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Les médias belges s’interrogent sur le traitement des attaques terroristes

Les rédactions des médias belges ont toutes entamé une réflexion sur la manière de traiter le risque terroriste et les attaques des dernières semaines. La grande majorité ne pense pas que la publication des photos et des noms des auteurs d’attentats puissent valoriser leurs actes, alors que le débat fait rage en France.

En Belgique francophone, toutes les rédactions reconnaissent mener une réflexion permanente sur la série d’attaques perpétrées en France et en Allemagne mais ne souhaitent pas prendre de décision définitive comme certaines de leurs homologues françaises. « Il existe le danger de tomber dans une sorte de déni ou de silence qui pourrait être dommageable », analyse Philippe Martin, rédacteur en chef adjoint de l’Avenir. « Cela pourrait donner l’impression que l’on cache des choses, donner des idées de conspiration. La démocratie a besoin de transparence. »

De son côté, la rédaction de L’Echo a par contre décidé de ne plus publier les photos des auteurs des attaques. « Le visage d’un djihadiste ne nourrit en rien le débat démocratique », confirme-t-elle mercredi dans un communiqué transmis à l’agence Belga. Le journal continuera cependant à publier les noms des terroristes « dans la mesure où ils font partie d’une enquête judiciaire ». « L’itinéraire et le passé de ces individus nous semblent une information essentielle: ils éclairent le citoyen sur les éventuelles failles de nos institutions, évitent les amalgames populistes et réduisent à néant les thèses complotistes. »

La plupart des médias francophones belges soulignent que les photos ainsi que les noms des auteurs de tels actes ont avant tout une valeur informative et permettent de contextualiser les faits. « Nous ne relayons pas la propagande de l’Etat islamique (EI), il ne faut pas non plus donner à la presse le rôle qu’elle n’a pas », précise Demetrio Scagliola, rédacteur en chef adjoint de Sud Presse. « Les identités et les photos sont des informations qui permettent d’essayer de comprendre le phénomène. Des universitaires et spécialistes confirment d’ailleurs qu’il n’y a pas d’effet prouvé entre la propagation du message terroriste et la diffusion de ces informations. »

La Libre Belgique les utilise également pour contextualiser les faits et analyser l’environnement du terroriste. « Nous réfléchissons à la meilleure manière de faire pour éviter la starification des terroristes mais la logique d’information doit prédominer », poursuit Nicolas Ghislain, rédacteur en chef adjoint. « La ligne de conduite reste la sobriété dans le texte et l’image. » Le quotidien insiste aussi sur la vérification de l’authenticité des clichés des suspects et des terroristes. « Nous n’avions pas publié la photo du présumé tueur de Munich en l’absence de garantie sur son origine. »

La manière de sélectionner les informations et de les aborder est également en perpétuelle réflexion au sein des rédactions. Leur pertinence et leur valeur explicative doivent dominer, insiste Christophe Berti, rédacteur en chef du journal Le Soir. « Nous avons une base composée de la déontologie journalistique, la loi et la ligne éditoriale. Le traitement doit se faire avec rigueur, en recoupant les informations. Notre mission n’est pas d’être les premiers à donner une information non vérifiée mais de donner la meilleure information possible. Nous devons donc nous montrer encore plus rigoureux. »

La Dernière Heure avait par exemple décidé de ne pas livrer d’informations sur les personnes recherchées dans la foulée des attentats de Bruxelles pour ne pas compromettre les enquêtes. « Après les attentats, nous savions également où se déroulaient certaines perquisitions mais nous n’avions pas publié l’information », confirme Vincent Schmidt. « Nous travaillons en collaboration avec les services judiciaires pour évaluer quelles informations donner au public. »

Les chaînes de télévision ont également entamé cette réflexion. La RTBF explique y réfléchir « pleinement » mais précise travailler en évitant tout sensationnalisme. « On s’en tient à notre rigueur journalistique et aux 5 questions de base: quoi, qui, où, quand et pourquoi? « , rappelle François de Brigode, présentateur du journal télévisé de la RTBF.

Enfin, d’après Laurent Haulotte, directeur de la rédaction de RTL-TVi, la réflexion serait peut-être plus approfondie si la Belgique était touchée par une vague d’attaques comme en France et en Allemagne. « Nous donnons les noms des auteurs tant que cela donne des informations sur leur parcours mais en évitant de faire la propagande de l’Etat islamique. Nous avions publié un extrait de la première vidéo de revendication après l’exécution d’un otage, avant d’arrêter la diffusion de telles images. Nous montrons des photos des victimes dans un autre contexte, par respect mais également pour éviter de participer à la propagande. Nous essayons également d’authentifier les images que nous recevons. »

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