© Image Globe

Françoit Bellot : « le mode de fonctionnement interne de la SNCB doit être simplifié »

Dans le cadre de notre couverture sur « les dossiers noirs de la SNCB », les internautes ont posé leurs questions à l’ancien président de la Commission Buizingen, François Bellot (MR). Deux grands thèmes ont été abordés : les retards des trains et la gestion de l’entreprise.

[Desiro] : Les retards de train ne sont-ils pas dus surtout à des pannes de locos trop vieilles et mal entretenues. Pourquoi renouveler le parc de locomotives prend-il tant de temps?

François Bellot : Les retards ont plusieurs origines : une part importante de ceux-ci est imputable au groupe SNCB, une part ne l’est pas (obstacles sur les voies, vol de cuivre, suicides, etc.)

Mais il est vrai que la vétusté du matériel est responsable de beaucoup de retard. La SNCB a commandé en 2006 du matériel roulant pour 1,4 milliard d’euros. Les premières locomotives Siemens devaient être livrées en 2009. Elles vont seulement arriver et Siemens est aux amendes maximums pour dépassement de délai.

[Jaja] : Face à un service de moins en moins efficace comment justifier la hausse constante des prix ?

Les coûts d’exploitation ne cessent d’augmenter : salaires des 36.000 travailleurs, les coûts de l’énergie, du matériel, etc. Et en comparaison aux tarifs pratiqués en Allemagne et en Suisse, les tarifs de la SNCB sont beaucoup plus bas. La qualité de service aussi.

[Pamela] : Souvent lorsque le train est en retard ou annulé, on se retrouve comme des poissons échoués sur le bord du quai. N’y a-t-il pas moyen de mieux informer en temps réel les voyageurs pour que ces derniers n’aient pas l’impression d’être pris en otage par un service défectueux ?

Le partage incohérent d’un certain nombre de responsabilités explique la confusion qui existe dans l’information lorsqu’il y a des retards. Je pense que toute l’information pour les voyageurs devrait être centralisée à Infrabel. A l’heure des nouvelles technologies, le site internet railtime.be a été mis sur pied, mais l’information qui y parvient n’est pas toujours de bonne qualité.

[PietABL] : Comment justifier que la SNCB soit tombée si bas en termes de ponctualité, après avoir servi d’exemple dans le monde entier ? Quelles sont vos solutions ?

En 1960, la SNCB était citée comme le modèle de société ferroviaire. Est venue la période 1980 avec un fort ralentissement des investissements et en concentrant tous les moyens humains et financiers sur le TGV. L’option était : le trafic intérieur à la route (autoroutes.., voitures..) et les déplacements à grande distance en TGV sauf…Bruxelles Luxembourg et Strasbourg.

Quelles solutions ? Changer la culture de l’entreprise, simplifier le mode de fonctionnement interne (l’organisation est d’une complexité extraordinaire), les responsabilités sont émiettées sur de multiples services qui créent des rivalités, etc.

Et donc le gouvernement fédéral doit s’employer à imposer une mutation vers un organigramme plus simple, des services aux responsabilités plus cohérentes. Individuellement, les travailleurs font leur travail (bien leur travail en général), mais l’organisation de l’entreprise est complètement obsolète et paralysante…

[Coppi] : Le monde politique fait-il vraiment du rail sa priorité ou au contraire favorise-t-il plutôt les automobilistes ?

En termes de moyens financiers, les pouvoirs publics aident beaucoup la SNCB : 3,2 milliards d’euros par an, soit 290 euros par Belge chaque année. C’est gigantesque comme montant. !

[Yvette] : Quelles seraient les conséquences si un jour on privatisait entièrement la SNCB ?

La question n’est pas à l’ordre du jour. Les seuls éléments qui pourraient l’être, c’est l’exploitation de trains de voyageurs et de marchandises comme cela se passe en Allemagne, en Angleterre ou en Italie.

En Angleterre où le service était très mauvais, les lignes sont restées publiques et des compagnies privées louent des lignes pour transporter des voyageurs ou des convois de marchandises en payant l’usage des voies. Ainsi, entre Londres et Glasgow, Virgin fait circuler des trains rapides en grand nombre. Le nombre de voyageurs en train a été multiplié par 2,5 depuis le début de l’exploitation, le nombre de passagers en avions entre les deux villes a chuté, et l’entreprise affiche un bénéfice de 16%!

Pour Virgin, il y a des offres comme Ryanair : il y a des places à 120 euros entre les deux villes comme il y en a à 5 euros, mais depuis l’ouverture de cette liaison rapide, le succès a permis de faire baisser le prix moyen de 6%.

[Bernard] : Afin de réduire les dépenses on commence à évoquer la possibilité de différer des travaux de prestige (gare de Mons ou d’Ostende), peut-on espérer que les circonstances économiques ramènent un peu de raison dans la gestion de l’infrastructure ?

J’ai toujours soutenu et affirmé que le métier de la SNCB était de transporter des gens avec efficacité, sécurité et ponctualité et pas de faire des gares de prestige. Si des villes veulent de belles gares dans le cadre d’une politique urbanistique, ce n’était pas et ce n’est pas à la SNCB à les financer, mais aux villes, aidées par les régions. Si la SNCB avait consacré les 2 milliards d’euros injectés dans quelques gares (Anvers, Liège, Gand, bientôt Mons, Malines, Ostende…) dans des travaux de voies, j’imagine bien que la qualité du service serait bien autre aujourd’hui !

Ne pensez-vous pas qu’une des raisons de ce manque d’organisation et de la mauvaise communication provient de la scission en trois entités? Avec le recul, était-ce vraiment la meilleure solution?

La scission entre trois entités n’est pas la cause essentielle. Elle a créé certes des rivalités, mais le mauvais partage des responsabilités entre services est pire en terme d’efficacité. Exemple concret : dans une gare que je connais particulièrement bien, dans un même bâtiment, on va y aménager 4 ensembles sanitaires. Un pour le personnel SNCB, un pour le personnel Infrabel, un pour les voyageurs et un autre pour les clients de la buvette! C’est surréaliste !

Mais peu importe, pour le voyageur qu’il y ait 3 ou 50 services différents, ce qui importe, c’est la ponctualité, la sécurité, le confort durant le déplacement. Et le citoyen contribuable est en droit d’attendre une qualité de service à la hauteur de sa contribution à ce mode de transport appelé à croître dans les toutes prochaines années.

L’Allemagne et la France viennent de choisir le modèle avec un holding et 5 ou 6 filiales avec des découpages en unités cohérentes… En Belgique, le groupe SNCB compte près de 125 filiales…

[François] Quand on voit qu’à Liège, dans la gare « modèle », il y a en tout et pour tout 4 bancs tout au bout de chaque double quai, et dans le hall une banquette circulaire autour des piliers centraux, c’est se moquer des usagers qui doivent attendre leur train « debout » dans la majorité des cas, et à coup sûr quand un train est en retard. Cerise sur le gâteau, depuis les sièges du hall, il est impossible de voir les panneaux d’affichage et l’heure… Si c’est cela se déclarer « proche des usagers », c’est le flop total….

Du beau, du coûteux, de l’esthétique, du grandiose, mais du manque de confort, du coûteux en terme d’exploitation et des frais de fonctionnements, du toc plutôt que du pratique. Ce sont des choix posés qu’il convient d’assumer dans l’héritage de gestionnaires peu visionnaires et finalement peu respectueux du rôle essentiel de la SNCB qui est d’assurer le transport public de centaines de milliers de voyageurs par jour

[Virginie] : Vous semblez défaitiste. Comment voyez-vous l’avenir du train en Belgique ?

Prometteur. A la condition que des changements forts soient opérés dans les stratégies, les choix d’investissements et surtout des hommes qui seront appelés à la direction de cette entreprise publique pour concrétiser les engagements gouvernementaux à l’égard des usagers du rail.

Le Vif.be

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire