En 2009, Mischaël Modrikamen lançait son Parti populaire, espérant séduire les électeurs de droite et à la droite de la droite. © Danny Gys/Reporters

La création de « nouveaux partis », une histoire déjà ancienne

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Le paysage politique belge paraît stable. Pourtant, depuis toujours, d’innombrables petits partis politiques ont tenté d’émerger. Rarement avec succès.

Même les partis les plus anciens ont été nouveaux. En Belgique depuis 1846, et la fondation, le 14 juin, de la plus vieille formation d’Europe occidentale, le Parti libéral, de courageux entrepreneurs politiques ont lancé leur propre projet. Seuls ou à plusieurs, à l’échelon communal ou au niveau national, pour rigoler ou parce que c’était grave, et parce qu’au fond chaque grand parti est un petit parti qui a réussi, ils sont des dizaines, à chaque scrutin, à tenter leur chance. Il y en a tellement, et il y en aura encore tant, qu’en faire un relevé complet depuis l’indépendance de la Belgique consommerait une bonne tonne de papier bible. Economisons donc les ressources de la planète, et n’en sélectionnons que les plus notables.

Globalement, les nouveaux partis s’organisent pour deux raisons. Soit qu’ils s’intègrent dans le système existant, sur un clivage existant, mais qu’ils estiment que le segment qu’ils veulent défendre n’est pas légitimement représenté, et que la force politique qui le faisait jusque-là a trahi la cause. Soit qu’ils estiment que le système lui-même est caduc, proche de l’effondrement, et qu’ils veulent s’ériger en pilier de sa refondation. Les premiers sont souvent des sécessionnistes ratés, les seconds des révolutionnaires manqués. L’initiative est toujours difficile, souvent impossible, rarissimement réussie.

1. Les plus purs, se sentant trahis par leur famille, la quittent pour la régénérer. Ils s’estiment les plus légitimes héritiers de leur tradition. Les seuls vrais, face à la corruption des établis. Les trois clivages, philosophique, socio-économique, communautaire, qui fracturent le système politique belge en ont connu. Ils sont les plus à gauche, les plus flamands, les plus chrétiens. Mais, souvent, ils se plantent. Sauf s’ils parviennent à remplacer le parti qu’ils quittent.

Contre un Parti ouvrier belge né en 1885 mais très vite réputé trop mou, le bouillant avocat montois Alfred Defuisseaux fonde le Parti socialiste républicain en 1887, disparu à peine deux ans plus tard. Après la Première Guerre mondiale, la scission menée par Joseph Jacquemotte et War Van Overstraeten sera plus fructueuse : elle mène, avec les mêmes arguments, au Parti communiste belge.

Contre une Volksunie coupable d’avoir frayé avec les francophones, ceux du FDF de surcroît, pour signer le mort-né pacte d’Egmont, les opposants à son président Hugo Schiltz portent, à la fin des années 1970, une intransigeante coalition indépendantiste : le Vlaams Blok est né. Contre une autre Volksunie, coupable, elle, de s’être compromise avec le multiculturalisme et dans les accords de la Saint-Polycarpe, Geert Bourgeois et ses camarades la sabordent et rafistolent son épave en N-VA.

Contre un Parti social-chrétien nouvellement présidé par Gérard Deprez, après la défaite électorale de 1981 et les révélations de compromission avec l’extrême droite de son aile droite, le Cepic, certains de ses animateurs lancent un très marginal Parti pour la liberté et le citoyen. Contre un même PSC qui simultanément leur semble se droitiser, certains démocrates-chrétiens se présentent, sans succès, sur les listes de Solidarité et participation dans les années 1980. Contre un autre Centre démocrate humaniste qui a renoncé à son appellation confessionnelle, des militants portant leur croix en bannière s’organisent en CDF (pour Chrétiens démocrates francophones), formation éphémère dont certaines des figures, et notamment Jean-Pierre Lutgen, frère (et fils) de, rejoindront ensuite le MR.

Roland Duchâtelet et Vivant voulaient déjà changer le paysage politique.
Roland Duchâtelet et Vivant voulaient déjà changer le paysage politique.© BERT VAN DEN BROUCKE/PHOTO NEWS

2. Les plus ambitieux, dont l’échec est à ce titre souvent le plus bruyant, rejettent le système et surtout ses clivages en bloc. Comme, dès les années 1860, un parti antimilitariste et flamingant, le Meetingpartij, d’une forte importance à Anvers. Dans la grisante activité de la Résistance, puis de la Libération, des personnalités issues du pilier chrétien professent un rêve travailliste. Leur parti, l’Union démocratique belge, dont le futur ministre (PSC) Alfred Califice est une des chevilles ouvrières, est censé attirer les chrétiens de gauche et les socialistes lassés par l’anticléricalisme. Il ne parvient ni à l’un ni à l’autre, et échoue lamentablement à la première élection d’après-guerre. Trente ans plus tard, une autre Union démocratique, l’Union démocratique pour le respect du travail (UDRT) aspire, elle, à briser le monopole étatisto-travaillisto-social-démocrate. Elle recueille un certain succès à Bruxelles (trois députés et un sénateur en 1981), avant que ses soutiens ne s’égaillent ailleurs, pas trop loin : au PRL d’abord, au PSC ensuite, et à la droite de la droite surtout. Dans son prolongement, le Parti populaire espère toujours rassembler ce fragment politique, aux dépens de multiples formations concurrentes. Dans les années 1990, l’affaire Dutroux et la Marche blanche révèlent des aspirations confuses à un nouveau paysage politique. Et c’est dans la confusion que le Parti pour une nouvelle politique – Parti blanc, emmené par certains parents d’enfants disparus, veut porter le message des nombreux comités blancs qui ont surgi partout dans le pays. Ses performances électorales seront tout sauf révolutionnaires. Vivant aspire lui aussi à cette époque à renouveler le paysage politique. De tendance libérale-libertaire, il promeut notamment l’allocation universelle et est mené par le milliardaire limbourgeois Roland Duchâtelet. Privé de tout, mais surtout d’électorat, il se fondra ensuite dans un cartel avec le VLD. Plus récent et moins droitier, le Parti pirate porte un message libertaire baigné de nouvelles technologies. Il ne reproduit pas pour l’instant en Belgique ses succès d’Europe septentrionale, tandis que les belgicains de Belgische unie – Union belge, fatalement pas exportables, ne parviennent pas non plus à recruter chez les opposants à la fédéralisation du royaume.

De ces entreprises de toutes sortes, il ne reste souvent plus rien ou presque. Il en reste encore moins des initiatives strictement personnelles, dont les élections du 13 juin 1999 resteront un sommet puisqu’on y trouva notamment les listes AVDB d’Alain Van der Biest, D.Maret de Michel Demaret et Debout, pour Roberto D’Orazio et Beaucoup d’Ouvriers pour l’Union des Travailleurs. Ce scrutin fut aussi un des plus drôles, animé qu’il fut par Tarte, le parti pâtissier de Noël Godin. Il succédait à Banane, que menait en 1995 le cinéaste Jan Bucquoy. Le premier point de programme de ce dernier était moins farce : une rafale de kalachnikov pour chaque député.

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