
Michiel Partoens, boxeur et prof: «Quand j’arrive avec un bleu, mes élèves se moquent de moi»
Michiel Partoens est le nouveau phénomène de la boxe belge. Il est aussi enseignant. Une drôle de double vie qui l’amène parfois à l’école avec un œil au beurre noir.
Dans le sous-sol du garage Gulix à Riemst, localité située dans le Limbourg, l’air est chargé de sueur. Entre les bougies rouillées, les épaves de voitures sans pneus et un vieux camion de pompiers échoué, le boxeur Michiel Partoens travaille à son avenir. Il n’y a pas plus cinématographique que cette magnifique cave d’entraînement. D’ailleurs, les réalisateurs de la série télévisée Flikken Maastricht, déclinaison néerlandaise de Flikken diffusée sur la VRT, ont choisi ce décor pour leur prochaine saison. «Nous avons gardé un casier et un banc de gymnastique de ce tournage. Ils n’étaient pas encore là, et l’équipe pensait que ce genre d’objet avait sa place dans une salle de boxe», sourit Michiel Partoens.
En un an, le boxeur a conquis la ceinture de champion de Flandre, de Belgique et du Benelux et, depuis peu, le titre international de la fédération IBO est venu s’ajouter chez les «cruiserweight» (la catégorie des moins de 90,7 kilos). Le 9 mai, lors du gala de boxe de Gand, le Limbourgeois sera en haut de l’affiche. Il affrontera le Serbe Miloslav Savic, un droitier musclé de Novi Sad.
A l’extérieur du ring, Michiel Partoens enseigne en section sportive à l’Athénée Tungrorum de Tongres. Même s’il est engagé dans son métier, pour l’instant il est surtout préoccupé par la préparation pratique de son combat. «La semaine précédant le gala, nous partons en voyage scolaire à Houffalize. Cela représente 80 kilomètres de vélo le lundi, alors que je me repose normalement les jours précédant un combat. Mais l’école a besoin d’encadrants et je veux apporter ma pierre à l’édifice. Je repars donc le mardi et je boxe à Gand le vendredi. Je regrette un peu de manquer l’essentiel de ce beau voyage à Houffalize.»
Ce n’est pas une association habituelle. Celle d’un enseignant qui totalise sept victoires par K.-O. en neuf combats, tous remportés. «Je donne tout pour ma carrière de boxeur, mais l’enseignement est aussi une passion, assure l’intéressé. Je donne des cours théoriques sur les zones de fréquence cardiaque et la nutrition, ainsi que des cours pratiques de gymnastique ou de sport en général à des élèves âgés de 14 à 18 ans.»
Ah, des adolescents…
C’est la réaction de tout le monde, mais en réalité, j’aime travailler avec les jeunes adolescents. A cet âge, ils sont encore malléables: un professeur inspirant peut faire une grande différence. Les élèves de cinquième et sixième secondaires sont déjà un peu plus solides. Il n’est pas toujours facile de les toucher, mais on peut s’adresser à eux davantage comme à des adultes, ce qui a aussi ses avantages. Bien sûr, il y a des moments où j’ai moins de plaisir mais de manière générale, j’aime enseigner. Vous voyez ces jeunes grandir, évoluer en tant que personnes et finir par obtenir leur diplôme, si tout se passe bien. C’est toujours merveilleux d’en être le témoin.
Comment réagissent les élèves lorsque vous arrivez à l’école le lundi avec un œil au beurre noir?
«Félicitations, monsieur, vous vous êtes encore battu!» Oui, et bien sûr, ils se moquent de moi. Mes élèves suivent ma carrière et c’est bien qu’elle soit aussi vivante à l’école. Avant un combat, lorsque je m’entraîne très dur et que je suis très strict avec moi-même, je remarque que certains élèves s’en inspirent. L’autre jour, j’ai eu un œil au beurre noir. Les médias en ont parlé le dimanche, et la moitié de l’école était curieuse de mesurer l’ampleur du coup. Ils ont été déçus de voir qu’il n’y avait que très peu de traces. Mon entraîneur est parvenu à traiter l’hématome. Au bout de trois jours, il s’était résorbé. Je ne savais même pas que c’était possible.
Est-ce difficile de concilier votre travail d’enseignant et la boxe?
Ce n’est pas facile, bien sûr. Je m’entraîne environ 18 heures par semaine, et un peu plus lorsqu’un combat est prévu. Souvent, je me retrouve à me battre contre mon agenda. Heureusement, mon entraîneur et l’école sont flexibles et je ne passe pas beaucoup de temps à me déplacer: mon travail, mon domicile et la salle de boxe sont proches les uns des autres. Le plus difficile, finalement, c’est de trouver le temps de se reposer.
L’un des défis de l’enseignement aujourd’hui est l’autorité. Un boxeur professionnel qui enseigne est-il également confronté à ce problème?
En tout cas, ils n’ont pas du tout peur de moi. Au contraire, les élèves me voient plutôt comme un gros nounours. Je crois que j’ai une autorité naturelle qui se reflète dans ma façon d’enseigner. C’est un atout, mais bien sûr, je dois aussi me mettre en colère de temps en temps.
Y a-t-il de l’agressivité derrière votre choix de sport?
Oui et non. Je ne suis pas du tout quelqu’un qui cherche la bagarre dans la vie de tous les jours, mais le côté brutal de la boxe explique en partie pourquoi je suis tombé amoureux de ce sport. J’ai commencé à boxer à l’âge de 11 ans, mais à 16 ans, j’ai arrêté pendant deux ans parce que mon club de l’époque a fermé boutique. Ces deux années n’ont pas été les plus heureuses de ma vie. J’ai eu quelques ennuis dans la vie nocturne. La boxe me permet de rester calme et concentré. Elle vous apprend à libérer son agressivité au bon moment.
Aux Etats-Unis en particulier, la boxe est considérée comme un exutoire pour les jeunes en difficulté, afin de les éloigner de la rue.
Il se trouve que j’ai fait ma thèse de licence sur ce sujet. La boxe est en effet le sport idéal pour les jeunes vulnérables qui manquent de repères dans leur vie. Elle leur apprend l’engagement, la structure et la maîtrise de soi. Ils peuvent dépenser leur énergie dans une activité qui les relie à leur milieu de vie. De plus, c’est un sport tellement dur qu’il oblige à se donner à fond. Ce sentiment de dévouement total, de don de soi, est quelque chose qui manque à beaucoup de gens, même s’ils ne s’en rendent pas compte.
Quel est votre meilleur souvenir de victoire par K.-O. jusqu’à présent?
Celui pour le titre IBO à Hasselt, contre le Français Jean Olivier. Dans les 20 premières secondes. il m’a effleuré une fois la joue. Je contrôle mon instinct qui me pousse à lui foncer dessus et au lieu de cela, je fais deux pas en arrière. Olivier s’élance, protégeant sa mâchoire avec ses gants, mais laissant de la place pour un uppercut. Alors qu’il est encore en train de se gausser de son premier coup réussi, je fais une feinte, suivie d’un coup de poing en crochet, d’un uppercut et d’un autre crochet. Mon adversaire est tombé pendant huit secondes, mais lorsqu’il s’est relevé, il n’était plus vraiment là. L’arbitre a sagement mis fin au combat. Extinction des feux! En 58 secondes, le combat était terminé.
Combien de temps après le KO faut-il pour se rendre compte que l’on a affaire à un être humain qui pourrait être en mauvaise posture?
A partir du moment où le combat s’arrête. Avant cela, vous êtes tellement gonflé à l’adrénaline que vous ne cessez de bombarder votre adversaire. Vous ne pouvez pas vous permettre de vous préoccuper de son état de santé. Mais une fois le combat terminé, un grand respect mutuel s’installe naturellement. Vous savez à quel point votre adversaire s’est entraîné et vous êtes soulagé de vous en être sorti en un seul morceau.
Qu’en est-il des effets à long terme des coups portés à la tête?
Ils s’accumulent constamment, tous les boxeurs le savent. Après la carrière, il y a des dégâts, c’est inévitable, mais on y pense le moins possible. Les boxeurs subissent un examen neurologique tous les deux ans. Si le médecin remarque quelque chose, il faut être assez intelligent pour jeter l’éponge.
Ce K.-O. rapide à Hasselt n’était pas une exception: vous commencez toujours vos combats avec beaucoup d’ardeur. On voit souvent vos adversaires se demander ce qui va leur arriver.
Je trouve que c’est un beau compliment. Un adversaire peut avoir l’air super dangereux, alors qu’en fait il est facile à abattre, mais l’inverse se produit aussi, bien sûr. Pendant le combat, on découvre rapidement le score, et si on peut écraser l’autre, il ne faut pas hésiter. Un combat qui s’éternise devient une agonie pour les deux parties. Je suis un boxeur qui aime terminer ses combats par un K.-O., mais je vais peut-être devoir tempérer un peu cette tendance. Gagner aux points est également une bonne chose. Je dois faire attention à ce que mon impatience ne me tue pas.
«Un combat qui s’éternise devient une agonie pour les deux parties.»
Pouvez-vous aussi encaisser les coups?
Je n’ai pas eu à le faire souvent dans ma carrière. (rires)
Delfine Persoon raconte qu’une adversaire avait craché sur ses chaussures à la pesée. Quelle est la pire chose que vous ayez vécue en matière de provocation avant un combat?
Ils ont caché mon sac de sport une fois, juste avant un combat. Pour me rendre nerveux –enfiler des gants de boxe prend du temps– mais finalement, j’ai gagné ce duel sans encombre. Je suis naturellement très concentré et je gère bien le stress. Il faudra plus qu’une disparition de sac de sport pour me mettre hors-jeu. Certains boxeurs pudiques se mettent soudain à jouer les gros durs avant un combat, mais je trouve cela ridicule. Pourquoi jouer un rôle? Je reste moi-même, les pieds sur terre. Je n’ai pas besoin d’intimider: la confiance en soi me vient naturellement. Quand je prépare un combat, je ne laisse rien au hasard. Ce travail acharné me donne le sentiment que rien ne peut m’atteindre.
Pourquoi avoir choisi la boxe et pas le MMA? C’est l’art martial le plus en vogue chez les jeunes.
Je n’ai rien contre le MMA: je trouve ça intéressant à regarder. J’aimerais même que la boxe se rapproche davantage des arts martiaux mixtes dans certains domaines. Ce qui ne favorise pas mon sport, c’est que les champions choisissent souvent leurs adversaires. Les boxeurs jugés trop dangereux sont écartés. Dans l’UFC (NDLR: la plus grande ligue de MMA), les meilleurs combattent contre les meilleurs, sans excuses. En boxe, par exemple, le fait que je sois belge est un désavantage, car je suis un adversaire moins intéressant commercialement. La boxe reste aussi un sport de jury. Si vous boxez dans un pays comme la Russie, vous devez mettre votre adversaire K.-O., sinon le jury accorde au champion local la victoire aux points.
Aucun sport ne fonctionne aussi bien au cinéma que la boxe. Combien de fois avez-vous vu Rocky?
Il n’y a pas de meilleure façon d’occuper un dimanche soir. Quand je tombe dessus en zappant, il m’est presque impossible de ne pas continuer à le regarder. Mais mon film de boxe préféré est Southpaw, avec Jake Gyllenhaal. Je l’ai regardé encore plus souvent que Rocky. C’est une histoire passionnante.
Suivez-vous un régime alimentaire strict? Rocky mangeait des œufs crus.
Mon régime, c’est l’omelette! (rires) J’ai la chance de ne pas devoir suivre de régime: avec mon poids naturel, je rentre parfaitement dans ma catégorie. Mais je ne me suis jamais complètement laissé aller. Pour un athlète, cela ne devrait pas être le cas. D’ailleurs, il se peut que j’essaie bientôt de manger des œufs crus. Un de mes amis en fait l’expérience: il semble que cela ait des effets bénéfiques sur la santé. Je suis curieux, mais cela devra attendre que je sois éloigné des combats pendant une longue période.
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