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La commission d’enquête ‘Samusocial’ n’en a pas terminé avec les auditions

Les députés de la commission d’enquête chargée de se pencher sur la gestion du Samusocial et les modalités d’attribution de jetons de présence en son sein reprendront mardi leurs auditions en entendant plusieurs ministres en charge du dossier au cours des dernières années.

Sous réserve d’une confirmation du bureau de la commission qui se réunira lundi en cours de journée, les ex-ministres du gouvernement bruxellois sortant, Evelyne Huytebroeck (Ecolo), et Brigitte Grouwels (CD&V) seront entendues mardi à partir de 8H30. Vendredi, ce sera au tour des ministres actuellement chargés de l’Aide aux personnes au sein de la Commission Communautaire Commune, Pascal Smet (sp.a) et Céline Fremault (cdH) d’être auditionnés.

Le ministre-président Rudi Vervoort et le ministre Guy Vanhengel répondront quant à eux aux questions des commissaires le lundi 11 septembre prochain.

Le bureau devra déterminer si d’autres auditions sont nécessaires. Sauf modification, il est prévu que la commission rédige ses recommandations d’ici la fin du mois de septembre.

Depuis son installation le 20 juin dernier, la commission a procédé à l’audition d’une série d’acteurs-clé dans le dossier des modalités de rémunération des membres du CA et du bureau de l’asbl en charge de l’hébergement et de l’accompagnement des sans-abri de la capitale.

Tranchant avec le silence délibérément observé par l’ex-présidente du CPAS Pascale Peraïta, disant réserver ses propos aux enquêteurs dans le cadre de l’instruction judiciaire, l’ex-bourgmestre Yvan Mayeur a parlé aux commissaires. Le 19 juillet dernier, il a notamment livré nombre de détails sur le travail, selon lui énorme, de l’association, y compris des membres de son bureau. Il n’a pas éludé les questions relatives aux jetons de présence, sans pour autant convaincre les commissaires sur la pertinence des modalités de leur attribution.

Son audition, mais aussi celle de directeurs opérationnels de l’asbl, a par ailleurs révélé l’existence de fortes tensions politiques entre le Samusocial et plusieurs des cabinets ministériels compétents. Certains acteurs régionaux ont fait état de freins considérables dans le chef de l’asbl face à l’organisation d’un contrôle dans le cadre du récent contrat de gestion conclu avec l’asbl; d’autres, comme Yvan Mayeur, ont déploré en termes à peine voilés, une forme de chantage aux subsides versés au coup par coup et bien trop tard par la Commission Communautaire Commune par exemple pour permettre à l’association de pouvoir respecter la plutôt complexe législation sur les marchés publics.

Jusqu’ici, il ne s’est trouvé personne pour remettre en cause le travail de terrain de l’asbl au profit des SDF, ni de l’utilisation effective des subsides des pouvoirs publics pour l’hébergement des sans-abri.

Chronologie de l’affaire du Samusocial de Bruxelles

– 1993: fin de la loi de 1891 réprimant le vagabondage

– 1999: faute d’accord entre les CPAS bruxellois sur les modalités de création d’un outil commun d’hébergement d’urgence et d’accompagnement des sans-abri, création du Samusocial sous la forme d’une asbl privée sous l’impulsion d’Yvan Mayeur, d’Alain Hutchinson et de personnes du secteur privé. Capacité du centre situé à 600 mètres de la Grand place de Bruxelles, rue des Six Jetons: 50 à 60 places.

– 2003: Après trois ans passés dans un immeuble de la rue de l’Imprimerie, à Forest, le centre d’hébergement emménage dans un bâtiment neuf, mis à disposition par le CPAS de Bruxelles, rue du Petit Rempart, plus près du centre de la ville. Capacité d’hébergement: une bonne soixantaine de personnes; de 110 à 150 personnes en situation de crise.

– 2005: décès de deux sans-abri par hypothermie en plein coeur de Bruxelles. Les ministres de la Commission Communautaire Commune dégagent un budget garantissant la mise en place d’un dispositif de 150 places supplémentaires pour l’hiver. Le Samuscoial double ses activités de maraude.

– 2010: à partir de novembre, début d’une succession de crises de l’asile et des sans-papier. L’agence Fedasil mandate le Samusocial pour assurer l’accueil résidentiel (24h/24) de 400 demandeurs d’asile, en grande partie des familles avec enfants. Le plan d’accueil hivernal d’urgence destiné aux sans-abri est maintenu.

– 2012: vague de froid extrême, fin janvier et intervention du Fédéral dans le plan hiver de Bruxelles

– 24 octobre 2013: un rapport de l’inspection des Finances mandatée par la Commission Communautaire Commune relève des problèmes de gestion au Samusocial: manque de transparence dans les facturations et les relations de l’asbl avec d’autres organisations, notamment le CPAS de Bruxelles; non-respect de la législation sur les marchés publics; convention de justification des dépenses trop vague en ce qui concerne le dispositif hivernal; et manque de transparence quant à la politique de rémunération.

– 4 novembre 2013: livrant de nombreuses explications sur la structure de l’association, Yvan Mayeur, alors président du CPAS de la Ville de Bruxelles, défend devant le conseil communal, le travail accompli par le Samusocial et sa directrice Pascale Peraita. Celle-ci est également sous le feu des critiques pour habiter dans un logement appartenant au CPAS.

– 13 décembre 2013: Yvan Mayeur devient bourgmestre de la Ville de Bruxelles et Pascale Peraita, qui a quitté le logement du CPAS qu’elle occupait, reprend la présidence du CPAS. Elle prend un congé sans solde en tant que directrice du Samusocial.

– 10 janvier 2014 : Pascale Peraita est désignée administratrice déléguée de l’asbl. L’assemblée générale de l’association décide l’octroi de jetons de présence de 140 euros. Les travaux de la commission d’enquête démontreront en 2017 que des jetons de présence ont été octroyés à partir de 2008, voire de 2006.

– 2014: Ouverture d’un centre pour les familles

– 2015: Lancement de « Step Forward » (projet « Housing First ») et « MediHalte » (hébergement médicalisé) / Crise de l’asile / Ouverture du centre de Neder-Over-Heembeek sous mandat Fedasil

– 31 mai 2017: le député Ecolo Alain Maron annonce en commission des affaires sociales du parlement bruxellois avoir découvert qu’un budget de 59.920 euros avait été utilisé en 2016 au Samusocial pour couvrir les rémunérations des membres du conseil d’administration et du bureau de l’asbl. Il s’interroge sur l’attribution des jetons de présence dès lors qu’un jeton vaut 140 euros et que le nombre d’administrateurs est limité. La ministre de l’Aide sociale Céline Fremault fait part de sa surprise.

– 1er juin 2017: La directrice du Samusocial, Pascale Peraita, et le président de cette asbl à statut privé, Michel Degueldre, confirment au Soir le montant évoqué la veille par le député Alain Maron ainsi que l’attribution de jetons de présence de 140 euros pour le conseil d’administration. Le nombre de jetons de présence pour les membres du bureau a été plafonné à 10 par mois, ce qui équivaut à 1.400 euros brut par mois, au maximum, par membre. Plusieurs élus, y compris de la majorité, réclament davantage de transparence.

– 2 juin 2017: Pascale Peraita annonce son départ du bureau du Samusocial. Le ministre-président bruxellois, Rudi Vervoort, annonce avoir demandé au commissaire du gouvernement un rapport sur le fonctionnement du Samusocial.

– 6 juin 2017: Pascale Peraita affirme, devant le conseil communal de la Ville de Bruxelles, que les rémunérations des membres du Conseil d’administration du Samusocial ont été payées via des « dons permanents ». Auparavant, elle avait évoqué dans certains médias des dons de particuliers ou d’entreprises. Selon elle, les subsides ont été intégralement consacrés à leur finalité. De son côté, le bourgmestre Yvan Mayeur ne prend pas la parole.

– 7 juin 2017: Le bureau élargi du parlement régional bruxellois propose la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion du Samusocial. Dans la soirée, le conseil d’administration du Samusocial demande la transformation de l’association en un outil régional. La dissolution du bureau et la démission des administrateurs est également actée ainsi que la suspension des jetons de présence.

– 8 juin 2017: Le rapport des commissaires gouvernementaux sur le Samusocial révèle que Pascale Peraïta et Yvan Mayeur ont perçu deux tiers du budget prévu pour les administrateurs, indique Le Soir. Ceux-ci ont chacun perçu 18.900 euros brut en 2015, soit un total de 37.800 euros sur un budget de 56.000 euros. A la suite de cette nouvelle révélation, Ecolo, le sp.a, le CD&V, le cdH et l’Open Vld appellent à la démission d’Yvan Mayeur du mayorat de la capitale. Le ministre-président Rudi Vervoort lui demande également d’y réfléchir. Dans la journée, Yvan Mayeur et Pascale Peraïta démissionnent de leurs mandats à la tête de la Ville. Le gouvernement bruxellois crée une cellule de crise pour la continuité du Samusocial qui devient un organisme public et régional.

– 20 juin 2017: La commission d’enquête parlementaire est installée, non sans le vote préalable d’une ordonnance donnant à la commission communautaire commune qui en était jusqu’alors dépourvue, la faculté de créer une telle instance. Elle est présidée par l’Open VLD Stefan Cornelis.

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