Thierry Fiorilli

Albert II, le joker menteur

Thierry Fiorilli Journaliste

Le lundi : 806 900 téléspectateurs francophones et 855 500 flamands. Le lendemain : 733 000 et 766 000. Pas mal pour un retraité. Pas mal pour ce qui restera un joli coup médiatique mais un entretien sans consistance. Pas mal pour celui qui, durant vingt ans, fut le symbole de quelque chose qui ne serait plus que… symbolique.

La fonction royale, en Belgique. Un titre « purement honorifique », des faits et gestes corsetés par le protocole, contrôlés par le Parlement et téléguidés par les chefs de gouvernement successifs.

L’entretien, en deux parties, qu’Albert II a concédé à Pascal Vrebos, début du mois, s’est donc révélé un authentique événement médiatique. Sans la Coupe du monde et l’engouement collectif pour les Diables, celui qui a décidé, il y a un an tout juste, d’abdiquer aurait battu tous les records d’audience de cette année.
On doit donc en déduire, une fois de plus, que la monarchie fait recette (on parle ici en termes d’intérêt manifesté par les citoyens belges), qu’elle ait un message à délivrer ou non, et malgré les commentaires fréquents et nombreux prétendant que ce sujet n’est prisé que des seuls médias. Ceux-ci, conclut-on généralement, feraient d’ailleurs bien de « laisser en paix la famille royale ».

Fort bien. Mais comment réagir dès lors que c’est cette même famille qui multiplie les sollicitations faites à la presse ? Parce que le couple régnant visite ceci, parce qu’il assiste au match là-bas, parce qu’il y a une mission officielle, parce qu’il y a une naissance, un mariage, une hospitalisation… Parce qu’il y a des communiqués de presse, portant sur des relations privées. Parce qu’il y a des récriminations publiques du fils par rapport aux initiatives du père, ou de la mère.

Depuis vingt ans, bientôt vingt-et-un pour être précis, la volonté est manifeste, de la part du Palais et des autorités politiques, de sortir la monarchie belge de sa tour d’ivoire. De la rapprocher de la population, de lui accoler une image plus avenante, plus humaine, plus « normale ». Depuis l’avènement d’Albert II, en somme. On nous l’a ainsi présenté comme le « Roi qui ne voulait pas l’être », celui qui n’assurait qu’une transition, une personnalité humble, bonhomme, bienveillante, avide des bonheurs simples, irritée par l’intransigeance des autres, désolée des bras de fer interminables, inquiète de mesurer l’obstination cultivée par certains à empêcher ententes, accords et pacifications.

Or, en un an de post-règne, le même homme a mis comme un point d’honneur à démontrer qu’il agit de façon diamétralement opposée. Faisant fi de toutes les procédures, il a revendiqué une augmentation de ses allocations. Il a communiqué comme, quand et où bon lui semblait, en dépit des consignes de son fils aîné, qui lui a succédé sur le trône. Il n’a pas volé au chevet de son fils cadet. Dès lors, dans le contexte de méfiance qui entoure Philippe, depuis des années et autour de ses capacités à incarner sa fonction royale, Albert II n’apparaît pas comme celui qui tente tout pour saboter la tâche de son fils mais bien comme celui qui n’essaie en rien de la lui faciliter.
On était en droit d’attendre plus et mieux de celui que, depuis août 1993, presque tous les Premiers ministres belges ont utilisé comme joker, officiellement dans l’intérêt du pays et de sa population. Et ce n’est pas la vaste opération de com’, visant à redorer un blason si rapidement terni, qui y changera quoi que ce soit.

de Thierry Fiorilli

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