Gérald Papy

Copé-Fillon ou le retour de « la droite la plus bête du monde »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Même avec des arguments pertinents, François Fillon risque d’apparaître comme le fossoyeur du parti en contestant l’élection de Jean-François Copé. Sarkozy-le-recours ne peut même pas se réjouir : l’UMP vit une crise profonde.

Après la proclamation des résultats au terme d’une nuit et d’une journée agitées lundi, on croyait que l’apaisement, à défaut de la pacification, allait prévaloir autour de Jean-François Copé, le nouveau président de l’UMP, l’Union pour un mouvement populaire, la principale formation de la droite française. C’était sans compter sur la conviction du perdant, l’ancien Premier ministre François Fillon, d’avoir été floué d’une victoire par un appareil de parti noyauté par son secrétaire général sortant Jean-François Copé.

En rallumant la flamme de la contestation des résultats du scrutin, le clan Fillon a pris le risque de provoquer une fracture irrémédiable au sein du parti et d’exposer à nouveau sa famille politique au quolibet de « la droite la plus bête du monde » inauguré en 1956 par le socialiste Guy Mollet.

Et pourtant, l’accusation soulevée mercredi ne manque pas de pertinence. La Commission d’organisation et de contrôle des opérations électorales (Cocoe) n’a pas démenti que les bulletins de vote de trois départements d’outre-mer, la Nouvelle-Calédonie, Mayotte, et Wallis et Futuna, avaient été « oubliés » dans le décompte final. Leur prise en compte inverserait le résultat, donnant à François Fillon une victoire encore plus étriquée (26 voix) que celle attribuée officiellement lundi soir à Jean-François Copé (98 voix). Mais, dans le même temps, Jean-François Copé, en tant que gardien des statuts du parti, a beau jeu d’exhorter son adversaire à suivre la procédure : déposer une réclamation devant la commission des recours. Le hic, c’est que François Fillon n’a pas confiance en une instance qui est présidée par un soutien de Jean-François Copé. Chouette ambiance dans un climat de suspicion rarement observé dans un parti démocratique en Europe.

Dans une fuite en avant qui surprend de la part d’un responsable politique habituellement connu pour sa mesure, l’ancien Premier ministre français a donc annoncé ne plus briguer la présidence, en a appelé à une direction collégiale sous la houlette du vieux sage Alain Juppé et surtout, a menacé d’un recours devant la justice civile s’il n’est pas attendu. Une démarche qui achèverait d’étaler les dissensions de l’Union pour un mouvement populaire.

Résultat : même s’il a le droit avec lui, François Fillon égratigne son image, y compris pour le futur et l’échéance présidentielle de 2017, en apparaissant comme le fossoyeur du parti. Jean-François Copé sort de la confrontation au mieux comme un leader incapable d’organiser un banal scrutin de manière fiable, au pire comme un magouilleur ayant tenté d’en fausser le résultat. Enfin, l’UMP apparait divisée comme jamais. Car au-delà de la bataille des chiffres et des ego, transparaît au grand jour une formation écartelée entre une « droite décomplexée » et radicale, version Copé, et une « droite sociale » qui se cherche, version Fillon. Et même l’hypothèse qu’un Nicolas Sarkozy, s’il sort indemne de ses ennuis judiciaires, émerge demain comme LE recours, n’arrive pas à convaincre que l’UMP pourra rapidement effacer les cicatrices de cette crise.

Ce lamentable spectacle profitera en premier lieu au Front national de Marine Le Pen, qui voit conforté son discours qui le positionne comme une alternative à la droite classique. Il n’est même pas sûr qu’il bénéficie au Parti socialiste qui, jusqu’au sommet de l’Etat sur la question du mariage homosexuel, multiplie les couacs de communication révélateurs d’indécision et de divisions.

En attendant, les Français inquiets de la baisse de leur pouvoir d’achat ou de la perte du triple A doivent se demander s’ils ont bien les hommes politiques qu’ils méritent.

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