Le passage à Windows 11 n’est pas possible pour certains ordinateurs, mais rester sur la version 10 va présenter certains risques, notamment en termes de sécurité. © NurPhoto via Getty Images

Un ordinateur sur 2 concerné: Windows 10 va bientôt disparaître, et c’est un vrai problème

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Windows 10 s’apprête à tirer sa révérence, Microsoft n’ayant plus prévu de mettre à jour cette version du système d’exploitation au-delà du 14 octobre 2025. Le passage à Windows 11 risque de coincer pour une partie des utilisateurs, leur matériel ne pouvant recevoir cette dernière version. Comme une odeur d’obsolescence programmée?

Microsoft jette un dernier regard sur Windows 10, mais va bientôt tirer le rideau. Le 14 octobre 2025, le système d’exploitation (OS) aura dix ans et ne bénéficiera plus de mises à jour. A partir de cette date, il sera toujours possible d’utiliser un ordinateur tournant sur cette version, mais en prenant davantage de risques, puisque toutes les nouvelles brèches de sécurité découvertes ne seront plus comblées.

En Belgique, un ordinateur sur deux utilisant Windows tourne sur la version 11, la plus récente, selon Statcounter, site web agrégeant ces statistiques. Dit autrement, la moitié des appareils utilisent donc encore une version plus ancienne. Il s’agit majoritairement de la version 10 (47%) mais aussi d’autres vieux OS comme Windows 7 ou l’antique Windows XP, qui apparaît sporadiquement (moins de 0,1%). Le site spécialisé précise que la part de marché de Windows 11 n’est passée devant celle du 10 que depuis le mois de février cette année, en Belgique. Au niveau mondial, la donne est différente, avec la prédominance de la version 10 (54%) sur la 11 (43%).

La firme de Redmond permet la mise à niveau depuis une ancienne version vers Windows 11 gratuitement, si l’ordinateur remplit une série de caractéristiques techniques. Certains utilisateurs font donc peut-être le choix volontaire d’attendre avant de mettre à jour, d’autres sont peut-être tout simplement dans l’incapacité de le faire.

Critères restrictifs pour passer à Windows 11

L’annonce de la dernière version de l’OS a en effet causé la polémique, à cause des exigences matérielles pour pouvoir en profiter. Au cœur du problème, l’obligation de posséder une puce dite TPM 2.0, dédiée à la sécurisation et au chiffrement d’informations sensibles. Certains ordinateurs vendus avant 2017 en sont dépourvus et la mise à niveau vers Windows 11 leur est impossible.

«C’est une demande matérielle planifiée de longue date. Le TPM permet une sécurisation accrue d’éléments sensibles. C’est le cas des données biométriques, par exemple, qui sont de plus en plus utilisées. Windows permet d’identifier un utilisateur grâce à son visage ou aux empreintes digitales, et la puce permet d’avoir une enclave sécurisée qui contient ce genre d’informations, qui n’en sortent plus. Il s’agit donc d’une sécurisation avec du matériel plutôt qu’avec une solution logicielle. Cette dernière crypte les informations dans un fichier, mais la sécurité est plus faible, cela finit toujours par être piraté un jour», explique Jean-Michel Dricot, professeur en cybersécurité à l’ULiège.

«Travailler sur une version qui n’est plus mise à jour, c’est s’exposer à des dangers qui ne vont faire que grandir.»

Jean-Michel Dricot

professeur en cybersécurité à l’ULiège

Au-delà du débat sur la nécessité de cette puce, rester sur Windows 10 présente surtout un risque évident de sécurité, selon lui. «Travailler sur une version qui n’est plus mise à jour, c’est s’exposer à des dangers qui ne vont faire que grandir. Des failles de sécurité, on en trouve toutes les semaines, presque tous les jours. Avec la connexion à Internet de pratiquement tous les appareils, cela devient une nécessité de pouvoir faire des mises à jour de sécurité régulièrement.»

Un gaspillage de ressources

Dans un communiqué, Testachats dévoile que 18% des utilisateurs sondés possèdent encore un ordinateur datant de 2017 ou plus ancien, qui ne peuvent donc techniquement pas passer à Windows 11, faute de puce TPM. Ceux-là sont donc en première ligne des soucis de sécurité qui s’annoncent, à moins de changer d’ordinateur.

«Il s’agit d’une forme d’obsolescence programmée, déplore Julie Frère, porte-parole de l’association de consommateurs. Microsoft oblige de nombreux utilisateurs pourtant satisfaits de leur appareil à en acheter un nouveau. L’entreprise pourrait parfaitement offrir un support pour quelques années supplémentaires, d’autant plus que Windows 10 et Windows 11 sont très similaires. De cette manière, Microsoft contribuerait à réduire une montagne de déchets électroniques inutiles.»

«Sans minimiser les questions légitimes de sécurité et la quantité de cyberattaques aujourd’hui, la démarche de Microsoft est dommageable car elle contraint totalement l’utilisateur. On ne lui donne pas la main pour décider du risque qu’il est prêt à prendre en fonction de son utilisation. Un pensionné avec une faible utilisation de son ordinateur a-t-il besoin d’une sécurisation blindée de la sorte, avec une puce dédiée? Microsoft dit que oui et décide unilatéralement de jeter des centaines de milliers de machines à la poubelle», regrette Olivier Vergeynst, directeur de l’Institut belge du numérique responsable (ISIT-BE).

Coup d’arrêt pour le reconditionné

Le problème de cette demande technique repose aussi sur l’impossibilité de revaloriser le matériel. Si la puce est absente, l’ordinateur est jugé obsolète avant même d’être démonté, tuant notamment tout le marché du reconditionnement. Un secteur pourtant porteur, qui crée de l’activité, permet de garder la richesse au sein du pays et de remettre certaines personnes à l’emploi.

«Lorsqu’une entreprise changeait son parc informatique, le matériel pouvait parfois servir ailleurs, après reconditionnement. Ici, ils vont remplacer sans pouvoir les donner, à des écoles par exemple, puisque que ces dernières n’auront pas la possibilité de faire des mises à jour. Alors que l’ordinateur pourrait très bien fonctionner dans un autre environnement, avec un risque tout à fait limité et acceptable, ici on ne le permet pas», poursuit le responsable de l’asbl ISIT-BE.

«Difficile malgré tout de parler d’obsolescence programmée, nuance Jean-Michel Dricot. Microsoft vend des ordinateurs, mais le matériel ce n’est pas le cœur de son business. Le remplacement de machines intéresse peut-être d’autres sociétés, mais la question centrale reste la sécurité. Les mots de passe, plus personne n’en veut, ça fait 15 à 20 ans qu’il est question de s’en débarrasser. On a essayé de les rendre plus complexes pour mieux les sécuriser, mais tout le monde se retrouve à ajouter le chiffre 1 et un point d’exclamation au bout de son mot de passe habituel. Pour chercher à faciliter la vie de l’utilisateur sur la sécurité, il faut des solutions à la fois robustes et simples. L’obligation de la puce TPM est une des réponses apportées

Parmi les solutions de repli, outre le remplacement de la machine, Microsoft permet de payer pour étendre le support d’une année, une réalité plutôt à destination des entreprises. Une autre solution existe, Microsoft permettant de contourner l’obligation de la puce TPM. «Une solution peu pérenne, les mises à jour de Windows 11 étant bloquées par la suite. Il reste aussi le passage à Linux, un autre OS, mais qui demande quelques connaissances pour savoir comment l’installer et ne pas perdre ses données», complète Olivier Vergeynst.

Autant d’éléments qui rappellent que lorsque Microsoft décide qu’un système d’exploitation arrive en fin de vie, ce n’est pas seulement un logiciel qui disparaît, mais tout un environnement de travail qui doit être repensé, avec les coûts économiques et environnementaux que cela implique. Une occasion peut-être aussi de s’interroger sur la dépendance au géant américain et de remettre en lumière les enjeux cruciaux autour de la souveraineté numérique, en Belgique mais également en Europe.

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