Avant de doubler, on écoute une première fois la séquence dans la langue originale afin de s'imprégner des émotions de l'acteur. © Getty Images/iStockphoto

Dans les coulisses du doublage (2/2) : « courir et sauter font aussi partie du métier » (vidéo)

Stagiaire Le Vif

Invités dans les studios d’Art Sonic, nous avons assisté au doublage d’un épisode de la série allemande « Alerte Cobra » : obscurité totale et fou rire général, telle est l’ambiance quotidienne qui règne sur le plateau de Rosalia Cuevas.

Dans une petite rue d’Evere, pas un bruit ne s’échappe des locaux d’Art Sonic. En passant la porte, vous vous rendrez pourtant compte que les voix se mêlent et les baffles vibrent dans les quelques studios d’enregistrement : Daniel Nicodème et son partenaire Frédéric Méaux doublent aujourd’hui un épisode de la série allemande « Alerte Cobra » (en allemand : Alarm für Cobra).

Cette après-midi, ils sont quatre dans le studio : deux doubleurs (Daniel et Frédéric), une directrice de plateau (Rosalia Cuevas) et un ingénieur son. La pièce est petite et sombre : seules quelques lumières tamisées éclairent le plan de travail de la directrice artistique et de l’ingénieur son. Sur le mur du fond trône un écran géant, où l’épisode sera projeté. Non loin de là, deux rideaux noirs isolent les doubleurs, un micro suspendu au-dessus de leur tête.

De deux à quatre jours de doublage

L’enregistrement d’aujourd’hui prend trois heures, un temps de travail habituel selon Daniel : « Un enregistrement prend plus ou moins trois jours pour un film de 90 minutes. On calcule le texte en lignes. En général, on travaille aux environs de 380-400 lignes par jour. Un film moyen fait aux environs de 1200 lignes. Pour les séries, on va jusqu’à 230 lignes par service de quatre heures. Et puis, tout dépend aussi du nombre de gens, du nombre d’apparitions, du nombre d’ambiances, des foules et toutes les choses comme ça…« 

Un court instant qui ne manque pourtant pas de pimenter la vie des doubleurs, qui travaillent dans la joie et la bonne humeur. Chaque boucle est ponctuée de fous rires, Rosalia n’hésite pas à lancer un commentaire sur l’épisode qu’ils sont en train de doubler. « Alerte Cobra » est une série d’action allemande qui raconte les mésaventures de deux policiers autoroutiers. Cascades en voiture et explosions spectaculaires, les enquêtes du duo amusent fortement l’équipe d’Art Sonic.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

« Dans l’épisode précédent… »

Une fois tout le monde installé, la directrice de plateau Rosalia Cuevas replace le contexte de l’épisode doublé. À la manière des séries traditionnelles, on retrouve dans sa voix un « je ne sais quoi » de ces narrateurs qui nous content les événements passés. Aujourd’hui, Daniel sera la voix française d’Hubert, le beau-père de Sami, l’un des personnages principaux de la série. C’est la première fois qu’il prête sa voix au personnage : un inconnu qui n’a pas l’air de le déranger, bien au contraire. Nouveau rôle, nouvelle expérience, le doubleur aime jongler avec ses doublages.

Lire aussi la première partie de ce reportage : Dans les coulisses du doublage (1/2) : « Nous sommes des acteurs (presque) comme les autres » (Vidéo)

Avant de commencer, Rosalia lance une première fois la séquence de +/- 45 secondes (une boucle) en langue originale pour permettre au doubleur de s’imprégner des émotions et du jeu de l’acteur qu’il doit interpréter. Arrivé directement d’un autre plateau, Daniel n’a pas eu le temps de manger. C’est donc avec une salade de légumes entre les mains qu’il observe la première boucle dans laquelle son personnage apparaît.

On peut l’entendre murmurer doucement le texte qui défile sur la bande synchro, située en bas de l’écran. Daniel reproduit chaque intonation, chaque phrase et chaque onomatopée de son personnage. Une manière pour lui de déjà retenir son texte : le moment venu, il pourra ainsi quitter la synchro des yeux et se concentrer sur Hubert.

Ready ? Action !

Après cette première écoute, tout se déroule plutôt vite : Daniel double son personnage, l’ingénieur enregistre et Rosalia écoute la boucle… Nul besoin de recommencer, la première prise est la bonne ! Ce schéma restera le même tout au long de l’après-midi : les doubleurs écoutent la version originale, enregistrent, corrigent si besoin et passent ensuite à la boucle suivante.

Derrière les rideaux, Daniel tente de reproduire les gestes que son personnage fait à l’écran, histoire de rentrer un peu plus dans son rôle et reproduire ainsi les bonnes intonations. Il n’est donc pas surprenant de le voir courir sur place, sauter ou faire de grands mouvements de bras dans l’air.

Lors du doublage, le son de l’épisode est coupé : Daniel et Frédéric peuvent ainsi parler sans être distraits et cela permet en même temps à l’ingénieur son de récupérer l’enregistrement de la voix des doubleurs sans avoir de bruits parasites.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Écriture manuscrite des textes sur la synchro

Sur la bande synchro, les noms des personnages sont inscrits dans une certaine couleur. Même les textes ont une caractéristique particulière : ils ont l’air d’avoir été écrits à la main. « Quand on est passé de l’analogique au numérique, c’était écrit avec une typographie d’ordinateur, un peu machine, et tous les comédiens étaient perdus. Il n’y avait rien de vivant. C’est l’écriture un peu manuscrite qui donne quelque chose de plus vivant au texte« , explique le doubleur Frédéric Méaux.

Interrogé sur la lisibilité des textes, Frédéric considère que l’écriture manuscrite est plus abordable que n’importe quelle autre typographie : « C’est plutôt l’expérience informatisée qui était très compliquée. Cela avait un côté très linéaire« . Un manque de naturel qui a finalement convaincu les adaptateurs de revenir à l’écriture manuscrite.

S’adapter fait aussi partie du travail

Même si Daniel et Frédéric ont de l’expérience dans le milieu, ils ne sont pas à l’abri de quelques petites erreurs. Oublis de phrase, cafouillages et autres bugs oraux, Daniel lance des « fu** » à tout bout de champ comme preuve de son mécontentement. Fou rire général.

Il n’est pas pour autant obligatoire de recommencer l’enregistrement. Dans certains cas, des corrections manuelles peuvent être faites sur la piste sonore. Ainsi, dans le cas d’une erreur de timing, si Daniel ou Frédéric parlent trop tôt ou trop tard, l’ingénieur son peut avancer ou reculer l’extrait afin qu’il corresponde au mouvement de bouche de l’acteur.

Parfois, l’erreur vient simplement de l’adaptateur. Un mot de trop ou une phrase qui semble étrange, Rosalia apporte quelques changements dans le texte pendant le doublage. Il faut que les mots employés correspondent aux labiales (mouvements de bouche liés aux lettres b, p et m). S’adapter au dernier moment fait aussi partie du travail.

Malgré les difficultés rencontrées, Daniel n’a pourtant jamais refusé un seul rôle : « Ça m’est déjà arrivé de me dire : il y a eu erreur, ce n’était pas pour moi, mais tant pis, je vais faire du mieux que je peux« . Et comme le dirait Spiderman : « un grand pouvoir entraîne de grandes responsabilités ».

Chavagne Mailys

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire