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« Les multinationales veulent 0% d’impôts »

Le professeur en économie Paul De Grauwe (London School of Economics et KuLeuven) estime que les deals fiscaux conclus avec les entreprises sont inacceptables.

Paul De Grauwe: Il est très malsain qu’un état conclue des accords avec les entreprises sur les quantités d’impôts à payer. C’est de la discrimination de la part de l’état, car Monsieur Tout-le-Monde n’y a pas droit. Ce genre d’accords, les rulings, minent notre société depuis l’intérieur. Sous l’ancien régime, l’Église et l’aristocratie avaient des privilèges, et ceux-ci ont mené à des révolutions. Aujourd’hui, les multinationales profitent de ces privilèges, et elles suscitent aussi la rancoeur. Beaucoup de gens se détournent des multinationales, mais aussi des politiques qui concluent ce genre d’accords.

Mais tous les pays le font?

Oui, les multinationales négocient avec beaucoup de pays pour payer le moins possible d’impôts. Aucun gouvernement n’y gagne, seule l’entreprise en question en tire les bénéfices. Il faut y mettre fin au niveau européen.

Les rulings pour lesquels la Belgique a été condamnée par la Commissaire européenne datent de 2014. À présent, nous devons réclamer les avantages fiscaux à ces entreprises. Le gouvernement n’est guère enthousiaste, parce qu’il commettrait un parjure.

L’attitude du gouvernement belge ne rime à rien, car les accords conclus à l’époque vont à l’encontre des règles démocratiques. Il y a douze ans, les rulings étaient déjà discriminatoires, et on ne pourrait pas revenir dessus ? Ce sont des accords injustes conclus entre politiques et multinationales sur le dos de Monsieur Tout-le-Monde.

Donc la Belgique aurait dû réclamer l’argent, comme l’exige l’Europe ?

Évidemment. Et en même temps, nous devons intervenir au niveau européen de sorte que tous les pays qui ont accordé ces avantages fiscaux les revendiquent.

Le gouvernement Michel travaille à une baisse de l’impôt sur les sociétés. D’autres pays européens en parlent également. Une bonne évolution ?

Non, je le regrette. Et c’est parce que les pays n’arrivent pas à s’accorder entre eux. La conséquence, c’est que nous sommes tous victimes d’une espèce de chantage des multinationales, car elles menacent de partir si les gouvernements ne baissent pas les impôts. Elles dressent les gouvernements nationaux les uns contre les autres.

Craignez-vous une course vers le bas, où le tarif de l’impôt sur les sociétés ne fera que baisser ?

Certainement. Les multinationales veulent payer 0% d’impôts. C’est leur objectif, et elles ne s’arrêteront pas avant de l’avoir atteint. Bientôt, vous aurez des économistes – payés par les multinationales – qui raconteront que le mieux c’est 0% d’impôt sur les sociétés. Mais les entreprises doivent payer leur part, car elles profitent des dispositions publiques, non ? Elles emploient des gens qui ont fait des études, payées avec l’argent du contribuable, n’est-ce pas ? Eh bien, il est plus que normal que les entreprises y contribuent et paient leur part d’impôts.

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