Actuellement louée à un agriculteur, la pâture accueillit la sépulture de 599 civils belges, tous décédés entre 1915 et 1919. © © ISABELLE MASSON-LOODTS

Le cimetière fantôme de Neuville-sous-Montreuil

Le Vif

Témoin de l’indifférence avec laquelle ont été considérés les réfugiés de la Grande Guerre, le  » cimetière des Belges  » de Neuville-sous-Montreuil s’est effacé du paysage… Pourtant, près de 600 civils y reposent. Exilés dans le Pas-de-Calais, ils y ont trouvé la mort entre 1915 et 1919.

« Qui sauvera le cimetière des réfugiés belges de Neuville-sous-Montreuil » ? Au printemps dernier, cet SOS est relayé par le site belge www.1914-1918.be/ Le message est signé Annick Lefranc. Autrefois guide bénévole à la Chartreuse de Neuville, cette habitante de Boulogne-sur-Mer était souvent confrontée aux questions de visiteurs belges concernant les civils belges qui avaient trouvé refuge en ces lieux, transformés en hôpital belge à partir d’avril 1915. « Qui étaient ces Belges ? D’où venaient-ils… Je n’avais pas de réponses à ces interrogations ! » Annick ignore alors jusqu’à l’existence du cimetière désaffecté, pourtant situé à quelques centaines de mètres à peine de la Chartreuse. C’est le journaliste Fabrice Leviel qui, dans La Voix du Nord du 31 octobre 2013, a levé le voile sur la présence oubliée de nombreux défunts belges dans un lopin de terre situé aux abords du bourg.

Depuis qu’elle l’a découvert, Annick s’est donné une mission : « Sortir ces malheureux de l’anonymat. » Avec son époux, elle a d’abord épluché les registres communaux de Neuville-sous-Montreuil. « Nous y avons recensé les actes de décès de 599 civils belges décédés sur place entre 1915 et 1919. Ces documents reprennent leur nom, leur âge, leur village d’origine. Il y a beaucoup de vieillards et d’enfants. La plupart provenaient des zones de Flandre occidentale inondées par l’Yser ou traversées par les tranchées. » Beaucoup sont arrivés en avril 1915, après les premières attaques aux gaz toxiques, puis en 1917, lorsque les autorités ont fait évacuer la population civile de la région d’Ypres. Certains sont morts du typhus, au début de la guerre, affaiblis par leur exode. Il y a aussi un autre pic de mortalité en 1918, probablement à cause de la grippe espagnole. « Le nombre important de décès a dû pousser les responsables de l’hôpital à trouver rapidement un lieu de sépulture. Aujourd’hui, le terrain appartient à un privé et est loué à un agriculteur… »

Daniel Bourdelle, le maire de Neuville, a entamé des démarches auprès du propriétaire et du locataire de la prairie, dans l’espoir qu’un petit monument puisse être érigé sur ses abords. Il a aussi contacté les autorités flamandes, pour leur signaler qu’un nombre important de civils belges décédés et reposant à Neuville étaient originaire d’Ypres et des villes et villages avoisinants, dans le Westhoek. Fin septembre, Jan Durnez, le bourgmestre d’Ypres, lui a fait savoir que « les noms des concitoyens morts dans la période 1915-1919 seront commémorés au musée In Flanders Fields, dans La Liste des Noms« , une projection vidéo quotidienne des noms des personnes décédées cent ans plus tôt (www.gonewest.be ). Les autorités yproises ont aussi émis le souhait d’installer une stèle ou un mémorial à l’emplacement du cimetière.

Le récit dans le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– les familles des défunts affluent

– le séjour des exilés belges au sein de l’ancien monastère La Chartreuse

– comment les « Belges de l’intérieur » ont oublié ceux qui s’étaient exilés

Par Isabelle Masson-Loodts

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