De quelques dizaines à plusieurs centaines d’euros par mois: promener des chiens n’est plus seulement une passion, mais un revenu d’appoint séduisant. En ville, les plateformes de mise en relation transforment ce hobby en véritable business.
L’interface ressemble étonnamment à celle de Booking ou Airbnb. En tant qu’utilisateur, il suffit de mentionner un lieu (la ville la plus proche), une date (ou plusieurs) et d’indiquer la raison de la recherche: un hébergement, une garderie, une promenade, du gardiennage de maison ou des visites à domicile. Le moteur de recherche lancé, la plateforme propose alors une série de profils, divers et variés, de «gardiens de confiance». Ces derniers fixent un tarif (par exemple, 15 euros pour une promenade), leur lieu d’activité, et s’ils ont déjà été actifs, un nombre d’étoiles donnant une idée de la qualité de leur service, à l’instar de Tripadvisor ou d’Uber.
Promeneurs de chiens, un hobby lucratif
Noëlle, Bruxelloise de 27 ans, fait partie de ces plus de 1.000 dog ou cat sitters inscrits sur Pawshake en Belgique, une application qui met en relation les propriétaires d’animaux avec des pet sitters près de chez eux. Sa spécialité: la promenade de chiens. Inscrite fin 2023, elle emmène Utoo, Neve ou encore Moon pour des promenades d’une heure quasi quotidiennes. «J’avais eu une très bonne expérience en 2021 où j’avais gardé un chien à domicile pendant plusieurs jours et c’est de là que m’est venue l’envie. En plus, étant à mi-temps, le dog walking était une chouette manière de bouger et de prendre l’air, tout en étant payée!». Cette activité complémentaire lui permet d’arrondir ses fins de mois: «Ça peut me rapporter parfois entre 100 et 200 euros par mois. C’est un hobby très lucratif.»
Avec des promenades à 15 euros pour une heure, ces maîtres qui se laissent séduire par des plateformes comme Pawshake, ou son concurrent Holidog.com, sont prêts à dépenser des sommes parfois conséquentes pour que leurs toutous profitent d’une balade au grand air. Ludovic, 40 ans, confie à Noëlle son labrador de 4 ans, Utoo (à prononcer U2), environ deux fois par semaine: «J’ai complètement confiance en elle. Elle emmène Utoo à la forêt de Soignes avec sa chienne, Sacha. Ce sont des petits plus qu’on peut se permettre lorsqu’on a les moyens et qu’on n’a pas le temps», avoue-t-il. Ce père de quatre enfants dépense en moyenne 100 euros par mois via l’application. «On est souvent pris par la famille et par le travail. L’idée de faire appel à ces services est venue du besoin de s’offrir des journées avec plus de flexibilité.» Inscrit depuis deux ans, Ludovic a aujourd’hui recours aux services de Noëlle ainsi que d’autres «gardiens de confiance».
«Confiance», une qualité indispensable pour que les propriétaires, le plus souvent citadins, confient leur toutou. Pour promener un chien, il faut connaître les règles de promenade, être capable de réagir en cas d’altercation avec d’autres bêtes, utiliser des sacs pour ramasser les besoins, et se faire respecter par l’animal. «C’est un lien de confiance qui s’établit au fur et à mesure entre l’animal et nous, ainsi qu’avec le propriétaire», explique Noëlle. Je n’ai eu qu’une seule mauvaise expérience avec des chiens peu éduqués et qui avaient peur de la ville. Ils étaient difficiles à maîtriser. Ça a rendu la promenade peu agréable.»
Posséder son propre chien ou y être familier est d’ailleurs un prérequis pour s’inscrire sur Pawshake. Si aucune qualification ou certification n’est requise pour se prétendre pet sitter, il faut tout du moins prouver qu’on est un fervent ami des animaux, en livrant cinq photos de soi avec des chats ou des chiens lors de l’inscription.
Quel encadrement pour les promeneurs de chiens?
En Belgique, aucune loi fédérale n’encadre la profession de promeneurs de chiens. Richard Costaglioli, lui, s’est formé il y a un an via Internet. Celui qui gérait des équipes de consultants dans le cadre de projets informatiques a tout quitté pour monter sa propre entreprise «avec un but davantage tourné vers le réel»: «J’ai commencé à m’intéresser aux comportements des chiens et aux méthodes d’éducation. Je cherchais à emmagasiner un maximum de connaissances pour comprendre l’animal ainsi que son comportement avec les autres.» Pour ce Bruxellois de 34 ans, pas besoin de certification comme en France d’où il est originaire, «si on a la théorie, c’est un métier qui s’apprend au jour le jour».
Richard effectue des promenades quotidiennes en forêt de Soignes avec une dizaine de chiens en même temps. Sont inclus dans le service: la prise en charge et le retour chez le propriétaire ainsi qu’une balade d’une heure et demie accompagnée de photos. «Je choisis d’avoir des chiens réguliers. Non seulement ça engendre des revenus réguliers, mais ça permet aussi une stabilité entre les chiens.» De l’expérience donc, mais aussi de la théorie: «Il faut comprendre un chien, dans toutes les situations: s’il aboie et pourquoi, si on peut le lâcher ou non, les bons gestes à connaître lorsqu’il est en période de chaleur, gérer la sécurité… Enormément de variables entrent en compte.»
D’après Richard, ils sont quelques-uns à Bruxelles à s’être professionnalisés. L’avantage des grandes villes, «c’est que les gens ont un pouvoir d’achat plus élevé. Dans les plus petites entités, soit ils ont moins de moyens, soit le frère, la tante ou la grand-mère sont présents pour filer un coup de main», expose-t-il. Actif depuis un an, l’entrepreneur souhaite diversifier ses services, et proposer du gardiennage ou une garderie notamment, ainsi que des objets pour chiens comme des harnais ou des colliers. «L’idée serait de créer un dog world!»
Une solution adaptée
Aucune donnée chiffrée n’existe actuellement pour quantifier le nombre de propriétaires ayant recours aux services d’un dog walker en Belgique. Mais d’après Richard, la demande est forte et l’activité est lucrative. A condition de s’être professionnalisé. «Il est clair que via Pawshake, je ne pourrais pas me rémunérer à temps plein. Comme les prix qu’on fixe sont ultra compétitifs, ça reste un hobby, rémunéré certes, mais un hobby quand même», confie Noëlle. A titre de comparaison, Richard propose une promenade à 27 euros par chien, tout en sachant qu’il en promène parfois dix simultanément: «Mais j’ai dû investir dans un moyen de transport qui puisse tous les prendre en charge de manière confortable et sécurisée», note-t-il. Ludovic, le propriétaire de Utoo, ne se passerait pour rien au monde de ces promeneurs externes: «J’ai déjà testé des chenils, mais il y a trop de chiens et je ne suis pas convaincu que ça convienne à la mienne. Mes proches sont comme moi, ils n’ont pas le temps non plus.» Pour ce père de famille, comme pour de nombreux citadins, ces services représentent aujourd’hui une véritable bouffée d’air. Vu la demande croissante, il y a fort à parier que les promeneurs canins, amateurs ou professionnels, feront de plus en plus partie du paysage urbain.