Christine Laurent

2012 : annus mirabilis

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Pour les esprits chagrins, il sent déjà le sapin. L’euro serait en effet moribond, tout prêt à basculer dans son cercueil. Et les mêmes de se réjouir d’une débâcle annoncée, du chaos prévisible.

L’euro, bouc émissaire pour justifier toutes les dérives : le nationalisme, l’euroscepticisme, le repli communautaire, rien ne nous est épargné. C’est bien connu, le populisme gigote dans les cauchemars de la crise qui nourrit la radicalité et la peur. Pour ses économies, son avenir. Un regard de myope, de borgne, d’aveugle proche de l’obscurantisme.

Et les chevaliers blancs de pointer leur nez. De brandir toute la panoplie pour « sauver » la monnaie unique, bien sûr, et nous tous dans la foulée. Le décor est planté, place à la théâtralisation pour faire monter d’un cran, voire de plusieurs, les tensions autour des sempiternels sommets de Bruxelles. En scène, les « courageux » chefs d’Etat et ministres des Finances des 17 pour des négociations jusqu’au bout de la nuit de préférence, histoire de dramatiser la situation davantage encore ! Clou du spectacle, les incontournables conférences de presse du couple Merkel-Sarkozy, les yeux tirés, la mine grave, et les bisous ambigus. Un scénario usé pour spectateurs fatigués.

Oui, 2011 fut une année horribilis pour l’Europe. Mais pour mieux laisser la place à 2012, l’année mirabilis. Si le Vieux Continent a touché le fond, les fédéralistes, eux, ont osé donner de la voix. Même la redoutable agence de notation Standard & Poor’s leur a fourni un coup de main. Avec son avertissement aux pays notés AAA, c’est le manque d’union entre les 17 qu’elle a judicieusement pointé. Que veut-on à la fin ? Les Nations unies d’Europe, au risque de disparaître et de s’appauvrir à terme, ou bien les Etats-Unis d’Europe, qui seuls peuvent apporter des réponses au tsunami financier et économique qui nous submerge ? Le monde globalisé entre par portes et fenêtres. Tant mieux, il permet de favoriser les échanges et de créer de la richesse. Il peut porter notre croissance, pour autant que nous épousions ses courants, une fois franchi le pas décisif d’une meilleure intégration fiscale, économique, politique et financière.

Mission impossible ? Non. Difficile ? Sans aucun doute. Elle exige, une fois de plus, de la volonté et du courage de la part de nos dirigeants. Ce qu’on leur demande ? De cesser de courir après l’électeur, et de développer une vision. Et dans ce contexte, comme l’a souligné Guy Verhofstadt dans l’édition du Vif/L’Express du 23 décembre dernier, la Belgique a bel et bien un rôle à jouer en fédérant des pays comme la Pologne, l’Italie, la Finlande, les Pays-Bas et le Luxembourg. Un véritable contre-pouvoir au duo Merkozy. Un chemin passionnant pour accrocher définitivement son avenir aux étoiles de l’euro, tourner le dos aux égoïsmes, retrouver le sens du collectif et de la solidarité.

« C’est l’esprit de discorde et non celui de la concorde qui a fourni chez tous les peuples les énergies les plus passionnées. […] Seuls les idéaux qui ne se sont point réalisés, et qui, ainsi, sont restés purs, continuent de fournir à chaque génération un élément de progrès moral, ceux-là seuls sont éternels », écrivait, en 1935, Stefan Zweig dans son remarquable portrait d’Erasme. 1935 : l’entre-deux-guerres hanté par le souvenir douloureux du conflit de 1914-1918 et la menace hitlérienne qui planait, alors, sur l’Europe. La réflexion de Zweig se voulait une méditation sur l’humanisme. Un livre de chevet pour les douze mois à venir.

CHRISTINE LAURENT

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