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Le niveau d’exportation de poires est revenu à la normale, mais les cultivateurs ne sont pas tirés d’affaire

Kristof Clerix
Kristof Clerix Rédacteur Knack

La Belgique exporte à nouveau autant de poires qu’avant le boycott russe. Comment se fait-il que les cultivateurs belges perçoivent encore des subsides ?

En août 2014 – en pleine crise ukrainienne – la Russie a décrété un embargo sur les produits alimentaires de l’Union européenne. Cette mesure a durement touché la culture de poires belges. En 2013, la Russie a importé 90 000 tonnes de poires en Belgique, en 2014 ce nombre a baissé à 76 000 pour ensuite tomber à zéro. La bonne nouvelle, c’est que globalement l’export de poires belges est revenu à son niveau initial.

Nos confrères de Knack ont demandé les derniers chiffres d’exportations à l’Office flamand d’Agro-Marketing (VLAM) avant de les vérifier auprès d’Eurostat. Ils révèlent qu’en 2016, la Belgique a exporté 327 000 tonnes de poires, soit autant que l’année où la Russie a décrété un embargo et même plus que l’année d’avant (en 2013, il s’agissait de 245 000 tonnes). Cependant, alors qu’en 2014 un tiers du marché d’exportation de poires se trouvait en dehors de l’Europe, aujourd’hui ce chiffre est retombé à 10%.

Pour les pommes, la situation est à peu près la même : avec plus de 211 000 tonnes en 2016, l’exportation dépasse les chiffres de 2013 (201 000) et 2014 (178.000), mais la part de pays non européens a baissé.

Où se retrouvent les fruits belges?

L’Allemagne, la France et les Pays-Bas sont nos plus grands marchés pour les pommes, suivis de loin par le Royaume-Uni.

« L’Inde, un marché émergent pour nos pommes belges, complète le top cinq », déclare Liliane Driesen du VLAM. « Notre exportation de poires a connu une belle année 2016, surtout grâce à la hausse de l’export vers les pays de l’UE. Notamment, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Tchéquie, l’Allemagne, l’Estonie, la Bulgarie et la Pologne ont importé beaucoup plus de volume. Mais nos exportations vers des marchés lointains prennent de plus en plus grâce à la hausse d’exportations vers la Chine et Hong Kong. »

Pourtant, la crise du secteur fruitier belge n’est pas terminée, car les prix des fruits ont baissé, met en garde la Ligue des paysans et l’association des coopératives horticoles belges.

En 2013, l’exportation de poires belges a rapporté 232 millions d’euros. L’année passée, ce chiffre a baissé à 214 millions d’euros. Durant la même période, les recettes de l’exportation de la pomme ont baissé de 157 millions d’euros à 120 millions d’euros.

« Même si le taux d’export est revenu à son niveau initial, les cultivateurs ont toujours moins de revenus », déclare Leen Jolling, conseillère en horticulture à la Ligue des paysans. « Cette baisse de prix est due à la disparition du marché russe de plus de 100 millions de consommateurs. Les producteurs de fruits européens se sont orientés vers les mêmes marchés. Conséquence : l’offre est devenue plus grande que la demande, et les prix se sont mis à baisser. À cela s’ajoute que l’année dernière les cultivateurs belges ont été touchés par la tempête et la grêle. J’entends que les cultivateurs ont toujours beaucoup de mal. Certains ont même jeté l’éponge. »

Philippe Appeltans, secrétaire général de l’association des coopératives horticoles belges, appelle également à faire preuve de prudence à l’égard des chiffres d’exportation. « Conclure sur cette base que le secteur fruit a retrouvé la forme serait un drame pour les maraîchers. Ils ont du mal à maintenir la tête hors de l’eau. Tout ce qu’on peut espérer, c’est que l’Occident et la Russie retrouvent leur bon sens. Entre-temps, le boycott dure depuis près de trois ans. Au fond, qu’est-ce qu’il a apporté ?

Les mesures de soutien ne sont-elles qu’un « emplâtre sur une jambe de bois ? »

La Ligue des paysans et l’Association des coopératives horticoles belges plaident en faveur d’un maintien des mesures de soutien au secteur fruitier. Jolling : « Ces dernières années, les maraîchers belges ont reçu 13 millions d’euros de soutien européen. Les mesures de soutien devraient cesser fin 2017, mais la Commission européenne a accepté de les prolonger jusqu’à fin 2018. »

Concrètement, la Commission européenne accorde un soutien financier aux agriculteurs pour retirer les fruits non vendus du marché. Ensuite, elle offre ses fruits à des banques alimentaires ou elle les utilise pour la production de biogaz. Le raisonnement, c’est qu’en les retirant du marché, la surabondance diminue et à terme le prix pour le cultivateur augmente.

« Notre secteur est toujours en crise. Au fond, le soutien à l’Europe n’est guère plus qu’un emplâtre sur une jambe de bois », déclare Appeltans. « L’Europe accorde environ 10 centimes le kilo de pommes ou de poires, alors que le coût tourne autour des 40 à 50 centimes. Ce soutien est opportun, mais il ne suffit pas. En tout cas, je trouve logique que les mesures demeurent pour apaiser les souffrances du secteur tant que les sanctions russes continuent à exister. »

Nouveaux marchés d’exportation: Brésil, Inde, Chine

« Nous devons poursuivre les efforts diplomatiques pour ouvrir des marchés à l’exportation. En mars 2017, ces efforts ont permis d’ouvrir le marché brésilien. »

Poires belges dans les supermarchés russes

Étonnamment, les chiffres d’exportation récents de fruits belges révèlent une hausse importante de l’exportation de poires vers un certain nombre de pays d’Europe de l’Est. En 2013, la Belgique a exporté 6000 tonnes vers les pays baltes, en 2015, c’était 74 000 tonnes et en 2016 près de 56 0000 tonnes. Ces dernières années, la Bosnie, la Bulgarie et la Pologne ont également exporté beaucoup plus de poires de Belgique.

Ces pays se sont-ils soudainement mis à manger des fruits belges ou servent-ils uniquement d’intermédiaires vers la Russie ?

Attention aux conclusions erronées, met en garde Philippe Appeltans : « La Pologne produit beaucoup moins de poires qu’il y a quelques années. Il n’est guère surprenant qu’un tel pays importe davantage de la Belgique. En outre, les exportations belges vers la Biélorussie ont baissé alors que ce pays est considéré comme la Mecque des itinéraires de fraude. »

Cependant, André De Rijck, le représentant de Flanders Investment & Trade à Moscou, confirme que les poires Conférence se trouvent bel et bien dans les supermarchés russes. « Sur les étiquettes, on lit que ces poires sont originaires du Soudan, d’Afrique du Sud, d’Argentine ou de Bosnie. Mais en réalité, les poires Conférence sont cultivées presque exclusivement en Belgique ou aux Pays-Bas. Je ne sais pas comment ces fruits belges se retrouvent dans les magasins russes. En 2015, De Standaard écrivait déjà que l’interdiction d’importation russe était détournée par la contrebande.

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