Thierry Denoël

Il faut mettre De Wever en prison !

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Enfermez-le 48 heures. Laissez-le goûter à l’atmosphère carcérale, entendre les détenus, s’imprégner de la réalité pénitentiaire. Et le président de la N-VA reniera à coup sûr le discours de café du commerce qu’il vient de tenir sur les Marocains en prison. A moins qu’il soit raciste…

Le président de la N-VA fait rarement dans la dentelle. Souvenez-vous de « la Belgique est le pays le plus raté du monde » ou des « sphincters politiques du CD&V qui se relâchent ». Cette fois, Bart De Wever s’attaque aux détenus marocains : « Actuellement, près de 1 200 Marocains sont enfermés dans les prisons belges. (…) Je ne suis pas ministre de la Justice, mais j’aurais au moins essayé de construire une prison au Maroc », a-t-il déclaré au magazine Humo.

Les chiffres sont gonflés mais pas très éloignés de la réalité : entre 900 et 1 100 détenus de nationalité marocaine, selon les périodes d’écrou. Bref, environ 10 % de la population carcérale est Marocaine. Rappelons aussi qu’il y a 45 % d’étrangers en prison. Et ce chiffre ne prend pas en compte les détenus belges d’origine étrangère. On atteindrait alors des proportions vertigineuses.
Cela dit, le problème des Marocains en prison ne se résume pas au niveau de criminalité de la population marocaine en Belgique. Les criminologues ont déjà étudié le phénomène. Leur constat : un étranger est plus facilement envoyé en prison qu’un Belge. Autrement dit, pour un même délit et à casier judiciaire égal, un délinquant étranger, surtout s’il est en situation illégale, se retrouve plus facilement en prison qu’un Belge. C’est une donnée empirique.

Précision : le chiffre avancé par De Wever concerne à la fois les détentions préventives et les détentions de condamnés. Or, pour un magistrat, le risque de ne pas voir un prévenu étranger comparaître le poussera à incarcérer plus facilement celui-ci. Les recherches criminologiques montrent également que les juges prennent en compte la situation économique et sociale du suspect. Si ce dernier n’a pas de travail ou une trajectoire professionnelle très difficile, il fera plus vite l’objet d’une peine de prison plutôt qu’une mesure alternative. Ces observations ont notamment été faites par Sonja Snacken, éminente criminologue de la VUB, qui a participé de près à l’élaboration de la réforme carcérale.

Comparaison : aux Etats-Unis, une étude de 2004 (1) montrait que 20 % des Noirs américains nés entre 1965 et 1969 avaient déjà fait de la prison, contre seulement 3 % des Blancs nés durant la même période. Plus leur niveau de scolarité est bas, plus ce taux augmente. Et cela alors que les Noirs ne représentent que 13 % de la population américaine. L’emprisonnement est devenu un événement banal pour cette catégorie de la population…

Bref, la sortie de De Wever sur les prisons est évidemment électoraliste. Il sait qu’il fera mouche auprès des électeurs de base flamands avec ce genre de réflexion. Surtout, à l’heure où, selon les sondages, le Vlaams Belang semble reprendre des voix à la N-VA et où la secrétaire d’Etat à l’Asile et à l’Immigration Maggie De Block (du même parti Open-VLD que la ministre de la Justice, visée par De Wever) fait figure de fusée dans les classements de popularité des politiques flamands.

(1) Becky Pettit et Bruce Western, « Mass imprisonment and the life course: Race and class inequality in U.S. incarceration ».

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