Fernand Keuleneer

La mascarade autour de l’avortement

Fernand Keuleneer Avocat au Barreau de Bruxelles

Plusieurs partis politiques ont soumis des propositions législatives dans l’optique de modifier la législation sur l’avortement. Ces derniers insistent pour qu’un texte soit voté avant les vacances d’été, à tout le moins au sein de la commission justice de la Chambre des représentants. Il n’est par ailleurs pas à exclure que le gouvernement présente d’ici là son propre projet de texte.

Le point de départ de toute cette discussion est une erreur. L’avortement doit être soi-disant « dépénalisé ». Pourtant, l’avortement est déjà dépénalisé. L’article 350 du Code pénal stipule que : « Toutefois, il n’y aura pas d’infraction lorsque… » et s’en suivent les conditions selon lesquelles l’interruption de grossesse n’est pas considérée comme une infraction. On peut donc difficilement dépénaliser plus que ça ne l’est déjà.

Oui mais il faut « sortir l’avortement du Code pénal » rétorquent les partisans d’une modification de la loi. Dans ce cas, il est pour le moins étrange de lire dans le projet de loi déposé par l’Open Vld que les sanctions pénales demeurent si les conditions légales ne sont pas respectées. Sortir la matière du Code pénal tout en maintenant des sanctions pénales ailleurs, c’est une des pathologies de notre époque. Les infractions pénales et leur peine sont ainsi éparpillées dans toutes sortes de lois et d’accidents législatifs, mais on ne les retrouve plus dans le Code pénal. Quelle manière paresseuse de légiférer.

Peut-être que l’intention est en réalité d’abolir toute sanction pénale lorsque les conditions légales de l’avortement ne sont pas remplies ? Mais quelles sanctions demeureraient alors en cas d’enfreinte à la loi ? Aucune, en effet… Et c’est naturellement l’objectif véritable pour lequel on a dupé « les gens ».

Dans la plupart des propositions présentées, l’avortement deviendrait simplement un « droit du patient », repris dans la loi sur le droit des patients, et en outre un « acte médical ». C’est une avancée forcée en prévision de la nouvelle loi sur l’exercice de la médecine que prépare la ministre De Block et selon laquelle tout acte réservé à un médecin deviendrait un acte médical, même si cet acte ne poursuit aucun objectif de traitement, de guérison ou de soin.

Une des conséquences de tout ceci est que l’avortement ferait partie intégrante de l’exercice de la médecine, monopole absolu du médecin, et dans lequel les tiers non-médecins ne peuvent pas interférer. Cela impliquerait également qu’un hôpital perdrait toute possibilité d’interdire ou même restreindre la pratique de l’avortement au sein de son institution.

Ceci serait valable pour la période au cours de laquelle l’avortement deviendrait pour la femme un droit absolu, indépendamment de l’existence d’un état de détresse, et qui dans certaines des propositions serait étendue à 5 mois, mais cela vaudrait également pour les avortements autorisés par la loi jusqu’en fin de grossesse, lorsque le foetus est atteint par exemple du syndrome de Down ou lorsque la « santé » de la mère est compromise.

Si on fait un parallèle avec la loi sur l’euthanasie, il serait naïf de croire que le « bien-être psychique » ne fait pas partie de la « santé ». Un hôpital ne pourrait donc plus s’opposer à ce que l’un de ses médecins se spécialise dans les avortements de foetus atteints du syndrome de Down ou dans les avortements justifiés par des raisons de bien-être psychique, même si cela va à l’encontre des principes et de l’identité philosophique d’une institution. Que reste-il alors de la liberté d’association et de la liberté d’entreprendre ?

Tous les projets de loi présentés contiennent une disposition stipulant que les médecins, les membres du personnel médical ou les infirmiers peuvent refuser de participer à un avortement si leur conscience leur dicte de ne pas le faire. Ce n’est qu’un os à ronger car cette faculté est en pratique illusoire à tel point que ça en est risible. Comment peut-on être assez naïf pour croire qu’un infirmier ou une infirmière ayant des objections de conscience pourrait se permettre d’invoquer à cinq reprises un cas de conscience dans le contexte actuel de réduction des coûts et de pénurie de personnel ? Ne devrions-nous pas créer un « safe space » pour ces personnes ? Mais plus fondamentalement encore, pourquoi laisserait-on à un médecin, une infirmière ou un aide-soignant la faculté de soulever une objection de conscience si l’avortement devient un acte médical ordinaire ? Pour décider de poser ou de ne pas poser un acte médical ordinaire, le médecin procède à une analyse médicale qui est basée sur son expertise médicale ; sa conscience n’entre pas en ligne de compte. Ainsi, avez-vous déjà vu un médecin qui ne voyait pas d’objection de nature médicale à traiter une pneumonie mais qui aurait néanmoins refusé de soigner le patient en raison d’une objection de conscience ? Sincèrement, de qui se moque-t-on ?

La campagne qui est menée pour modifier la législation sur l’avortement est purement idéologique et utilise des arguments fallacieux et trompeurs. La médecine classique a pour objet de soigner et de guérir, et non pas de mettre fin intentionnellement à la vie ou d’empêcher la naissance d’un enfant sur simple demande. Pour cette raison, on observe un mouvement de pression pour que la définition de la médecine soit modifiée afin de servir de lubrifiant aux eugénistes et autres bricoleurs du « transhumanisme » pour lesquels il n’y a pas de place pour le caractère unique de l’homme et de la vie humaine. Et derrière ça, bien entendu, des montagnes d’argent à encaisser qui justifient que tous les obstacles soient éliminés. C’est de ça qu’il est question, et de rien d’autre.

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