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Prêt pour l’Oscar

Cet été, le FC Barcelone s’est érigé comme l’un des principaux acteurs du marché estival. À coups de millions et d’opportunisme, Joan Laporta apoursuivi ses emplettes malgré un portefeuille que beaucoup pensaient vide. Au bord de la faillite l’an dernier, le club blaugrana s’est tout de même construit un des plus beaux effectifs européens.

La contre-attaque est éclair. La finition limpide. Au bout des arrêts de jeu, le mur bianconeri capitule sous cette réalisation de Neymar Jr. 3-1. La bataille de Berlin est perdue pour la Juventus, de nouveau à genoux dans une finale européenne. De l’autre côté du front, le FC Barcelone met l’Europe à ses pieds pour la cinquième fois de son histoire et concrétise une campagne 2014-2015 impériale, marquée par la surpuissance de sa division offensive MSN.

Dix-huit mois plus tôt, suite à la démission de Sandro Rosell, les socios avaient accueilli un nouveau président, Josep Maria Bartomeu. Ce triplé championnat-Coupe-Ligue des Champions, à quelques semaines des élections présidentielles en Catalogne, est un réel coup de pouce pour le chef d’entreprise espagnol qui prendra définitivement la main sur le club après son écrasante victoire face à Joan Laporta.

La validité des acrobaties financières barcelonaise ne tient pratiquement qu’à un seul et unique fil: la réussite sportive.

Élu jusqu’en 2021, Bartomeu prendra la porte un an plus tôt, fragilisé par les récents échecs sportifs et extra-sportifs du Barça. Sur le terrain, même si l’armoire à trophées du Camp Nou s’est garnie de quatre Ligas supplémentaires et autant de Copa del Rey, l’équipe a dû essuyer plusieurs humiliations sur la scène européenne (AS Rome, Liverpool, Bayern Munich). Mais le pire a lieu en coulisses où les déboires s’accumulent. Il y a le prix de la clause libératoire de Neymar (222 millions d’euros) jugée insuffisante, sans oublier les nombreux flops sur le marché des transferts. Paco Alcácer, Arda Turan, Philippe Coutinho, Malcom, Antoine Griezmann et, dans une moindre mesure, Ousmane Dembélé, pèsent ensemble plus d’un demi-milliard d’euros. Pire, sous la direction de Josep Bartomeu, la balance des transferts entrants/sortants affiche un déficit de plus de 450 millions d’euros.

Bartomeu, virus financier

Plusieurs déconvenues qui pousseront Bartomeu à quitter ses fonctions à la fin de l’année 2020. Il faudra attendre le mois de mars suivant pour voir Joan Laporta être élu président pour la seconde fois, après son mandat exercé entre 2003 et 2010. Bien qu’il soit avocat de formation, c’est en tant que docteur qu’il débarque au sein d’un club blaugrana qui porte les stigmates d’une crise qui dure depuis bien trop longtemps pour une institution pareille. Financièrement, le club est atteint d’une dette quasiment incurable: 1,3 milliard d’euros.

C’était donc la pathologie la plus urgente à régler. Dès sa nomination, Laporta s’est démené pour trouver un terrain d’entente avec les administrations auxquelles le Barça était redevable. Si une partie de la dette a pu être étalée sur plusieurs années, l’autre devait être payée sur le champ. Ce sera chose faite grâce à une prescription de 595 millions d’euros de la banque Goldman Sachs. Un montant qui, en plus de faire souffler le comptable du club catalan, permettra d’attirer Ferran Torres lors du mercato suivant.

Mais le Docteur Laporta le sait, il vient simplement de gagner du temps. Son patient reste dans un état critique. Il tente donc un nouveau traitement à la mode en Europe, la vente d’actifs. Pour faire simple, ce procédé consiste à vendre certains biens qui permettent à l’entreprise de réaliser son chiffre d’affaires. Pour un club de football, cela fait référence, par exemple, aux droits télévisuels ou au merchandising. Ainsi, pour en revenir au cas du FC Barcelone, le club a cédé, cet été, 25% de ses droits TV à la firme Sixth Street, une société d’investissement américaine. Si l’accord contraint les Blaugrana à se séparer d’un quart de leur droits TV pendant 25 ans, il renfloue directement les caisses catalanes de 600 millions d’euros.

Joan Laporta en compagnie de la nouvelle star catalane: Robert Lewandowski.
Joan Laporta en compagnie de la nouvelle star catalane: Robert Lewandowski.

Et le club aux cinq Ligues des Champions ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Début août, celui-ci a vendu 25% de sa filiale Barça Studios à une société se concentrant sur la créations de tokens et de NFT: Socios.com. Grâce à cela, une centaine de millions d’euros vont atterrir directement dans les caisses catalanes. Un passeport direct vers le marché des transferts car aujourd’hui, ce qui compte pour Joan Laporta, pilote du club, c’est le momentum. La prochaine saison se passera sans perturbation, oui, mais le risque de crash à long terme sera toujours bien présent.

Sponsors hors du commun

Autre levier financier activé, l’arrivée d’un nouveau sponsor: Spotify. Ce dernier remplacera le site de ventes en ligne français, Rakuten. Le moins que l’on puisse écrire, c’est que le contrat entre le Barça et la plateforme de musique en ligne a fait grand bruit. Deux raisons expliquent cela: d’abord, cet accord pourrait bouleverser la trajectoire du sponsoring sportif avec, désormais, les acteurs de l’économie numérique aux commandes: NFT, plateforme, cryptomonnaies,…. Un secteur d’activité qui s’est développé à toute vitesse ces dernières années, là où l’épidémie en a fait passer plusieurs par la voie des stands. Ensuite, s’il est difficile d’établir des chiffres exacts, les médias espagnols évoquent la somme de septante millions d’euros par an jusqu’en juin 2026. Le plus gros chèque de sponsoring jamais enregistré dans l’histoire du club catalan. Parallèlement à ce contrat, le club semble également très proche de finaliser un contrat avec la société ukrainienne, WhiteBIT, spécialisée dans la … crypto-monnaie. Un mariage qui pourrait rapporter une vingtaine de millions par saison.

Et si l’argent semblent couler à flot, le mois dernier, la Liga en personne est venue mettre la tête des Catalans sous l’eau. L’enregistrement des recrues estivales n’avaient pu s’effectuer. La faute à une différence d’interprétation entre la Fédération et le club concernant le montant des recettes globales. Un imbroglio plutôt cocasse à tout juste une semaine de la reprise du championnat et qui obligea le Barça a de nouveau se tourner vers la vente d’actifs. Les quotidiens espagnols évoquent également une possible baisse de salaire pour certains cadres du noyau, notamment Sergio Busquets.

Si le FC Barcelone a bien dépensé, il a aussi su flairer les quelques bons coups qui se promenaient sur le marché.

Bien que réglé, cet épisode vient confirmer que le montage financier confectionné par le club ressemble à un numéro d’équilibriste improvisé. Les liquidités débloquées immédiatement devront, pour certaines, être remboursées à terme. Et à ce niveau-là, le numéro des dirigeants blaugranas n’est pas du tout sécurisé. Il repose sur des suppositions: reprise post-Covid, nouveaux sponsors et davantage de revenus provenant du terrain. En d’autres termes, la validité des acrobaties financières barcelonaises ne tient pratiquement qu’à un seul et unique fil: la réussite sportive.

Des transferts coûteux

La survie de l’institution passera par des victoires. Que ce soit quantitativement ou qualitativement, l’effectif catalan avait donc besoin de forces vives. Avec tout le respect que méritent Luuk de Jong ou Martin Braithwaite, ils n’ont pas les qualités nécessaires pour faire partie du noyau d’un club comme le FC Barcelone. Pour atteindre ces objectifs, le club avait l’obligation de jeter son dévolu sur des joueurs reconnus qui apporteront une réelle valeur ajoutée au groupe de Xavi.

Malgré ses problèmes financiers, le FC Barcelone n'a pas lésiné niveau recrutement. Joan Laporta a ainsi arraché Raphina à Leeds United et Jules Koundé au FC Séville, tandis qu'Andreas Christensen et Franck Kessié ont débarqué gratuitement de Chelsea et du Milan AC.
Malgré ses problèmes financiers, le FC Barcelone n’a pas lésiné niveau recrutement. Joan Laporta a ainsi arraché Raphina à Leeds United et Jules Koundé au FC Séville, tandis qu’Andreas Christensen et Franck Kessié ont débarqué gratuitement de Chelsea et du Milan AC.

Condition sine qua non de son retour au premier plan, le Barça devait finaliser l’arrivée d’un joueur de classe mondiale. Si Lionel Messi est irremplaçable, aucun joueur digne de son talent n’avait posé ses valises en Catalogne depuis le départ de l’Argentin. C’est désormais chose faite avec l’arrivée de Robert Lewandowski. Enchaînant les saisons stratosphériques au Bayern, claquant notamment 344 buts en 375 représentations, le serial-buteur avait besoin d’un nouveau défi. Tant mieux, celui-ci est de taille.

Pour le relever, Lewi ne sera pas seul. L’ailier brésilien Raphinha, fraîchement débarqué de Leeds pour 58 patates, sera en charge d’alimenter l’ogre polonais. Un joli coup des dirigeants barcelonais. À 25 ans, il vient garnir les couloirs de l’attaque, jusqu’à présent trop dépendants de l’inconstance et de la fragilité d’Ousmane Dembélé et d’Ansu Fati. Avec 23 matchs au compteur depuis deux ans, ce dernier peut lui aussi être considéré comme un renfort de taille. La pépite espagnole n’a joué que 771 minutes sur les deux dernières saisons en championnat, soit moins de neuf matchs complets. Pour huit pions. La Liga est prévenue.

Autre recrue onéreuse de ce marché estival, le défenseur sévillan Jules Koundé. Fort de trois campagnes réussies en Andalousie, l’Europe entière lui faisait les yeux doux. Au terme d’un énorme bras de fer avec Chelsea, le Barça remportera finalement la mise en posant cinquante briques pour s’offrir le mur français qui devra solidifier une arrière-garde catalane trop frileuse par moments. Toujours pas inscrit suite à la masse salariale trop conséquente des Catalans à l’heure de boucler ces pages, Koundé s’avance comme le lieutenant principal de Gerard Piqué qui, après un passage à vide remarqué, a terminé la saison dernière en taille patron. Néanmoins, il arrive doucement au terme de sa carrière. Les dirigeants espagnols ont d’ailleurs bien préparés la succession du défenseur central espagnol. En plus de Koundé, Xavi peut se targuer d’avoir sous la main un autre garçon de 23 ans, pétri de talent, Ronald Araùjo. Ensemble, ces deux joueurs incarnent l’avenir de la défense catalane.

Andreas et Franck, sans passer devant le Kessié

Pour les suppléer, l’arrivée d’Andreas Christensen, tout droit venu de … Chelsea, est également une très belle affaire. Loin d’être indiscutable chez les Blues, il possède néanmoins, à 26 ans, une certaine expérience du haut niveau. Il sera incontestablement un pion important dans la rotation de Xavi lorsque les matchs s’enchaîneront. Autre avantage du Danois, et non des moindres, il est gratuit. Élément à ne pas négliger quand il s’agit de se renforcer, mais que vos finances sont dans le rouge.

Un point sur lequel les dirigeants ont été tout aussi attentifs qu’opportunistes. Car si le FC Barcelone a bien dépensé, il a aussi su flairer les quelques bons coups qui se promenaient sur le marché. En ce sens, la signature de Franck Kessié en agent libre, était une aubaine à saisir absolument. L’Ivoirien, véritable taulier de l’AC Milan, est un des grands artisans du retour au premier plan du club lombard. Box-to-box hors pair, travailleur infatigable, il va densifier un entrejeu catalan parfois maigrichon en reconversion défensive.

Ces deux signatures montrent que l’on ne peut pas réduire le mercato XXL du FC Barcelone à un lâcher inconscient de millions. Même si, avec un peu de hauteur, force est de constater que ces pratiques financières sont risquées. Si elles garantissent un avenir à court terme plus calme, elles nécessitent des résultats sportifs probants immédiatement. La suite du scénario nous révélera si la bonne stratégie fût adoptée. Joan Laporta voulait absolument rejouer les premiers rôles. Que le Camp Nou redevienne le plus beau des théâtres européens. Hanté par les récentes erreurs de castings, il s’est donc entouré d’acteurs de renoms. Suffisant pour rafler l’Oscar de la compétition étoilée?

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