Droit de réponse – Laurian Parmentier

Le Vif

Suite à l’article de M. Dirk Draulans paru dans le Vif du 18 juin 2025, j’exerce mon droit de réponse. En effet, cet article met en doute mon engagement en faveur de la biodiversité, notamment en mettant l’accent sur mes recherches sur les insectes et ma collection scientifique. Cette présentation est simpliste, repose principalement sur des « faits » fortement orientés et porte atteinte à ma réputation.

Azuré roumain

Un élément important de son récit concerne la capture de quelques spécimens de T. nogelli (l’Azuré roumain). Cela s’est passé lors d’une excursion guidée par le chercheur dr. C. M., le redécouvreur de la population roumaine. C. M. a donné sur place une autorisation explicite aux participants de collecter quelques spécimens pour des collections scientifiques, en précisant qu’il le faisait lui-même étant donné qu’il existe à peine de collections entomologiques roumaines, ce qui constitue un sérieux problème pour les musées et instituts de recherche.

J’ai respecté cet accord. Il a également été décidé de garder le site secret afin d’écarter les collecteurs commerciaux. L’espèce s’est révélée sur place moins rare qu’attendu : en une seule journée, des dizaines de spécimens ont été observés. La population a donc été estimée à quelques centaines d’individus, sur la base d’expériences relatives aux tailles de populations.1

Draulans suggère toutefois un lien avec des pratiques où jusqu’à 40 spécimens par jour étaient capturés et également vendus lors de bourses (en se référant à une publication de Rakosy de 2024 dont C. M. est d’ailleurs coauteur).2 Il appuie cela avec une photo reproduite de cette publication, montrant une petite boîte d’Azurés roumain prise par C. M. Lors de mon unique entretien avec Draulans, j’ai déclaré de manière explicite n’avoir aucun lien avec de telles pratiques. Malgré cela, il associe mon nom à cette affaire, accompagné d’une photo suggestive de ces papillons épinglés provenant de cette publication. C’est un exemple clair de cadrage par « culpabilité par association », constituant une mise en cause purement diffamatoire.

Accusations infondées

D’autres insinuations sont également fausses. Il est ainsi prétendu que j’aurais emporté des spécimens belges du Mélibée(C. hero), aujourd’hui disparu, provenant de la collection VVE. Ceux-ci ne s’y trouvaient absolument pas. Ce qui s’est réellement passé, c’est que j’ai emporté des spécimens fortement endommagés du papillon azuré des gentianes (P. alcon) afin de les restaurer, puis je les ai rendus. Sous l’administration actuelle, l’ensemble de la collection a en outre été révisé et numérisé de manière professionnelle.

Par ailleurs, Draulans présente la recherche sur les aberrations chromatiques rares, telles que chez le Damier de la scabieuse (M. trivia), comme étant sans importance. Il cite à cet égard ma propre publication, en mettant une nouvelle fois l’accent sur la prétendue « cruauté de la collecte », en soulignant la présence de « spécimens morts » dans ma collection. Pourtant, plusieurs publications scientifiques établissent un lien entre de telles anomalies et les perturbations climatiques ainsi qu’aux processus évolutifs, et ce sur la base de données issues de collections scientifiques. Dans notre publication sur les formes aberrantes du Damier de la scabieuse, il s’agissait en outre d’un spécimen que je n’avais pas moi-même collecté.3 De surcroît, le caractère rare de cette anomalie chromatique est présenté comme s’il s’agissait de la capture du « rare Damier de la scabieuse », illustrée par la photographie d’un spécimen ordinaire. Or, cette espèce est cataloguée en Europe comme étant « assez commune », avec, pour les seules dernières années, plus de 1.000 observations documentées à travers l’Europe sur le site observation.org, bien connu des biologistes et des naturalistes. Sa conclusion est donc clairement rédigée de manière polarisée et accusatoire.

Attaques personnelles

L’article contient également des attaques personnelles, notamment le qualificatif « querelleur patenté » en sous-titre. Il faut bien lire pour comprendre qu’il ne s’agit pas de moi. Ma vision de la recherche de l’INBO sur le papillon à têtes noires (C. palaemon) est également présentée de manière erronée. Je soutiens justement cette recherche en cours, dans le cadre de laquelle une quarantaine d’individus ont été capturés  en Wallonie pour être réintroduits en Angleterre. Le fait d’évoquer de telles accusations, et même d’anciennes discussions internes au sein de la VVE, n’a pour but que de me nuire.

Collections et biodiversité

Le cœur du discours de Draulans semble être que les collections d’insectes sont « dépassées ». C’est une vision extrême que je ne partage pas. Les insectes jouent un rôle crucial dans la chaîne alimentaire et constituent une source de nourriture importante pour de nombreuses autres espèces, qu’ils soient rares ou communs, attrayants ou non. Leur déclin est principalement dû à la perte de leur habitat, et non à la collecte responsable de quelques spécimens à des fins de recherche. Les collections scientifiques restent très importantes pour la climatologie et les études phylogénétiques, entre autres. Je désapprouve bien sûr les captures massives ou le commerce commercial.

Mon engagement en faveur de la biodiversité

Mon travail part d’une préoccupation sincère d’améliorer la biodiversité. Ma recherche sur la gestion de la fauche en méandres, publiée dans Agriculture, Ecosystems & Environment, montre qu’une gestion adaptée des prairies accroît leur biodiversité et que les insectes en bénéficient. Ce travail a eu un écho international, de l’Europe à l’Australie.

Je souhaite contribuer de manière constructive à la recherche de solutions : convaincre les agriculteurs de faucher en serpentant les bandes tampons fleuries pluriannuelles, aménager les jardins de manière plus écologique et financer les mesures de gestion par des systèmes qui soutiennent également la conservation de la nature. De telles approches créent des corridors et des habitats résilients au changement climatique dans le paysage pour les pollinisateurs et autres insectes utiles.4 J’avais également expliqué cette approche à Draulans, mais il n’était pas réceptif.

Une polarisation extrême n’aide pas la nature à progresser. Ce qu’il faut, c’est une recherche solide, des mesures largement soutenues et une collaboration avec les agriculteurs, les gestionnaires et les citoyens. Enfin, chacun a droit à un environnement sain et riche en biodiversité.

Laurian Parmentier
Chercheur postdoctoral à l’UGent

References:

1 Brereton, T., 1997. PhD Thesis. Ecology and conservation of the butterfly Pyrgus malvae (Grizzles skipper) in south-east England. Nature conservation. University of East London, London, p. 195 pp.

2 Rakosy, L., Manci, C.O., Covaciu, C.M., Rakosy, D., 2024. Rediscovered only to be Almost Exterminated Again – The Story of Tomares nogelii dobrogensis (Nogel’s Hairstreak) a Charismatic Butterfly Endemic to Europe. Ecol Conservation Science 4, 555636. https://DOI:10.19080/ECOA.2024.04.555636

3 Parmentier, L., Van de Velde, P., 2023. A rare natural melanistic aberration of Melitaea trivia (Lepidoptera: Nymphalidae) found during a spring field study in Dobrogea, Romania. Phegea 51, 175-179

4 Parmentier, L., Vanderstappen, H., Haesaert, G., 2024. Biodiverse Management of Perennial Flower Margins in Farmland: Meandering Mowing by ‘Three-Strip Management’ to Boost Pollinators and Beneficial Insects. Insects 15, 953

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