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L’occupation d’immeubles, fussent-ils abandonnés, punissable d’amendes voire de prison

La Chambre a approuvé jeudi la proposition de loi qui rend pénalement répréhensible l’occupation d’un immeuble sans l’accord du propriétaire. La majorité a soutenu le texte tandis que le PS, le cdH, DéFI et le PTB ont voté contre. Le sp.a s’est abstenu ainsi qu’Ecolo-Groen, à l’exception de deux députés qui ont voté contre.

La Chambre a approuvé jeudi la proposition de loi qui rend pénalement répréhensible l’occupation d’un immeuble sans l’accord du propriétaire. La majorité a soutenu le texte tandis que le PS, le cdH, DéFI et le PTB ont voté contre. Le sp.a s’est abstenu ainsi qu’Ecolo-Groen, à l’exception de deux députés qui ont voté contre.

Jusqu’ici, « squatter » une habitation n’était pas spécifiquement interdit par la loi. Le propriétaire pouvait uniquement demander l’expulsion des squatteurs par le biais d’une procédure civile. Communes et police voyaient leurs possibilités d’intervention limitées.

A la suite d’un incident intervenu au début de l’année à Gand, la majorité a élaboré un texte, non sans mal, le Conseil d’État ayant rendu un avis très critique sur la première mouture. La proposition soutenue par le gouvernement a été remaniée. Elle différencie l’occupation d’immeubles occupés ou non. Les possibilités d’expulsion immédiate par la police et le parquet y sont étendues, notamment aux squatteurs qui séjournent depuis longtemps déjà dans un immeuble réputé habité, et sans nécessité de prouver l’effraction.

L’extension vaudra aussi pour le squat d’un immeuble réputé inhabité, mais l’expulsion nécessiterait dans ce cas une plainte du propriétaire ou du locataire. Ce ne serait qu’après analyse des droits de séjour de chacun – propriétaire, locataire et squatteurs – que le juge de paix pourrait ordonner l’expulsion dans un délai d’un mois. Le juge devra en outre avertir le CPAS pour trouver une solution de relogement pour les squatteurs.

L’opposition a déploré la criminalisation de ce genre de problème, qui aurait très bien pu être résolu par l’amélioration de la seule procédure devant le juge de paix et qui risque selon elle d’allonger encore les délais. La députée Özlem Özen (PS) a dénoncé une nouvelle atteinte au droit au logement d’autant plus choquante à ses yeux que les immeubles vides le sont souvent à l’initiative de spéculateurs. Elle a en outre dénoncé l’inefficacité de telles mesures, soulignée par le président du syndicat national des propriétaires, Olivier Hamal – un ancien député MR -, ainsi que par certains juges de paix. Enfin, elle a mis en garde contre les perspectives d’étouffement de la contestation légitime qui caractérise certaines formes d’occupations.

S’il a appuyé la pénalisation de l’occupation d’un logement habité, au nom du droit du propriétaire ou du locataire, Ecolo-Groen a en revanche fustigé les dispositions pénalisant l’occupation d’immeubles réputés inhabités. Muriel Gerkens a regretté que la majorité parte de deux problématiques différentes pour « créer la confusion et exploiter l’émoi de la population ». Elle a invité le gouvernement à ne pas porter atteinte aux politiques régionales et communales visant à la protection des squatteurs et permettant la négociation de conventions de squat précaires. Enfin, elle a souhaité que le collège des procureurs généraux encourage la coopération locale entre les chefs de corps.

Pour Georges Dallemagne (cdH), la nouvelle procédure sera « plus ardue, plus longue et plus couteuse ». Elle pose de nombreuses questions et « le Conseil d’Etat se demande lui-même si ce dispositif doit être maintenu ».

Olivier Maingain (DéFI) y voit une « usine à gaz » qui en multipliant les procédures pénales et civiles risque de complexifier une situation qui, aujourd’hui, peut parfaitement être appréhendée au niveau local.

« Inutile, inefficacité et disproportionnée », a jugé Marco Van Hees (PTB) qui y voit en outre un moyen d’attaquer le droit syndical aux occupations d’usines.

Dans les rangs de la majorité, Gautier Calomne (MR) a au contraire évoqué un texte qui renforce l’équilibre entre le droit à la propriété privée d’une part et le droit au logement d’autre part. Il a tenu à opérer une distinction entre propriétés privées et propriétés publiques au sujet desquelles le juge de paix pourra prononcer des délais d’occupation plus long. Par ailleurs, tous les logements vides ne le sont pas en raison de la spéculation; ils peuvent l’être à la suite d’héritage, en raison de l’absence de moyens, ou à cause d’une hospitalisation ou d’un voyage de longue durée, a-t-il dit. Enfin, il existe des moyens, fiscaux notamment, permettant aux Régions et communes d’agir, a-t-il rappelé.

Le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), a indiqué que le collège des procureurs généraux rédigera une circulaire. Il a également indiqué que le droit au logement ressortissait généralement à la compétence des Régions. « Je regrette que dans certains cas on viole le droit à la propriété pour se soustraire à ses obligations en matière de droit au logement », a-t-il dit en substance.

L’associatif dénonce une loi inutile qui criminalise la précarité

« Il s’agit d’une réaction disproportionnée », estime Ambroise Thomson, chargé de communication au Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat (RBDH). « Cette loi s’inscrit dans une tendance à la criminalisation de la pauvreté. Une nouvelle fois, on s’attaque aux plus précaires », dénonce-t-il.

Le RBDH fait également remarquer que cette loi fédérale est en contradiction avec les initiatives prises au sein des Régions par lesquelles on essaie d’encourager l’occupation de bâtiments vides.

Le monde associatif souligne l’inutilité de cette nouvelle législation, alors que des recours judiciaires existent déjà pour les propriétaires lésés. Ceux-ci peuvent même se tourner vers le juge des référés pour demander une expulsion exécutable en quelques jours.

« De plus, mêler des procédures civiles et pénales ne nous semble pas opportun », commente Damien Delaunois, chargé de projet à la Fédération bruxelloise de l’Union pour le logement (FeBUL).

L’association estime aussi qu’il s’agit d’un cadeau offert aux promoteurs immobiliers peu scrupuleux. « Rien qu’à Bruxelles, il y a actuellement quelque 30.000 logements vides. Cette loi va uniquement encourager les spéculateurs immobiliers qui laissent leurs bâtiments inoccupés afin de faire grimper les prix. » Une tendance d’autant plus délétère qu’elle s’inscrit dans un contexte où l’accès au logement privé est de plus en plus difficile et que les carences en logements sociaux se font criantes.

La pertinence même du texte est remise en question. Une loi similaire a été adoptée aux Pays-Bas il y a cinq ans, et celle-ci n’a abouti à quasiment aucune condamnation, fait valoir Jean Peeters du Front commun SDF. « On tente de faire peur, alors qu’il n’y a pas de menace criminelle! Des députés nous disent que la loi aura un effet dissuasif, mais les parquets ont d’autres choses à faire! « 

Même le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires (SNPC) n’était pas demandeur de cette mesure. « Il s’agit d’un élément supplémentaire dans l’arsenal juridique, mais ce genre de situation est plutôt rare », explique Olivier Hamal, président du SNPC. « Nous demandons plutôt des mesures contre la grivèlerie locative, quand celle-ci est volontaire et répétitive. »

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