cacao laboratoire
Une start-up américaine affirme avoir réussi à percer le secret du chocolat noir pour le reproduire en laboratoire. © Getty Images

Flambée du prix du cacao: et si le chocolat de laboratoire était la solution?

Comment compenser la pénurie de fèves de cacao? Avec des fèves cultivées en laboratoire! Une voie plus simple et politiquement moins sensible que celle de la viande de culture.

La première moitié du nom scientifique du cacaoyer, un arbre diaboliquement capricieux, signifie «nourriture des dieux». Lorsque Theobroma cacao fut baptisé en 1753 par le naturaliste suédois Carl von Linné, les Européens fortunés en adoraient déjà les graines. Tout comme, avant eux, les Mayas. Trois siècles plus tard, la demande de cacao, ingrédient de base du chocolat, continue d’atteindre des sommets, inédits. L’offre ne parvient pas à suivre.

La combinaison, funeste, de maladies, du changement climatique et de mauvaises pratiques agricoles en Côte d’Ivoire et au Ghana –où sont cultivés environ 70% de la production mondiale de cacao– a conduit à une grave pénurie. En décembre dernier, le prix a atteint un record: plus de 12.000 dollars la tonne. Bien qu’il ait reflué à 8.000 dollars en août, c’est trois fois plus qu’il y a trois ans. Pour survivre, les confiseurs ont relevé les leurs, et même lancé des gourmandises chocolatées sans cacao, à base, notamment, de graines de tournesol torréfiées et fermentées. D’autres travaillent à des solutions plus innovantes…

Barry Callebaut dans le coup

Plus enthousiasmant, selon Darren O’Brien, Chief Corporate & Government Affairs Officer chez Mondelez, le géant américain des biscuits et du chocolat: le véritable cacao cultivé en laboratoire ou «cultivé» à partir de cellules végétales. La multinationale a investi dans Celleste Bio, une start‑up spécialisée dans l’extraction de beurre de cacao (la partie grasse de la fève qui confère au chocolat sa texture agréable) à partir de cacao cultivé en laboratoire.

Des recherches qui intéressent d’autres entreprises du secteur. Ainsi, en juillet, le belgo-suisse Barry Callebaut a conclu un partenariat avec la Zurich University of Applied Sciences pour développer des technologies de culture cellulaire appliquées au cacao.

Meiji, un confiseur japonais, soutient, quant à lui, California Cultured, une start‑up américaine qui met au point du cacao cultivé en laboratoire pour une utilisation dans des confiseries, des boissons et des glaces. Alan Perlstein, fondateur et CEO de la start‑up, affirme fièrement qu’il a «craqué» le code du chocolat noir, plus ardu car il contient moins d’agents de charge. L’entreprise construit désormais une grande usine de démonstration et se prépare à entamer la procédure d’agrément auprès des autorités de régulation.

Le cacao cultivé en laboratoire sera un complément au cacao naturel, mais il ne le remplacera pas.

Une mission de sauvetage?

Jouer à l’apprenti sorcier comporte toutefois des risques. En 2021, les investisseurs ont injecté près de 1,4 milliard de dollars dans la viande et le poisson de laboratoire, en partie sous l’effet d’arguments environnementaux et éthiques. Mais la technologie n’est pas encore prête pour le marché de masse. Elle s’est aussi trouvée prise dans la guerre culturelle américaine, certains Etats républicains ayant préventivement interdit cette technique. Selon le think tank Good Food Institute, en faveur des viandes alternatives, les entreprises produisant de la viande cultivée n’ont levé que 139 millions de dollars en 2024.

La culture de cellules végétales comme celles du cacao est moins coûteuse et plus aisée que celle de tissus animaux, estime David Welch, de Synthesis Capital, qui investit dans les technologies alimentaires. Parce qu’il s’agit d’un ingrédient et non d’un produit fini, elle devrait probablement aussi susciter moins d’opposition politique. A présent que de grands groupes soutiennent le secteur, la technologie appliquée à d’autres cellules végétales cultivées, comme le café, «pourrait, elle aussi, prendre son essor», ajoute David Welch.

Jusqu’à présent, aucune de ces start‑up n’a obtenu l’agrément des autorités de régulation. La plupart s’attendent à être viables commercialement d’ici à quelques années, plutôt que dans quelques mois. Les grands chocolatiers estiment que le cacao cultivé en laboratoire sera un complément au cacao naturel, mais il ne le remplacera pas. Pourtant, les entreprises concernées pourraient contribuer à sauver l’industrie de la culture cellulaire –et peut‑être aussi les accros au chocolat de demain.

(The Economist)

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