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Mars: la croisière radioactive du robot Curiosity

Samedi après-midi, la Nasa a lancé son robot d’exploration vers la planète Mars qu’il atteindra en août. Un voyage sous haute surveillance en raison du combustible employé: du plutonium 238.

Cinq fois plus costaud que ces petits cousins, Spirit et Opportunity, plus sophistiqué qu’eux avec son arsenal d’instruments et d’applications technologiques (dont deux made in France), le robot Curiosity, parti pour Mars ce samedi à 15h02 GMT, a tout pour crever l’écran. La Nasa le qualifie de « groundbreaking », de révolutionnaire.

Mais il est aussi sous haute surveillance. En ligne de mire, le plutonium 238, le combustible qui doit permettre à la mission Mars Science Laboratory d’opérer le temps d’une année martienne – soit deux années terrestres. Depuis 50 ans, le plutonium est le carburant de toutes les missions robotisées de la Nasa – qu’il s’agisse, à la fin des années 1970, de Voyager s’élançant vers Saturne et Jupiter ou, plus récemment, des sondes Galileo, Cassini, voire de la mission New Horizon à destination de Pluton. Sans carburant, point d’avancée en matière d’exploration spatiale. Conséquence: pour explorer la planète rouge, Curiosity en embarque près de 4 kilos au sein d’un générateur de radio isotopes. Le tout avec un luxe de précautions.

Pour le cas, improbable, d’une explosion après le décollage, la NASA a prévu des conteneurs de plutonium avec des boucliers protecteurs renforcés par rapport aux expéditions précédentes. Reste que l’association Robin des Bois se veut méfiante, craignant que, « s’il était vaporisé et inhalé, le plutonium ait des effets cancérogènes à très faible dose. »

Autre inquiétude: une pollution… martienne. « Après 23 mois d’activités, Curiosity deviendra un véhicule abandonné sur le sol de Mars avec tout un tas de déchets de laboratoire et ses kilos de plutonium », suggère l’association. Et de préciser ses calculs: sachant que la demi-vie du plutonium est de 87,7 ans. 264 ans après sa production, il dégage encore 12,5 % de sa radioactivité initiale. Conclusion: « Si dans le siècle à venir Mars fait l’objet d’une colonisation expérimentale, les pionniers risqueront d’être exposés à une contamination radioactive d’origine humaine ». Ce pourrait ne pas être la seule – notamment en cas d’accident après lancement. Mais là aussi la Nasa se veut rassurante. Elle a d’ailleurs déployé toute une instrumentation de contrôle permettant de réaliser des analyses atmosphériques et affirme que, si nécessaire, elle demanderait aux populations exposées de se mettre à l’abri dans des locaux fermés. Rassurant?

Robin des Bois rappelle qu’en 1964, un satellite-espion américain contenant 1 kilo de plutonium s’était désintégré accidentellement à 50 km d’altitude et que ses poussières de plutonium avaient contaminé l’atmosphère terrestre. Idem en 1968 pour un satellite météorologique américain s’étant abîmé dans l’océan Pacifique.

Faut-il alors se passer de plutonium? L’affaire tient du casse-tête. Les États-Unis n’en produisent plus depuis la fin des années 1980 et les réserves, tenues secrètes, seraient maigres. Outre-Atlantique, certains scientifiques estiment qu’elles sont juste suffisantes pour mener une dernière mission d’envergure. La Nasa se veut plus confiante estimant que ses stocks lui permettent de tenir jusqu’en 2020.

Reste qu’en 2009 un rapport du National Research Council recommandait que les États-Unis relancent la production du combustible – une opération estimée entre 50 et 75 millions de dollars…

Richard De Vendeuil

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