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A Namur, Rudy Demotte exige l’Europe sociale

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

A l’occasion d’un débat jeudi soir, le ministre-président wallon a demandé qu’après deux décennies de convergence budgétaire, l’Union européenne mette en oeuvre une convergence fiscale et sociale. Une position en pointe, qui ne fait pas l’unanimité parmi les socialistes.

Le débat était programmé de longue date. Mais l’annonce, en début de journée, d’une terrible restructuration dans l’une des entreprises phares de Wallonie lui a conféré une portée dramatique et symbolique imprévue. Plus de 1 400 emplois supprimés chez Caterpillar, à Charleroi, et voilà une fois de plus l’Europe pointée du doigt. De quoi donner du grain à moudre à Guy Verhofstadt, chef du groupe libéral au Parlement européen, et à Rudy Demotte, ministre-président wallon, les deux orateurs d’un débat organisé aux Facultés de Namur. Thème de la soirée : Faut-il une révolution en Europe ? Assurément, ont répondu les deux intervenants, en choeur.

La déclaration la plus inattendue, en fin de compte, est venue de Rudy Demotte. C’est une vraie petite bombinette que le ministre-président wallon a lancée. « Les critères européens de convergence et de stabilité budgétaires, c’est une logique qu’il faudra aussi appliquer au niveau fiscal, mais également – comme socialiste, c’est une audace de le dire – au niveau social », a déclaré le ministre-président wallon.

« L’impôt sur les personnes physiques et l’impôt sur les personnes morales doivent suivre le même chemin, celui de la convergence européenne. Je pense qu’il faudra aussi, très vite, une harmonisation des cotisations sociales, dans certaines limites. Aujourd’hui, c’est l’anarchie. Ce n’est qu’en sortant de cette anarchie qu’on pourra assainir les finances publiques. »

Plus tard dans le débat, Rudy Demotte a précisé sa pensée. « Il y a aujourd’hui une grande dose de sournoiserie en politique. La sournoiserie, c’est proposer une idée, et s’opposer en pratique à sa réalisation. Quand j’étais ministre fédéral des Affaires sociales, les pays scandinaves s’opposaient à une harmonisation sociale. Ils continuent de s’y opposer aujourd’hui encore, en disant : comme la plupart des Etats européens ont un niveau de protection sociale plus bas que le nôtre, ils vont nous entraîner vers le bas. Ce raisonnement, je peux le comprendre en partie. Mais je ne peux pas le suivre jusqu’au bout. »

En prenant ostensiblement le contre-pied des pays scandinaves (souvent sur la même longueur d’onde, dans les débats européens, que les pays les plus socialement avancés, comme la Belgique), Rudy Demotte a défendu une position qui n’a rien d’évident dans la bouche d’un leader du Parti socialiste. La gauche, en Belgique comme en France, reste très sceptique par rapport à la perspective d’une harmonisation européenne qui mettrait sous pression certains acquis sociaux, sanctifiés au niveau national.

Le bourgmestre de Tournai a pourtant insisté : seule cette voie-là, couplée à une véritable politique industrielle européenne, sera à même de protéger les travailleurs.

« Je suis, homme de gauche, attaché à la rigueur budgétaire », a encore déclaré Rudy Demotte, peaufinant par là son image de social-démocrate gestionnaire et modéré. « Dépenser l’argent public, on ne le fait qu’une fois, et c’est sur le dos des citoyens. Il faut donc être très soucieux de l’argent public. »

Il n’y avait, dans l’auditoire Pedro Arrupe, aucun travailleur de Caterpillar. Pas certain, de toute façon, que les métallurgistes carolos avaient la tête à ça.

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