides auxquelles ils ont droit, les recours possibles, les interlocuteurs disponibles. « Le fait d’être proche des personnes en difficulté à permis aux experts du vécu de pointer des problèmes évidents, tels que le nombre d’absences de réponse aux convocations de l’ONEM tout simplement dues à l’analphabétisme. »

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